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Comores

Aha s’impose à la tête de l’Union

Ahmed Abdallah Sambi a recueilli 58,02% des suffrages exprimés au second tour de la présidentielle comorienne. Ibrahim Halidi, le candidat du CRC, parti au pouvoir depuis quatre ans, n’a remporté que 28,32% des voix. Quant au troisième candidat, Mohamed Djaanfari, il n’a obtenu que 13,65%.
Chef d'entreprise, ancien député, Ahmed Abdallah Sambi est aussi un guide religieux formé en Arabie saoudite, au Soudan et en Iran.(Photo: AFP)
Chef d'entreprise, ancien député, Ahmed Abdallah Sambi est aussi un guide religieux formé en Arabie saoudite, au Soudan et en Iran.
(Photo: AFP)

« Sambi a gagné. Malgré ceux qui le suspectaient d’intégrisme religieux. La rue lui a donné raison. Nous avons pratiquement écrasé le camp adverse. Dieu sait pourtant qu’ils ont tout fait pour nous perdre ». Derrière le « ils » évoqué par cet électeur pro-Sambi se cache en réalité le pouvoir azaliste, dont le candidat malheureux, Ibrahim Halidi, s’est retrouvé embarqué dans une histoire de fraude électorale, suite à des maladresses commises par ses propres troupes. Intimidation de citoyens, clientélisme affiché ou encore fabrication de fausses cartes d’électeurs.

Des membres de la Commission nationale des élections (CNEC) ont été entendus par l’Amisec (mission interafricaine de sécurisation de l’élection) pour tentative de fraude. Des leaders de partis participant à la coalition Halidi aux côtés du CRC, le parti du président sortant, auraient même promis une victoire certaine à celui-ci moyennant la distribution à l’avance de postes clés au prochain gouvernement. Quelques dignitaires du clan Azali ont notamment tenté le forcing aux urnes pour se maintenir à leurs postes.

Des proches de Halidi considèrent ainsi avoir été trahis par les leurs. « Comment voulez-vous gagner la confiance des gens avec des méthodes pareilles ? Nous avions déjà le passif d’Azali qui pesait lourdement sur nos épaules. Nous n’avions pas besoin de tricher en plus. Mais les faux amis ont tellement abusé que les électeurs ont fini par nous assimiler au pire », confie un lieutenant déçu du principal adversaire de Sambi. Surnommé Aha ou Ayatollah, à cause de ses nombreux prêches religieux, ce dernier aurait donc bénéficié d’un vote sanctionnant les hommes du président Azali.

« L’autre candidat, Mohamed Djaanfari, n’avait aucune chance à ses élections. Nul ne le connaît vraiment dans le pays. Ceux qui l’ont suivi l’ont fait, soit par dépit face aux deux principaux challengers, soit parce qu’ils avaient une chance de le dépouiller un peu de son argent », analyse un autre partisan de l’Ayatollah. Selon lui, Sambi ne pouvait que l’emporter. « Il ne traîne aucune casserole derrière lui, renchérit-il. Il s’engage par ailleurs sur de vrais problèmes. Il est contre la précarité, souhaite que le Comorien mange à sa faim et se déclare prêt à mettre fin à la corruption généralisée. Ce qui est quand même notre principal problème. Le rejet du régime sortant et de l’actif du président Azali provient essentiellement de là ».

La question « fâcheuse » de Mayotte

Pour nombre de ses concitoyens, Sambi incarne une alternative possible. Ce qui lui a permis de dépasser certaines logiques partisanes. Il prête également attention à la question sociale et promet de créer des emplois. Il compte ensuite réinjecter de l’ordre moral dans un paysage politique où seules s’imposent les ambitions carriéristes d’une minorité visible, à qui l’opinion reproche l’absence d’un projet de développement clair et ambitieux.

Reste que la victoire de Sambi n’autorise pas à toutes les promesses. Près de 150 millions de dollars de dette extérieure, 50 millions de dollars pour ce qui est de la dette intérieure : l’Union des Comores est sous la surveillance du FMI, dans l’espoir de signer un programme FRPC (Facilité pour la réduction de la pauvreté et pour la croissance) prochainement. Plus de la moitié du budget de l’Etat (55%) sert à régler les arriérés de salaire des fonctionnaires, au lieu des 35% souhaités par les partenaires internationaux.

Sambi osera-t-il un dégraissage de la fonction publique ou pourra-t-il défier la volonté immédiate du FMI, à savoir une réduction de la dette, conditionnant son aide au développement ? Avec quels moyens compte-t-il réaliser son programme électoral ? Avec l’aide de la France, principal partenaire du pays, à qui il n’omet pas de rappeler la question « fâcheuse » de Mayotte ? Ou avec celle du monde arabe, dont il se sent proche par son parcours ? Il a été formé en Iran, en Arabie Saoudite et au Soudan.

Dans ce pays qui ne survit plus que grâce à l’assistance étrangère, Sambi, dont le score a dépassé celui de ses deux adversaires réunis à l’élection du 14 mai dernier, saura-t-il faire des miracles ? C’est ce que lui demandent en tous cas ses jeunes électeurs. Le nouveau président ne renie cependant rien dans son discours : « Ce que j’ai dit est réalisable. Et je ne vois aucune difficulté qui puisse m’empêcher d’y arriver. J’ai avancé trois priorités durant ma campagne. La justice, l’habitat décent et l’emploi. Les Comoriens ont le droit de me sanctionner si je n’arrive pas à accomplir ces trois objectifs. Cependant, ils doivent pouvoir me pardonner si je n’arrive pas à régler tous les autres problèmes. Et Dieu sait qu’ils sont nombreux ».


par Soeuf  Elbadawi

Article publié le 20/05/2006 Dernière mise à jour le 20/05/2006 à 15:14 TU

Audio

Choura Abdallah

Membre de la Commission nationale électorale des Comores

«Aux Comores, les résultats de certains bureaux de vote ont disparu.»

[21/05/2006]

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