Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Etats-Unis

Bush aurait autorisé des fuites

George Bush a toujours répété que les fuites mettaient en danger la sécurité du pays.(Photo : AFP)
George Bush a toujours répété que les fuites mettaient en danger la sécurité du pays.
(Photo : AFP)
Le président américain aurait donné son feu vert à des divulgations à la presse pour défendre sa décision de faire la guerre à l'Irak. L’affaire ne pose pas tant de questions légales, qu’elle embarrasse un président qui a toujours dit être opposé au principe des fuites.

De notre correspondante aux Etas-Unis

« S’il y a des fuites qui viennent de mon gouvernement, je veux savoir qui en est à l’origine et nous prendrons des mesures appropriées », avait déclaré à la presse un président George Bush très remonté en septembre 2003. Deux ans et demi plus tard, il semblerait que le président en personne ait orchestré des fuites. Pendant l’été 2003, il aurait donné l’autorisation de divulguer des informations classées confidentielles dans l’espoir de faire taire les critiques contre la guerre en Irak.

L’information est tirée de documents de l’enquête fédérale ouverte sur Lewis Scooter Libby, l’ancien directeur de cabinet du vice-président Dick Cheney accusé de faux témoignage et d’obstruction à la justice dans l’affaire Valerie Plame, du nom de l’espionne de la CIA dont la couverture avait été grillée dans la presse via des informations communiquées par la Maison Blanche. Initialement, les spéculations sur l’origine des sources s’étaient dirigées vers les proches du président, dont Scooter Libby et Karl Rove, l’éminence grise du président.

Dans son témoignage à un grand jury, Libby a expliqué que le vice-président Cheney lui avait assuré que Bush avait donné son feu vert à des communications du National Intelligence Estimate, un rapport confidentiel de la CIA sur les armes de destruction en Irak. Le document prétendait que Saddam Hussein avait cherché à obtenir de l’uranium enrichi au Niger. George Bush y avait fait référence dans son discours de l’union pour justifier l’invasion de l’Irak en mars 2003. On apprendrait plus tard que l’information était fausse.

Règlement de comptes

La fuite du rapport de la CIA a été autorisée dans les jours qui ont suivi la publication dans le New York Times, le 6 juillet 2003, d’une tribune publiée par l’ancien ambassadeur Joseph Wilson qui s’était rendu en Afrique un an plus tôt pour vérifier l’affirmation du gouvernement sur les tentatives irakiennes de se procureur de l’uranium enrichi. Ayant rendu des conclusions négatives à l’époque, il accusait dans son éditorial la Maison Blanche d’avoir manipulé ces informations.

Huit jours après la publication de la tribune de Wilson, l’activité secrète de son épouse Valerie Plame était dévoilée dans une chronique de l’éditorialiste conservateur Robert Novak. Les documents de l’enquête ne disent pas si Bush a encouragé ou autorisé que soit révélée l’identité de Valerie Plame, épouse de Joe Wilson.

D’un point de vue purement légal, il est dans les pouvoirs du chef de l’Etat de déclassifier des informations quand il estime que c’est dans l’intérêt national. Mais l’hypothèse d’un président à l’origine de fuites tombe mal pour George Bush qui a toujours répété que les fuites mettaient en danger la sécurité du pays. Il s’est particulièrement énervé quand le Washington Post et le New York Times ont été respectivement informés par des fuites de l’existence d’un programme d’écoutes de surveillance, ou de prisons cachées américaines.

Une journaliste cible parfaite

Patrick Fitzgerald, le procureur chargé de l’enquête, présume que Libby a coordonné des efforts pour discréditer les critiques de Wilson. Cheney aurait encouragé Libby à parler à la presse des conditions du voyage de Wilson en Afrique mentionné dans le National Intelligence Estimate. Libby aurait alors, d’abord, répondu à Cheney qu’il ne pouvait pas révéler des informations classées confidentielles. Mais le vice-président lui assura que Bush avait donné son aval. Le juriste de la Maison Blanche David Addington lui aurait alors dit que, venant d’un président, cela s’appelait une déclassification et non plus une fuite.

C’est avec cette garantie que Libby décida de rencontrer la journaliste du New York Times Judith Miller, le 8 juillet 2003. Judith Miller était une cible parfaite pour recevoir le message : elle avait déjà écrit plusieurs articles qui soutenait la thèse du gouvernement selon laquelle Saddam Hussein se construisait un arsenal nucléaire. La journaliste n’en fit malgré tout pas d’article. Elle passa ensuite près de trois mois en prison pour avoir refusé de répondre à des questions du grand jury sur l’origine de ses informations. Lorsqu’elle finit par être relâchée pour témoigner, ces informations sur ses liens avec Libby furent jugés suffisamment embarrassantes pour le New York Times pour qu’elle soit remerciée.

Interrogé par le grand jury, Libby avait initialement nié avoir eu cette conversation avec Miller. C’est la raison pour laquelle il est accusé d’obstruction à la justice et de faux témoignage.


par Guillemette  Faure

Article publié le 08/04/2006 Dernière mise à jour le 08/04/2006 à 17:48 TU