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Biélorussie

Election : à la soviétique !

Manifestation anti-Loukachenko sur la place d’Octobre dans le centre de Minsk, le 19 mars 2006.(Photo: AFP)
Manifestation anti-Loukachenko sur la place d’Octobre dans le centre de Minsk, le 19 mars 2006.
(Photo: AFP)
Selon les médias officiels biélorusses, le président sortant Alexandre Loukachenko a été triomphalement réélu à l’issue du scrutin présidentiel de dimanche. Le résultat est vivement contesté par l’opposition et provoque le scepticisme parmi les observateurs du scrutin. Après une première manifestation de protestation, dimanche soir, l’opposition appelle à un nouveau rassemblement lundi soir.

De notre envoyé spécial à Minsk

« 86% des suffrages pour Alexandre Loukachenko », annonce la télévision biélorusse. Dans ce bar de Minsk, Ivan et Julia, 25 ans, éclatent de rire : « Bientôt, il y aura plus de voix pour Loukachenko que de Biélorusses ». Alexandre Milinkevitch, le candidat choisi par un congrès de l’opposition unie, en octobre dernier, n’est pas étonné : « J’avais pronostiqué 70% car notre cher président n’aime pas être élu avec un score inférieur », confiait-il non sans ironie. Difficile en effet d’accorder le moindre crédit à  ces chiffres que rien ne vient corroborer : « Tout le monde autour de nous a voté pour Milinkevitch ou Kozouline (l’autre candidat de l’opposition), ajoute Ivan, et ils leur donnent moins de 8,5% à eux 2 ».

Ce score purement soviétique suscite en soi bien des suspicions. Dimanche soir, sur la place d’Octobre, dans le centre de Minsk, Alexandre Milinkevitch a rejeté ces résultats en s’adressant aux 10 000 personnes qui s’étaient rassemblées dés la fermeture des urnes à 20 heures : « Nous allons demander l’annulation de ces élections avec le soutien des nombreuses organisations internationales qui nous soutiennent », lance Alexandre Milinkevitch qui se félicite qu’ils soient si nombreux à avoir bravé la peur : 10 à 15 000 personnes, selon les différentes estimations, c’est en tout cas le premier rassemblement de cette ampleur en Biélorussie depuis qu’Alexandre Loukachenko la dirige d’une main de fer. Pari réussi pour l’opposition car ce n’était pas gagné d’avance, le régime mène une campagne d’intimidation sans précédent : KGB, procureur, chef de l’Etat se sont succédés sur les chaînes de télévision pour menacer les manifestants de peines pouvant aller jusqu’à 25 ans de prison, voire de la peine de mort.

«Radicaux alcooliques et pronazis»

Quant à Alexandre Loukachenko, il a promis de « casser le cou » à ces manifestants présentés lundi matin sur les télés comme « une bande de radicaux alcooliques et pronazis », simplement parce qu’ils brandissent le drapeau biélorusse qu’Alexandre Loukachenko a fait remplacé par l’ancien drapeau soviétique lors de son accession au pouvoir il y a douze ans. C’est la première fois que la télévision montrait l’opposition dont les activités ont été totalement passées sous silence durant la campagne électorale jusqu’à ne pas prononcer le nom même des candidats de l’opposition. Quant aux opérations de vote, la présidente de la Commission centrale électorale affirmait lundi matin n’avoir reçu aucune plainte. La mission de l’OSCE, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe a pourtant maintes fois dénoncé le système de vote anticipé qui débute 5 jours avant le scrutin et qui est une voie royale pour « tous les tripatouillages », explique un diplomate occidental. Aucun observateur indépendant ne peut en effet surveiller les urnes durant la nuit où elles sont censées être sous la bonne garde de la milice.

Dimanche soir, l’opposition a réussi son premier défi en parvenant à mobiliser ses partisans. Et, malgré les menaces, les forces de l’ordre, très présentes, ne sont pas intervenues : « Je suis venue parce que je veux vivre dans un pays libre et indépendant et ne plus être un esclave, je veux que mes enfants vivent dans un pays libre et sans peur », explique Irina, 45 ans, avec une forte émotion dans la voix. « Et il faut que tous ceux qui sont là en fassent venir d’autres pour que nous soyons encore plus nombreux lundi soir », ajoute-t-elle. L’opposition a appelé à un nouveau rassemblement pacifique lundi à 18h30 au même endroit, place d’Octobre, avec l’espoir de mobiliser davantage encore.


par Jean-Frédéric  Saumont

Article publié le 20/03/2006 Dernière mise à jour le 20/03/2006 à 12:34 TU