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Terrorisme

Le revirement suicidaire de Moussaoui

Zacarias Moussaoui : «<em>Oui, je devais être le pilote d'un avion qui devait frapper la Maison Blanche</em>».(Photo : AFP)
Zacarias Moussaoui : «Oui, je devais être le pilote d'un avion qui devait frapper la Maison Blanche».
(Photo : AFP)
Détruisant les arguments de ses défenseurs visant à lui éviter la peine de mort, et en contradiction avec ses déclarations précédentes, le Français Zacarias Moussaoui, jugé depuis le 6 février, a affirmé lundi à son procès aux Etats-Unis qu'Al-Qaïda lui avait donné pour mission d'attaquer la Maison Blanche à bord d’un avion, le 11 septembre 2001.

Ses avocats avaient pourtant tout fait pour l’empêcher de parler. Après avoir vainement tenté de le dissuader de prendre la parole, ils ont insisté auprès de la juge Leonie Brinkema pour qu’elle rejette son témoignage. Al-Qaïda, ont-ils plaidé, dicte à ses membres de mentir en cas d’arrestation. Mais leurs arguments n’ont pas été retenus. Toujours vêtu de sa combinaison verte de prisonnier, lissant sa barbe noire, Zacarias Moussaoui s’est donc rendu, accompagné par les gardes, jusqu’au box des témoins du tribunal d’Alexandria (Virginie).

Il s’est alors exprimé face aux jurés et, en contradiction avec ses déclarations antérieures, a revendiqué un rôle dans la préparation des attentats du 11-Septembre. Il aurait dû y participer, a-t-il affirmé à la barre devant un auditoire abasourdi. « Deviez-vous être un pilote dans le cadre d'une opération (terroriste), le 11-Septembre ? », lui a demandé un de ses avocats, Me Gerald Zerkin, en suivant les consignes de son client. « Oui, je devais être le pilote d'un avion qui devait frapper la Maison Blanche », a répondu Moussaoui, ajoutant qu'il savait que deux appareils allaient être précipités contre le World Trade Center, et que l’emploi de cutters pour détourner les avions était « probable ».

Et le Français d’origine marocaine de préciser : « L’un des membres de mon équipe était Richard Reid ». Ce Britannique surnommé « Shoebomber », qui avait tenté de faire exploser sa chaussure piégée à bord d’un vol Paris-Miami le 22 décembre 2001, purge une peine de prison à vie aux Etats-Unis. Moussaoui, lui, est jugé dans le seul but de déterminer sa peine (réclusion à perpétuité ou peine de mort).

« Trancher la gorge de quelqu’un n’est pas difficile »

Jusqu’ici, et depuis qu’il avait plaidé coupable, l’an dernier, de complicité avec les auteurs des attentats, Moussaoui avait toujours dit qu'il devait participer, non pas aux attaques du 11-Septembre, mais à une opération distincte. Lundi, interrogé pendant trois heures par la défense et l’accusation, il s’est exprimé calmement. Il a admis que lorsqu’il a été arrêté le 16 août 2001 dans le Minnesota alors qu’il prenait des cours de pilotage pour avion de ligne, il ne connaissait pas la date prévue pour les attentats. « Je savais que les deux tours seraient touchées, mais je n’avais pas de précisions. »

Relayant un de ses avocats, le procureur lui a posé plusieurs fois la question : « La raison pour laquelle vous avez menti était-elle de permettre le déroulement des opérations ? » A chaque fois, le Français a répondu : « C’est correct. » Se faisant de plus en plus incisif, le procureur lui a demandé, dans un silence pesant, s’il avait souhaité « tuer des Américains ». « Oui. » « Et vous êtes-vous réjoui des morts et des destructions ? » « Correct. » « Etiez-vous prêt à utiliser un couteau pour trancher la gorge d’un passager ou d’une hôtesse ? » « Oui (…) Trancher la gorge de quelqu’un n’est pas difficile », a répondu l’accusé qui émaillait fréquemment son récit de considérations sur la guerre sainte.

Ses déclarations devant le tribunal ont, certes, été contredites peu après par le témoignage écrit de Khalid Sheikh Mohammed, considéré comme le cerveau des attentats du 11 septembre 2001 et détenu au secret par les Etats-Unis. Le Pakistano-Koweitien a déclaré que Moussaoui devait participer à une seconde vague d'attentats. Mais, estiment des juristes américains, comme il ne peut être, pour des raisons de « sécurité nationale », présent physiquement à l’audience, son témoignage n’a pas le même poids.

Que cherche Zacarias Moussaoui ? A « creuser sa propre tombe », comme l’a supposé un membre du public à la sortie de l’audience ? A « avoir son heure de gloire au cours de son procès », comme le pense l’assistante d’un de ses avocats ? En tout cas, sa volte-face ruine toute la stratégie de défense que ceux-ci avaient élaborée : tenter de convaincre le jury que leur client disposait de beaucoup moins d’informations que l’administration américaine. Le mois dernier, la juge Brinkema l’avait prévenu : « Monsieur Moussaoui, vous êtes votre pire ennemi. »


par Philippe  Quillerier

Article publié le 28/03/2006 Dernière mise à jour le 28/03/2006 à 17:43 TU