Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

République démocratique du Congo

33 candidats à la présidentielle

Initialement prévu le 18 juin, le premier tour de la présidentielle sera reporté pour des raisons logistiques, sans doute début juillet. 

		(Photo : AFP)
Initialement prévu le 18 juin, le premier tour de la présidentielle sera reporté pour des raisons logistiques, sans doute début juillet.
(Photo : AFP)

La Commission électorale indépendante (CEI) a publié le 5 avril au soir une liste de 32 candidatures provisoirement validées pour la présidentielle. 41 33 ont été finalement retenues le 15 avril. Les candidatures retenues aux législatives sont annoncées pour le 19 avril, après quoi sera fixé le nouveau calendrier électoral, le premier tour de la présidentielle devant être reporté. Le principal parti de l’opposition non armée, l'Union pour la démocratie et le progrès social (UDPS) d'Etienne Tshisekedi boycotte les deux scrutins. Le président de transition, Joseph Kabila, briguera sa propre succession, en candidat indépendant, mais non sans l’appui de son Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD), présent aux législatives. Les principaux anciens chefs rebelles sont en lice, le doyen de l’opposition, Antoine Gizenga du parti Lumumbiste unifié (Palu) aussi.


L’heure de vérité approche. Nul ne croit vraiment que cette fois le scrutin soit reporté au-delà de quelques semaines. Il est question de juillet pour le premier tour de la présidentielle initialement prévu le 18 juin. Pour autant, la réconciliation nationale n’est pas encore au rendez-vous, au vu du boycott de l’UDPS et de la pléthore de candidats à la magistrature suprême, parmi lesquels certains anciens chefs rebelles dont rien ne garantit qu’ils soient enclins à renoncer à leurs fiefs de guerre sans contrepartie. Quoi qu’il en soit de la capacité d’abnégation de ces derniers, en dépit des alliances et des traîtrises passées ou à venir, et malgré l’insécurité dramatique qui perdure au Katanga comme en Ituri, la reconstruction va commencer à se jouer dans ces élections plurielles, les premières depuis des décennies d’Etat néant, presque cinq ans de guerre et dix ans de conflit politico-militaire.

8 650 candidats aux législatives

Dans la perspectives de l’entrée en politique d’un très grand nombre de nouveaux-venus dans le bateau-école parlementaire où 500 sièges sont à pourvoir, les législatives ne seront pas le moins important des scrutins. Quant au vainqueur de la joute présidentielle, les Congolais attendent de lui qu’il relève le géant minéral et agricole de ses ruines matérielles, politiques et institutionnelles. Pour sa part, Joseph Kabila entend apparaître comme cet homme providentiel. En tout cas, depuis qu’il s’est assis, à Kinshasa, dans le fauteuil de son père Laurent-Désiré Kabila, assassiné le 16 janvier 2001, il a entrepris de se donner le profil de l’unificateur et du reconstructeur espéré par les électeurs.

L’avènement de Joseph Kabila dans la capitale lui a déjà permis de garder une casquette présidentielle à l’ouverture de la transition politique en 2003. Il entend cette fois légitimer sa position et conduire les affaires du nouveau Congo sans l’encombrant attelage des trois vice-présidences, issues des rébellions et de l’opposition non armée, négociées à Sun City pendant le dialogue inter-congolais. Or, dans la compétition pour la magistrature suprême, les anciens vice-présidents, Jean-Pierre Bemba, chef du Mouvement de libération du Congo (MLC) ancré dans la province de l’Equateur, et Azarias Ruberwa, président du Rassemblement congolais pour la démocratie (RCD) basé à Goma, ne comptent pas que des supporters, loin s’en faut, dans leurs immenses fiefs de guerre. De multiples dissidences ont également affaibli leurs appareils politiques, à l’approche des scrutins. Quant au troisième vice-président, Arthur Z’Ahidi Ngoma, sa Convention du camp de la patrie en dit long sur ses dispositions à naviguer d’une mouvance l’autre.

Joseph Kabila entend ratisser large

En l’absence de l’UDPS dans ce paysage électoral impressionniste où aucun problème de fond n’a été réglé, le jeune Kabila – il a 34 ans – voit s’ouvrir un boulevard. Il capitalise le débouché électoral de la transition et peut déjà officiellement se prévaloir du soutien de Washington. En effet, en visite à Kinshasa le 2 avril, la sous-secrétaire d'Etat américaine aux Affaires africaines, Jendayi Frazer, a «eu l'occasion de présenter au président Kabila les félicitations du président George W. Bush et de la secrétaire d'Etat Condoleezza Rice pour la bonne tenue du référendum constitutionnel [mais aussi de lui exprimer] le soutien de Washington au processus électoral».

Joseph Kabila entend ratisser large en se présentant à la présidentielle en candidat indépendant. Cela n’empêche pas bien sûr le parti qu’il a créé trois ans plus tôt, le PPRD, de faire campagne pour lui, dans tout le pays où, à défaut de routes carrossables, les chaînes de télévision sont un vecteur de communication privilégié. Mais pour sa part, Joseph Kabila se place, comme on dit, au-dessus de la mêlée, évitant en particulier d’identifier sa personne avec les miliciens du PPRD prompts à rompre des lances, en particulier au Katanga, où malgré son mot d’ordre de boycott, l’UDPS ressemble toujours à l’ennemi principal.

Espoirs déçus à l'UDPS

Le «Sphinx de Limete», Etienne Tshisekedi wa Mulumba, est apparemment désireux, à 74 ans, de laisser derrière lui l’image d’un opposant irréductible. Après avoir boycotté la transition où, ancien Premier ministre choisi par la Conférence nationale souveraine de 1991, il briguait initialement le fauteuil dévolu à l’opposition non-armée et obtenu par Z’Ahidi Ngoma, Etienne Tshisekedi ne s’est finalement pas résolu à participer aux scrutins. Leur préparation ayant été confiée à la transition qu’il a contestée, Etienne Tshisekedi estime que tout est joué d’avance. D’ailleurs, fait-il valoir, les conditions qu’il avait posées à la CEI n’ont pas été retenues, à l’exception de celle qui met hors jeu l’appellation d’origine contrôlée UDPS revendiquée par des dissidents.

Reste un immense espoir de changement déçu dans les rangs de l’UDPS. Le parti historique ne sera pas dans la compétition, malgré les mises en garde contre «l’auto-exclusion» lancée par le Sud-Africain Thabo Mbéki et par le secrétaire général de l’Onu, Koffi Annan. Certains voient désormais dans la candidature de l’octogénaire Antoine Gizenga, le chef du Palu, une planche de salut pour les militants de l’opposition non armée. Malgré le courage obstiné du vieux chef, elle risque quand même d’être quelque peu vermoulue.

Ancien vice-Premier ministre du tout premier gouvernement de feu Patrice Lumumba, à l’indépendance, en 1960, opposant à tous les régimes qui lui ont succédé, après trente années d’exil à Prague, Antoine Gizenga avait participé au dialogue inter-congolais. Grâce à ses partisans, il a finalement réuni l’imposante caution, non remboursable, de 50 000 dollars en déposant sa candidature à la présidentielle. 40 des 41 candidats invalidés par la CEI ont été écartés pour n’avoir pas rempli cette clause financière. Ce n’est pas le cas des mobutistes qui seront dans la course présidentielle. Parmi eux, Nzanga Mobutu, l’un des fils du défunt dictateur, Pierre Pay Pay, ancien gouverneur de la Banque centrale, et Jean-Pierre Bemba.

Les étiquettes valsent

Jean-Pierre Bemba a perdu le soutien de son ex-bras droit, Olivier Kamitatu, qu’il avait placé à la présidence de l’Assemblée nationale de la transition. Olivier Kamitatu en a démissionné à la veille des élections, après avoir quitté le MLC de Bemba. De son côté, Antipas Mbusa Nyamwisi, le chef de guerre du RCD-ML (Mouvement de libération), dissident, lui, du RCD d’Azarias Ruberwa, a fait acte de candidature à la présidentielle sous la bannière d’une formation politique baptisée Forces du renouveau qui ambitionne d’élargir le cercle du RCD-ML originel.

A l’approche des scrutins, les étiquettes valsent, chacun se mettant en ordre de bataille sur un terrain politique où les 25 millions d’électeurs espèrent qu’ils resteront, après le verdict des urnes. Mais avant d’en arriver là, encore faut-t-il passer le cap des scrutins pour nombre de Congolais, menacés par une insécurité physique et alimentaire gravissime, au Katanga, en Ituri ou au Nord-Kivu notamment.



par Monique  Mas

Article publié le 07/04/2006Dernière mise à jour le 07/04/2006 à TU