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Comores

L’orage menace pour dimanche

Les deux candidats favoris de l’élection présidentielle aux Comores : l'instituteur Ibrahim Halidi (G), soutenu par le président sortant Azali Assoumani, et le guide religieux Ahmed Abdallah Sambi (D), surnommé «Ayatollah» par la population.(Photos : AFP)
Les deux candidats favoris de l’élection présidentielle aux Comores : l'instituteur Ibrahim Halidi (G), soutenu par le président sortant Azali Assoumani, et le guide religieux Ahmed Abdallah Sambi (D), surnommé «Ayatollah» par la population.
(Photos : AFP)
Des trois candidats à la présidentielle choisis au premier tour, seuls Ahmed Abdallah Sambi ou Ibrahim Halidi semblent en position de l’emporter. Le premier a la confiance des masses. Le second est soutenu par la Convention pour le renouveau démocratique (CRC), le parti du Colonel Azali Assoumani, actuellement à la tête de l’Union des Comores.

L’enjeu de l'élection présidentielle comorienne se résume en une bataille entre la continuité d’un pouvoir et le pari sur un total inconnu. D’un côté, les hommes du président sortant imaginent le prolongement possible de leur règne à travers Ibrahim Halidi, personnage politique à l’importance toute relative sur l’échiquier politique national jusqu’à ce jour. De l’autre, tous les anti-Azalistes se retrouvent sans condition derrière un homme, Ahmed Abdallah Sambi, dont ils disent pourtant redouter le génie.

D’un côté, la machine étatique est mise à disposition : «Quand il est au pouvoir, un parti doit tout faire pour se maintenir parce qu’il estime qu’il a un programme. Pourquoi voudrait-on faire des Comores un paradis alors que c’est comme ça partout dans le monde ?», s’interroge cette semaine Houmed Msaidie, directeur de cabinet de la présidence de l’Union des Comores, devant la presse locale. Au pays de la rumeur, reviennent dans les esprits des images de votes fantômes, de résultats tronqués, de manipulations d’opinion. En prenant le pouvoir par un putsch en 1999, le colonel Azali, alors chef d’état-major, avait promis de le rendre assez vite aux civils. Il l’a gardé sept années durant, y compris en s’imposant par la voix des urnes et en cultivant une forme de clientélisme larvée. Par son soutien à Ibrahim Halidi, il fait croire à ses principaux adversaires qu’il cherche à reprendre la main, alors que tous le pensaient bel et bien fini ?

Sambi est soutenu par la rue

L’autre candidat, Ahmed Abdallah Sambi, voit la rue le plébisciter de plus en plus. «Les gens ont besoin de candidat sans tâche, reconnaît l’un de ses détracteurs, proche du pouvoir actuel. Sambi est le parfait pigeon pour cela. Il n’a jamais eu à gérer un mandat aussi important au niveau national. Il n’a ni bilan positif, ni solde négatif, à son actif. Il est pratiquement vierge et fédère les oubliés, ainsi que ceux qui n’ont plus voix au chapitre, à tel point que plus personne ne se rappelle de son discours islamisant».

Il est vrai que sa réputation de fondamentaliste religieux n’aide pas à miser sur lui. La peur d’al-Qaïda est brandie par ses ennemis. Néanmoins, les masses lui accordent le bénéfice du doute. Il incarne des valeurs de justice et d’intégrité morale que l’Etat semblait ignorer depuis près de vingt ans. Contre la corruption banalisée au sein de la fonction publique, contre les détournements de biens publics par des hommes d’affaires sans foi ni loi, contre la mainmise d’une oligarchie longtemps oublieuse de ses électeurs, Sambi devient une sorte de paravent idéal. «C’est un bon musulman. Il ne peut se renier de ce côté-là, après tant d’années de prêche», approuve un électeur. Reste que ceux qui le soutiennent sont pour la plupart des candidats malheureux face au pouvoir azaliste. Des hommes politiques au parcours controversé, minés bien souvent par l’opportunisme des premiers jours de leur carrière en politique.

Ahmed Abdallah Sambi a la confiance de la rue mais ne dispose pas des moyens nécessaires à la fidélisation de sa politique. Là où ses adversaires «halidiens» n’hésitent pas à acheter des voix, à promettre des postes, voire à menacer ceux qui se refusent à jouer les prolongations du système Azali, lui se contente de répandre la bonne parole. Comme pour un bon prêche à la mosquée le vendredi, il laisse entendre qu’au-delà d’un programme aujourd’hui en faveur des plus pauvres, seul Dieu détient les vraies réponses aux questions posées par les crises comoriennes successives durant ces vingt dernières années. Même à ses alliés, il n’a rien pu promettre, pour ne pas avoir à se dédire, une fois au pouvoir.

Le scrutin de ce dimanche devrait donc être musclé et se jouer entre ces deux hommes, à moins d’une surprise de la part du candidat Mohamed Djaanfari, méconnu du public, donné pour perdant depuis le début de ces élections, alors qu’il a fini troisième aux primaires. Le vote se déroulera sous la surveillance de la force dépêchée sur place par l’Union africaine, fortement mobilisée pour ce week-end. Une force pourtant soupçonnée de connivence avec la volonté azaliste de voir gagner Ibrahim Halidi. Francisco Madeira, représentant du président de l’UA, appelait justement le peuple comorien, ce mardi, à ne pas se laisser abuser : «Il est regrettable que des interprétations tendancieuses tendent à faire croire que l’Amisec [Mission interafricaine de sécurisation de l’élection] s’apprêterait à dévier de sa mission». Une bataille orageuse s’annonce, disent les plus avertis des observateurs. Mais quelle que soit l’issue, les Comoriens aspirent au changement et menacent, s’il le faut, de descendre dans les rues en masse.


par Soeuf  Elbadawi

Article publié le 13/05/2006 Dernière mise à jour le 14/05/2006 à 15:59 TU

Audio

Bruno Minas

Envoyé spécial de RFI aux Comores

«Les partisans de Sambi «l’ayatollah» jurent que seule la fraude électorale pourrait les empêcher de gagner.»

[13/05/2006]

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