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Bolivie

Evo Morales nationalise le gaz

Le président Evo Morales à la télévision bolivienne, le 1er mai 2006.(Photo: AFP)
Le président Evo Morales à la télévision bolivienne, le 1er mai 2006.
(Photo: AFP)
Le nouveau président bolivien en avait fait l'une de ses principales promesses de campagne électorale. Ce lundi 1er mai, cent jours après son arrivée au pouvoir, Evo Morales a annoncé la nationalisation de tous les hydrocarbures du pays. L'armée a immédiatement pris le contrôle de 56 gisements gaziers et pétroliers . Et ce n'est qu'un début, le président bolivien a également annoncé la très prochaine nationalisation des mines, des ressources forestières et de la terre.

Tenir ses promesses peut surprendre. Et Evo Morales a créé la surprise. Il y a encore 20 jours, le président bolivien en personne, déclarait que la nationalisation était un processus «très complexe qui demandera davantage de temps que les délais initialement prévus». La décision de nationaliser les gisements gaziers et pétroliers du pays a pourtant été annoncée lundi.

L'un des principaux quotidiens boliviens La Razon rappelle dans son édition du 2 mai que plusieurs ministres, la veille encore, démentaient de possibles mesures en ce sens. L'annonce a d'ailleurs aussi pris de cours les grandes compagnies pétrolières opérant en Bolivie, vu que la quasi totalité d'entre elles, disent, au mieux, qu'il est prématuré de commenter cette nationalisation car elles n'en connaissent pas les modalités et au pire -comme la compagnie brésilienne Pétrobras- que ce décret est «un geste inamical».

Officiellement, il n'y a pas de confiscation des biens des compagnies étrangères, même si l'armée s'est déployée sur les principaux sites d'exploitation. Cette troisième nationalisation du secteur des hydrocarbure de l'histoire de la Bolivie -les deux précédentes avaient été menées en 1937 et en 1969 sous des régimes militaires-, prévoit une redistribution des revenus. Les parts des sociétés étrangères ou des entités semi-publiques sont réquisitionnées et toutes ces compagnies doivent désormais remettre leur production à la compagnie nationale Yacimientos Petroliferos Fiscales Bolivianos, qui avait, elle même été privatisée à la fin des années 90.

L’Etat bolivien va vendre lui-même le gaz

Le décret annoncé par Evo Morales précise que «l'Etat recouvre la propriété, la possession et le contrôle total» des hydrocarbures, ce qui signifie que l'Etat bolivien va vendre lui même le gaz, reléguant les compagnies étrangères au rang d'opérateur. Jusqu'alors, l'Etat ne possédait le gaz qu'une fois qu'il avait été extrait du sol. Auparavant les entreprises versaient 18% de leurs bénéfices à l'Etat bolivien, désormais, elles n'en garderont que 18% et les 82% restant iront dans les caisses de la Bolivie, dont 70% de la population vit dans la misère ou la grande pauvreté. «Le pillage des compagnies étrangères est terminé», assure Evo Morales qui prévoit que les revenus nationaux tirés des ressources énergétiques passeront à 780 millions de dollars l'année prochaine, ce qui représente près de six fois plus qu'en 2002.

La mesure concerne quelque 26 compagnies étrangères, dont la brésilienne Pétrobras, l'espagnole Repsol et la française Total. Ces entreprises ont 180 jours pour régulariser leur situation et signer de nouveaux contrats d'exploitation. Celles qui refuseront sont sommées de quitter le pays, tout simplement.

Cote de popularité en baisse

Lors de son adresse au peuple, Evo Morales a expliqué avoir pris cette grande et «historique décision», le 27 avril dernier, à l'aube après une longue nuit de travail... Mais Evo Morales a visiblement préféré garder le secret pendant encore quelque jours pour l'annoncer symboliquement hier, le 1er mai, depuis le balcon du palais du gouvernement.

Attendre le 1er mai pour faire cette annonce n'est pas anodin: cette date correspond à 24 heures près au cent premiers jours de pouvoir d'Evo Morales et celui-ci s'était engagé à faire de grandes réformes dans les trois premiers mois de son gouvernement. Visiblement, le président Morales a choisi d'accélérer la décision de nationaliser le secteur des hydrocarbures pour montrer qu'il était homme à tenir ses promesses.

Evo Morales, dont la côte de popularité a chuté de pas moins de douze points depuis son arrivée au pouvoir, a déjà du faire face à plusieurs grèves et à un mécontentement croissant des syndicats. Confrontée à de nouvelles tensions sociales, le président bolivien a visiblement préféré prendre le risque de bâcler un processus -qu'il qualifiait lui même de complexe- plutôt que de faire un premier bilan sans résultat.

En annonçant la nationalisation des hydrocarbures, il répond à une attente fondamentale de sa base électorale, la population indigène. En octobre 2003, une rébellion populaire connue sous le nom de «la guerre du gaz» et réprimée dans le sang avait contraint le président ultra libéral Sanchez de Lozada à quitter précipitamment le pouvoir. Deux ans plus tard, une autre crise sociale et politique, avec encore en toile de fond la question des revenus des hydrocarbures, avait contraint le président Carlos Mesa a démissionner.

Pour l’heure, les modalités précise de la nationalisation décidée par Evo Morales restent floues et feront certainement l'objet d'âpres négociations avec les compagnies étrangères dans les semaines à venir. Mais d’ores et déjà, le représentant de la puissante Centrale ouvrière bolivienne, Jaime Solares, estime que ces mesures ne vont pas assez loin et qu'il faudrait pour bien faire «confisquer tous les biens des compagnies étrangères sans aucune indemnisation».

par Catherine  Monnet

Article publié le 02/05/2006 Dernière mise à jour le 02/05/2006 à 18:27 TU