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Hongrie

Gyurcsany : le sauveur de la gauche hongroise

Ferenc Gyurcsany ambitionne de faire de la Hongrie «<em>un pays compétitif, spécialisé dans les activités à forte valeur ajoutée</em>».(Photo : AFP)
Ferenc Gyurcsany ambitionne de faire de la Hongrie «un pays compétitif, spécialisé dans les activités à forte valeur ajoutée».
(Photo : AFP)
Vainqueur des élections législatives hongroises, à la tête du Parti socialiste, le Premier ministre, Ferenc Gyurcsany, est mal connu en Europe. Ce milliardaire, né pauvre et passé par les jeunesses communistes, sait manier les médias, mais saura-t-il mener à bien le vaste programme de réformes économiques qu’il s’est engagé à lancer ?

De notre correspondante à Budapest

Ferenc Gyurcsany est l’auteur d’une performance rare en Europe centrale et orientale depuis la chute du communisme: chef du gouvernement sortant il obtient un second mandat. Son Parti socialiste était allié aux libéraux dans la bataille électorale, mais le succès apparaît comme une victoire personnelle pour cet homme de 42 ans.

Immédiatement, il s'est engagé à mener un vaste programme de réformes comprenant une refonte en profondeur des services publics. «Les 100 premiers jours de mon second mandat se traduiront par plus de 100 mesures», assure-t-il. Il est urgent pour la Hongrie de réduire son déficit public – 6,1 % du PIB, soit le plus élevé de l’Union européenne. Sans quoi, vient de rappeler Bruxelles, l’adhésion à l’euro est compromise.

Mais Ferenc Gyurcsany, milliardaire venu à la politique par passion, saura-t-il convaincre les dinosaures du Parti socialiste d’effectuer des réformes de fond ? «Il a déjà transformé la culture au sein du parti. C’était un conglomérat où des groupes d’intérêt se livraient une lutte permanente. Il incarne un nouveau style de leadership. Au lieu d’écarter d’éventuels rivaux, il les intègre dans son cabinet. Ce n’est pas un tueur mais un faiseur de coalitions», souligne Tibor Dessewfy, l’un de ses proches conseillers.

Une fortune faite lors des premières privatisations

Ferenc Gyurcsany n’est pas un fils à Papa mais un enfant de Papa, sa ville natale dans l’ouest de la Hongrie. Ancien militant des jeunesses communistes, il est issu d’une famille ouvrière pauvre et il a fait fortune dans l’immobilier au début des années 90, en rachetant des propriétés appartenant au parti.

Si une partie de la population voit en lui un emblème de la réussite sociale, de nombreux Hongrois estiment en revanche qu’il incarne l’affairisme sans scrupule des communistes. «Dans les années 50, les communistes ont confisqué les terres, les petits commerces et les biens immobiliers. Tout appartenait à la communauté. Puis après 1990, ils ont privatisé, mais à leur profit. Je n’accepte pas qu’un homme comme Gyurcsany se pose en politicien pragmatique qui nous montre la voie à suivre vers l’Europe. Ce n’est pas éthique», déclare Janos Szilagyi, un décorateur d’intérieur qui a voté pour la droite conservatrice.

«Il a parfaitement compris le fonctionnement de la communication au XXIe siècle»

Au milieu des années 90, Gyurcsany rejoint un groupe d’intellectuels sociaux-démocrates et libéraux. Il étudie alors à fond la science politique et écrit quelques articles dans la presse sur la nécessité de rénover la gauche. «Il s’est préparé d’une manière très professionnelle à exercer une fonction politique et a parfaitement compris comment fonctionne la communication au XXIe siècle», constate Attila Agh, professeur de science politique. Pendant la campagne électorale, Gyurcsany a rédigé son blog chaque jour, livrant des anecdotes familiales ou réflexions politiques et dialoguant avec les internautes.

Qu’a-t-il à son actif après avoir gouverné le pays pendant un an et demi ? Son charisme a certes redonné confiance à la gauche et lui a permis de gagner les élections. Mais certains critiquent son côté superficiel. C’est «un homme pressé qui fait tout trop rapidement», estime le conservateur Karoly Herényi, du parti du Forum démocratique. «Depuis qu’il est au pouvoir, il n’a rien fait pour endiguer le déficit public, au contraire, puisque le nombre de fonctionnaires a encore augmenté

Ce social-démocrate convaincu, qui a récemment refusé de visiter l’usine Suzuki où les syndicats sont interdits, ambitionne de faire de la Hongrie «un pays compétitif, spécialisé dans les activités à forte valeur ajoutée». Mais aura-t-il le courage de réformer le système de santé et de retraite, fortement déficitaires, réformes qui risquent fort d’être impopulaires ? C’est l’épreuve qui attend le deuxième gouvernement Gyurcsany.  


par Florence  La Bruyère

Article publié le 25/04/2006 Dernière mise à jour le 25/04/2006 à 11:48 TU

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György Granastoi

Professeur de sciences politiques à l'université de Budapest

«Le débat préélectoral était particulièrement violent au niveau personnel.»

[25/04/2006]

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