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Territoires palestiniens

Hamas et Fatah à couteaux tirés

Les membres de la nouvelle force de police du Hamas se distinguent par leur barbe et leurs uniformes neufs.(Photo: AFP)
Les membres de la nouvelle force de police du Hamas se distinguent par leur barbe et leurs uniformes neufs.
(Photo: AFP)
La rivalité s’aggrave entre mouvements palestiniens. De nouveaux heurts opposant la police fidèle au président Abbas et la nouvelle force créée par le gouvernement islamiste ont fait 4 blessés dans la nuit de jeudi à vendredi. En outre, la garde présidentielle contrôlant le poste-frontière de Rafah, entre la bande de Gaza et l’Egypte, a confisqué plus de 600 000 euros à un responsable du Hamas qui tentait d’introduire clandestinement cette somme dans la bande de Gaza. Washington parle de « situation dangereuse ».

Jamais, selon les observateurs européens sur place, une telle somme n’avait été saisie à Rafah, le point de passage entre l’Egypte et la bande de Gaza, a fortiori sous la chemise d’un haut responsable du Hamas, en l’occurrence le porte-parole du mouvement islamiste. « Sami Abou Zouhri revenait de l’étranger et était porteur de 639 000 euros dans une ceinture qu’il portait sur lui (…) C’est illégal », a déclaré le directeur palestinien du poste-frontière, qui a précisé que le passeport du responsable avait également été confisqué. Le montant maximum autorisé sans déclaration est de 2 000 dollars.

Aussitôt la nouvelle connue, une centaine de membres armés du Hamas sont arrivés sur les lieux, faisant face à la garde présidentielle qui surveille le point de passage et qui a également demandé du renfort. La confrontation, très tendue, a pris fin lorsque Zouhri, qui refusait de quitter les lieux avant d’avoir récupéré la somme, a finalement accepté de partir. Aucun coup de feu n’a été tiré.

A qui était destiné l’argent ? Selon un député du Hamas, il s’agissait de dons au profit de Palestiniens détenus en Israël, et que Sami Abou Zouhri avait collecté au nom du gouvernement dans plusieurs pays arabes. Zouhri lui-même n’a pas donné de précisions : « Je transportais une somme d'argent, des dons fait par notre peuple à l'étranger pour le peuple palestinien, mais malheureusement certaines personnes travaillant au point de passage ont saisi ces fonds. » Le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, a en tout cas ordonné au procureur général, auquel l’argent a été remis, d'ouvrir une enquête sur cette affaire.

Plus de 120 millions de dollars mensuels

Cela fait maintenant deux mois que le gouvernement dominé par le Hamas est au pouvoir dans les Territoires palestiniens, suite aux élections législatives de la fin janvier, et que l’Autorité palestinienne, à qui la communauté internationale a coupé les vivres, est en cessation de paiements. Ainsi, les salaires des 165 000 fonctionnaires palestiniens - plus de 120 millions de dollars mensuels - ne sont plus versés. Mais le mouvement islamiste refuse toujours de se plier aux conditions posées pour une reprise de l’aide : renonciation à la lutte armée, reconnaissance d’Israël et des accords passés par les précédents gouvernements palestiniens.

La tension dans les Territoires est alimentée par la rivalité politique et militaire entre les islamistes radicaux au gouvernement et la présidence du modéré Mahmoud Abbas. Les affrontements entre la police fidèle au parti présidentiel, le Fatah fondé par Yasser Arafat, et les militants armés du Hamas sont de plus en plus fréquents. La semaine dernière, une série de fusillades très violentes avait provoqué la mort de deux militants du Fatah et d’un membre du Hamas.

Dernier épisode en date, les heurts qui ont fait quatre blessés de part et d’autre dans la nuit de jeudi à vendredi. Ils ont brièvement opposé la police proche du Fatah à la nouvelle force armée qui, malgré l’opposition de Mahmoud Abbas, venait d’être déployée mercredi par le gouvernement Hamas dans la bande de Gaza. Cette force, qui compte quelque 3 000 hommes, en majorité des activistes des Brigades Ezzdine al-Qassam, a été placée sous les ordres directs du ministre de l’Intérieur Saïd Siam.

Guerre civile

Des altercations avaient déjà émaillé mercredi les premières heures de son entrée en fonction, au point que le président Abbas, pour faire contrepoids, a ordonné jeudi un renforcement de la présence des forces de sécurité contrôlées par le Fatah. Vendredi, on notait toujours la présence de l’une ou l’autre de ces forces à de nombreux carrefours de Gaza.

Le Premier ministre Ismaïl Haniyeh, également haut cadre du Hamas, se dit déterminé : « Nous n’avons pas l’intention de reculer. La force sera maintenue et intégrée à la police. Sa tâche est d’assurer la sécurité intérieure et si ses effectifs ont besoin d’être augmentés, nous le ferons. »

Devant l’aggravation de la situation, les Etats-Unis ont appelé vendredi à placer les groupes armés palestiniens sous l’autorité unique du président Mahmoud Abbas. « C’est une situation très dangereuse », a déclaré la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice qui craint, en termes voilés, que la présence massive dans les rues d’hommes armés membres de factions rivales ne dégénère en guerre civile.


par Philippe  Quillerier

Article publié le 19/05/2006 Dernière mise à jour le 19/05/2006 à 17:00 TU

Audio

Franck Weil-Rabaud

Journaliste à RFI

«Mahmoud Abbas a exigé le démantèlement de la nouvelle force de police du Hamas.»

[19/05/2006]

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