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République dém. du Congo

La mécanique électorale est prête

Les responsables de la Commission électorale indépendante font le décompte du nombre d'électeurs en RDC.(Photo : AFP)
Les responsables de la Commission électorale indépendante font le décompte du nombre d'électeurs en RDC.
(Photo : AFP)
Si la volonté politique est au rendez-vous, la mécanique électorale est prête pour refermer en juin prochain la transition engagée en 2003, après 7 ans de guerre. En vertu de la Constitution adoptée par référendum en décembre 2005 et promulguée samedi dernier par le président de la transition, Joseph Kabila, la République démocratique du Congo (RDC) sera un Etat unitaire décentralisé soumis à un régime semi-présidentiel. Mardi soir, le Parlement de transition a adopté la loi électorale. Celle-ci devrait rapidement ouvrir la voie à douzaine d’élections législatives, provinciales, municipales, urbaines, locales et présidentielle.

«Plus rien ne pourra retarder l'organisation des élections qui s'annoncent à l'horizon», affirme Joseph Kabila. Pour sa part, le jeune président de transition est bien décidé à ramasser dans les urnes la légitimité intérieure qui lui manque. Depuis qu’il a succédé à son père, Laurent-Désiré Kabila, assassiné à Kinshasa le 16 janvier 2001, Joseph Kabila a en effet bénéficié sans effort d’une large reconnaissance régionale et internationale. Il s’agit maintenant de la valider. La nouvelle Constitution fixe à 30 ans l’âge minimum des futurs prétendants à la magistrature suprême. Lui-même en a 35. Il pourra aussi sans grande difficulté faire valoir sa «nationalité congolaise d’origine» et s’acquitter de la «caution non remboursable» 50.000 dollars exigées des candidats. Pour lui, les grandes manœuvres ont déjà commencé, au Katanga et au Kasaï voisin où règne l’Union démocratique pour le progrès social (UDPS) de l’opposant Etienne Tshisekedi, mais aussi dans l’Est turbulent où il vient de délocaliser temporairement son bureau, à Bukavu, au Sud Kivu.

La présidentielle se jouera au suffrage universel direct dans un scrutin majoritaire à deux tours, avec à la clef un quinquennat renouvelable une seule fois. Mais le futur pouvoir devra aussi compter avec le Parlement bicaméral et trouver un relais dans les instances provinciales nouvellement créées. La composition du gouvernement, devra en outre «tenir compte de la représentativité nationale». C’est donc un jeu à entrées multiples qui se prépare. Il est temps pour Joseph Kabila de se rappeler au bon souvenir des lointains électeurs de la porte orientale du Congo. En 1996, elle s’était ouverte sur la marche rwandaise qui conduisit Kabila père jusqu’à Kinshasa, en mai 1997. Aujourd’hui Kabila fils est en campagne dans la région pour défaire la concurrence du Rassemblement congolais démocratique (RCD) d’Azarias Ruberwa, l’un des quatre vice-présidents de la transition.

Kinshasa élevée au rang de province

La RDC nouvelle sera «composée de la ville de Kinshasa [dotée du statut de province] et de 25 provinces», chacune pourvue d’un gouvernement provincial élu par des députés provinciaux dont le nombre dépendra de celui des électeurs enregistrés dans la province concernée. Issus du suffrage universel direct, ces députés provinciaux composeront des Assemblées provinciales. Celles-ci auront compétence dans des domaines d’ordre administratif, foncier, commercial, culturel, ou même de sécurité, à l’exclusion de ceux qui ressortissent du champ de souveraineté habituellement dévolu au pouvoir central (défense, Affaires étrangères, monnaie, etc.).

Au niveau national, les sénateurs aussi représenteront leurs provinces respectives, à raison de quatre pour chacune d’entre elles et de huit pour Kinshasa. Ils seront élus au second degré par les Assemblées provinciales qui devront par ailleurs coopter des représentants des autorités coutumières et qui seront chargées de faire remonter la représentativité des élus des 26 provinces dans la chambre haute du Parlement bicaméral.

Dès l’âge de 25 ans, il sera possible de briguer l’un des 500 sièges de l'Assemblée nationale, pour un mandat de cinq ans renouvelable, au suffrage universel direct. Les modalités d’élection des députés de l’Assemblée nationale dépendront de la taille de la circonscription concernée. 169 circonscriptions ont été définies et un tiers d’entre elles ne donnant droit qu’à un seul siège de député, il s’agira d’un scrutin majoritaire simple. Pour les autres, les mandats seront distribués proportionnellement aux voix recueillies par les différentes listes et, à l’intérieur de celles-ci, aux candidats obtenant les meilleurs scores. Les aspirants députés et sénateurs devront débourser 250 dollars, au dépôt de leur candidature.

Au total, cet empilage institutionnel implique toute une série de scrutins, au suffrage direct ou indirect, pour élire gouverneurs de province, conseillers urbains, municipaux ou de secteurs, maires, bourgmestres et autres chefs de secteurs, mais aussi députés, sénateurs et président de la République. Cette douzaine d’étapes devrait être franchie avant le 30 juin prochain, conformément à l’accord unissant les multiples acteurs de la transition: anciens belligérants, opposition non armée et société civile. Mais, sans parler de la question sécuritaire qui n’est toujours pas réglée, il faudra auparavant faire taire les réticences, sinon les résistances soulevées, en particulier par le découpage électoral dans la zone où est implanté le RCD.

Les candidats indépendants privés de listes

Quelques heures avant la promulgation de la loi électorale, l’instance chargée de l’organisation des scrutins, la Commission électorale indépendante (CEI), avançait déjà un calendrier provisoire fixant au 18 juin 2006 les premiers scrutins, à savoir les législatives et le premier tour de la présidentielle. Par ailleurs, la loi prévoit que les candidatures à la présidentielle et aux législatives soient déposées dans un délai de «10 jours francs». Cela devrait porter le délai au soir du 3 mars. Un délai bien court pour mettre les formations politiques en ordre de bataille autour d’alliances stratégiques et des listes afférentes, estime le président de l’Assemblée nationale de transition, Olivier Kamitatu, lui-même en quête d’un nouveau point d’ancrage depuis sa rupture avec le Mouvement de libération du Congo (MLC) de Jean-Pierre Bemba. Olivier Kamitatu n’avait pas pour autant abandonné le perchoir du Parlement de transition, obtenu en tant que numéro deux du MLC.

La loi électorale réserve aux partis politiques la possibilité de se regrouper en alliances ou en coalitions sur des listes. Elle n’ouvre pas ce droit aux candidats indépendants. Les parlementaires de la transition, explique Olivier Kamitatu, «ont voulu marquer la différence entre les partis politiques qui concourent à la conquête du pouvoir en défendant leur projet de société et les personnalités indépendantes dont on reconnaît la valeur personnelle». Très impliquée dans les affaires électorales de ses ouailles, en particulier au niveau local au travers d’une foultitude d’ONG et d’associations, l’Eglise catholique congolaise fustige cette option comme inéquitable. «Un Parlement composé d'une majorité d'indépendants pourrait malheureusement conduire à une majorité introuvable et à une instabilité institutionnelle particulièrement dommageable pour la 3e République», rétorque Olivier Kamitatu.

Le RCD privé d’un siège virtuel à Minembwe

D’autres voix discordantes critiquent un découpage géographique qui ne concorderait pas toujours avec le poids démographique réel ou supposé de certaines régions. La CEI réplique qu’elle a travaillé sur la base des 25 millions d’électeurs enregistrés dans ses fichiers, une densité démographique n’impliquant pas nécessairement une forte population en âge de voter. Mais le bras de fer politique le plus animé concerne le terroir des rwandophones banyamulenge, dans le Sud-Kivu où le RCD dénonce un «tripatouillage des circonscriptions», au profit du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) de Joseph Kabila. Le RCD critique tout particulièrement l’absence, dans la nouvelle cartographie électorale du Sud-Kivu, d’un «territoire» virtuel à Minembwe, fief natal d’Azarias Ruberwa. Cela implique un siège de député en moins pour le RCD, et pas n’importe lequel.

Azarias Ruberwa voit également ses plans politiques contrariés par l’insécurité majeure qui prévaut dans les zones restées sous le contrôle de l’ancienne rébellion du RCD. Au Nord-Kivu, une dissidence militaire continue de faire monter la violence entretenue dans tout l’Est par les rebelles rwandais toujours opérationnels. Lundi, Azarias Ruberwa est parti pour Kigali, en vue de consultations dont il n’a pas révélé la teneur. Le même jour, Joseph Kabila arrivait à Bukavu, chef-lieu du Sud-Kivu, «dans le cadre de la promesse faite à la population» le 16 décembre 2005, lors de sa première visite rendue à la région, depuis son accession au pouvoir. Promettant l’eau, l’électricité et des routes carrossables sur ces terres RCD particulièrement affectées par les conflits protéiformes qui se sont superposés aux guerres de 1996 et de 1998, Joseph Kabila s’était alors engagé à délocaliser ses quartiers dans la cité lacustre frontalière du Rwanda, «pour contribuer au retour d'une paix durable dans l'Est et dans le reste du territoire national».

Mardi, à Bukavu, le président de la transition a présidé à l’installation des premiers éléments d’une permanence de l’état-major général de l’armée nationale en gestation. Dans la perspective des élections qui se rapprochent, Joseph Kabila entend occuper le terrain politico-militaire, de Kinshasa jusqu’à Bukavu.


par Monique  Mas

Article publié le 23/02/2006 Dernière mise à jour le 23/02/2006 à 13:12 TU