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Guyane

Tragédie sur tragédie : 14 personnes mortes dans des conditions mystérieuses

A la sortie du commissariat de Cayenne des applaudissements ont salué Nicolas Sarkozy et des banderoles ont réclamé notamment un «nettoyage au karcher».(Photo : Frédéric Farine/RFI)
A la sortie du commissariat de Cayenne des applaudissements ont salué Nicolas Sarkozy et des banderoles ont réclamé notamment un «nettoyage au karcher».
(Photo : Frédéric Farine/RFI)
Nicolas Sarkozy s’est rendu hier à Cayenne afin de rendre hommage a un policier tué en mission dans ce département d’outremer. Le ministre de l’Intérieur a annoncé un renforcement des effectifs de la gendarmerie, en fait déjà attendu pour le mois de mai, et la création d’une mission d’expertise qui va formuler des recommandations pour lutter contre la criminalité en Guyane. En débarquant, Sarkozy apprenait que 14 personnes d’une même famille avaient été retrouvées sans vie dans une habitation à Loka, un village du haut Maroni. Un accident domestique (intoxication alimentaire ou asphyxie) est l’hypothèse la plus probable.

«Sous le choc, la maman de 11 des 12 enfants morts, la nuit du 20 au 21 avril, a été amenée aux urgences hier vendredi puis elle a pu en repartir», indique un médecin de l’hôpital de Cayenne. La maman était restée sur le littoral, après y avoir donné naissance à son 12ème enfant la semaine dernière : c’est désormais le seul qu’il lui reste. A 400 km à vol d’oiseau, à Loka, petit village à la frontière du Surinam qu’on n’atteint qu’en pirogue ou par hélicoptère, les investigations se poursuivent. Il est cependant très probable que les émanations d’un groupe électrogène, retrouvé dans la maison, et ayant pallié à une panne d’électricité, soient à l’origine de la mort des 14 personnes : un homme, la cousine de sa femme et 12 enfants. «Un oiseau retrouvé mort dans sa cage, dans la maison, corrobore cette hypothèse» indique une source médicale.

La Guyane va de tragédie en tragédie. Il y a d’abord, sur toutes les lèvres, ce meurtre horrible du mercredi 12 avril. Anaïs, 7 ans, sort en plein après-midi de «la Providence», un foyer d’accueil pour enfants en difficulté, en compagnie de son éducateur Mickaël Andrisse, un homme de 35 ans, originaire de Valenciennes (Nord), employé depuis septembre. Ce dernier a loué, sous un faux-nom, le bungalow d’un hôtel à Rémire (10 km de Cayenne). Là, selon ses aveux, il y séquestre, viole puis étouffe la gamine avec un oreiller. Le soir, il tente vainement de mettre fin à ses jours en projetant sa voiture sur un camion. 

Les manifestants exigent de Sarkozy davantage de moyens contre «la racaille»

Nicolas Sarkozy, dans la cour de la Préfecture de Cayenne, devant la dépouille du policier guyanais Jean-Richard Robinson fait chevalier de la légion d'honneur et promu lieutenant à titre posthume.(Photo : Frédéric Farine/RFI)
Nicolas Sarkozy, dans la cour de la Préfecture de Cayenne, devant la dépouille du policier guyanais Jean-Richard Robinson fait chevalier de la légion d'honneur et promu lieutenant à titre posthume.
(Photo : Frédéric Farine/RFI)

La Guyane a la fièvre. Pas uniquement à cause d’une épidémie de dengue qui a tué 3 enfants ces dernières semaines, mais aussi à cause de vols à mains armés et de crimes à répétition : 152 homicides (ou tentatives) ces 2 dernières années. Deux gendarmes avaient été tués en service, en janvier et en mars 2006, puis, Jean-Richard Robinson, un policier de 31 ans a perdu la vie, lundi dernier, après avoir été atteint à la gorge par un projectile. La nuit du 14 au 15 avril, il avait été appelé à intervenir dans un règlement de compte à main armée entre ressortissants du Guyana dans un squat de Cayenne.

«Nous perdons nos frères, nos sœurs, nos maris, s’il vous plaît faites quelques chose M. Sarkozy» a imploré, tout en retenue, hier vendredi, une femme guyanaise, juste avant l’hommage au policier, présidé par le ministre de l’intérieur, à Cayenne. «Monsieur Sarkozy, dites à Thuram de venir en Guyane, il en verra des racailles!», a, lui, tonné Jean-Claude. Dans ses mains une pancarte demandant de «nettoyer au karcher». A ses côtés, une dizaine d’autres personnes brandissent des slogans du même tonneau. «Il y a en Guyane une émotion délétère» estime Antoine Karam, le président du Conseil Régional : «Des femmes de 50 ans connues pour leur flegme me disent : il faut qu’on s’arme, il faut qu’on tue. Il y a eu des idées de pogrom après le meurtre du policier. Des gens voulaient se rendre dans un quartier d’originaires du Guyana pour se faire justice. On confond tout : étrangers légaux (un peu plus de 40 000) et illégaux, immigration et insécurité. Je me refuse à faire l’amalgame. Mais c’est vrai, il y a beaucoup de Surinamais et de Guyaniens (ressortissants du Guyana) en prison». Et il y a les chiffres: sur les 679 détenus du centre pénitentiaire de Rémire, prévu pour 469 personnes, 28% sont Guyaniens, 20% Brésiliens et 20% Surinamais, quand seuls 28% sont… Français. «La plupart des Guyaniens en prison sont à la fois dealers et consommateurs de crack. Ils braquent et tuent pour 30 euros, c’est insupportable pour les  Guyanais passés en 20 ans du paradis, où on laissait la maison ouverte, à l’enfer», diagnostique Jean-Jacques Pairraud, directeur de la prison.

Mais l’immigration clandestine fait aussi des heureux. A ce sujet, la gendarmerie enquête sur un réseau qui approvisionnerait, en carburant, particuliers et sites aurifères clandestins. Le carburant était tout simplement volé à… EDF.


par Frédéric  Farine

Article publié le 22/04/2006 Dernière mise à jour le 22/04/2006 à 16:03 TU

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Le commandant Michel Pons

Officier de communication de la gendarmerie en Guyane

«Comme il semblerait qu'hier soir les deux familles se sont réunies pour faire une fête, tout peut être envisagé quant à la nourriture et quant aux circonstances.»

[22/04/2006]

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