Transport aérien
Une liste qui ne gêne personne
(Photo: AFP)
« Je suis maintenant en mesure de proposer à la Commission d’adopter la liste noire rapidement, de la publier et d’assurer que les compagnies qui ont été identifiées n’auront pas la possibilité d’entrer en Europe avant qu’elles n’aient résolu leurs problèmes », déclarait le Commissaire européen aux Transports, Jacques Barrot, visiblement satisfait du travail fourni. Au lieu d’additionner des listes par pays un consensus a finalement été trouvé et une centaine de compagnies, la plupart africaines, sont frappées de mesures d’interdiction d’atterrir ou de décoller des 25 pays européens.
Les auteurs de cette liste semblent fiers du travail fourni à l’endroit des usagers européens, mais le problème est que la plupart des compagnies visées n’interviennent pas en Europe. Oui mais « ces compagnies pouvaient à tout moment être appelées en sous-traitance par une autre, disposant elle de droits de vols dans l’UE » rétorque Jacques Barrot. En Suisse, l’Office fédéral de l’aviation civile (OFAC) a immédiatement manifesté son intention de s’impliquer davantage dans l’actualisation mensuelle de la fameuse liste prévue par l’UE. L’OFAC a justement fait remarquer que de nombreuses compagnies mises à l’index « n’existent plus » et paradoxalement une compagnie aérienne arménienne Air Van Airlines, figurant sur sa liste n’apparaît pas sur la liste européenne, pas plus que Flash Airlines, la compagnie égyptienne dont un avion s’était écrasé le 3 janvier 2004 à Charm el-Cheikh faisant 148 morts. Aucune compagnie du pourtour méditerranéen ne figure sur la liste noire de l’Union européenne.
Les transporteurs aériens africains regrettent les sous-entendusUne dizaine de compagnies sur la centaine indexée ne sont pas africaines, mais d’Asie centrale (Afghanistan, Kazakhstan, Kyrghizstan), de Corée du Nord et de Thaïlande. Pour l’Afrique, la plupart des compagnies sont de la République démocratique du Congo. Souvent inconnues et ne bénéficiant pas de licence dûment délivrée par les organisations internationales, leur fichage pose la question de l’intérêt réel de cette liste noire. De nombreux avions militaires qui ont servi pendant la guerre civile au Congo ont été reconvertis dans le transport de passagers et ne desservent, pour la plupart, que des lignes intérieures congolaises.
L’Association des transporteurs aériens africains avait elle-même demandé aux autorités congolaises et de l’Union africaine d’interdire de vols ces avions de fabrication soviétique qui ne bénéficient plus de maintenance depuis l’éclatement de l’URSS en 1991. Le crash de ces avions est comptabilisé dans les catastrophes aériennes mondiales et gonfle les chiffres, alors que les compagnies propriétaires n’effectuent qu’un pourcentage insignifiant dans le trafic mondial. Les transporteurs africains regrettent les sous-entendus et le discrédit que cette liste jette sur les compagnies régulières africaines qui, elles, desservent de nombreuses capitales européennes.
par Didier Samson
Article publié le 22/03/2006 Dernière mise à jour le 22/03/2006 à 19:15 TU