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Emirats Arabes Unis

Le réveil d’Abou Dhabi

Eclipsée par Dubaï, la capitale des Emirats Arabes Unis entend retrouver la position privilégiée qu’elle occupait jusqu’au début des années 90, en particulier en développant le tourisme.
Hommage au Père de la Nation, la grande mosquée Cheikh-Zayed d'Abou Dhabi sera également ouverte aux touristes en 2007.(Photo: Aurélien Colly/RFI)
Hommage au Père de la Nation, la grande mosquée Cheikh-Zayed d'Abou Dhabi sera également ouverte aux touristes en 2007.
(Photo: Aurélien Colly/RFI)

De notre envoyé spécial

Abou Dhabi est une ville calme et paisible, réputée pour sa qualité de vie. Une cité prospère qui n’affiche pas la richesse insolente que lui offre sa production pétrolière évaluée à 2 millions de barils par jour, le fruit d’un savant mélange entre tradition et modernité voulu par Cheikh Zayed Al Nayan, émir pendant 30 ans, avant de disparaître fin 2004. Le Père de la nation dont les portraits ornent aujourd’hui les rues voulait un développement mesuré, sans excès ni frénésie, harmonieux plutôt que trop ambitieux. A force de sagesse et de modestie, la capitale a perdu la place centrale qu’elle occupait dans la région jusqu’à la fin des années 80, quand elle affichait l’un des revenus par habitant les plus élevés au monde.

Au sein de la fédération de sept émirats, Dubaï lui a damé le pion, grâce à son ouverture et sa stratégie de diversification économique audacieuse. Le port commercial et la zone franche de Jebel Ali en ont ainsi fait le troisième centre mondial de réexportation, le point d’ancrage des multinationales et des banques. Les Cités de l’Internet et des médias lui ont permis d’attirer les plus grands noms du secteur et de devenir un centre névralgique pour la couverture de l’actualité régionale. Depuis quelques années, Dubaï affiche aussi des ambitions démesurées dans le tourisme : 12 millions de visiteurs escomptés en 2012 et des projets pharaoniques qui s’enchaînent. Après les îles palmier et les pistes de ski artificielles, Badawi, la plus longue chaîne d’hôtel du monde, a été lancée en avril. Elle rassemblera 31 établissements, soit 29 200 chambres disponibles à horizon 2015.

Nouvelle génération, nouvelles ambitions

Le développement fulgurant de Dubaï, aussi superficiel qu’il puisse paraître parfois, trouve ses origines dans ses ressources très limitées en pétrole. Se diversifier ou stagner en somme, car c’est Abou Dhabi qui possède 85% des richesses du sous-sol du pays et a permis à la cité somnolente des années 50 de devenir la « cité monde » qu’elle est aujourd’hui. Des palais de la capitale, la descendance du très respecté Cheikh Zayed a observé l’évolution, tantôt fascinée et admirative, tantôt critique et jalouse, trop fidèle surtout au patriarche malade et vieillissant pour proposer de répliquer. Sa mort a fait disparaître le dilemme. La nouvelle génération de dirigeants à désormais les mains libres pour sortir Abou Dhabi de sa léthargie et lui redonner une visibilité internationale, notamment grâce au tourisme.

Les signes du changement remontent à 2003, quand Abou Dhabi a lancé Etihad, une nouvelle compagnie aérienne calquée sur le modèle de celle de Dubaï, Emirates. « Elle doit permettre d’aller chercher les visiteurs là où ils sont, en Europe, en Amérique, dans le Golfe, puis en Asie », explique son président, Ahmed bin Saif Al Nahyan. Après 30 mois d’existence, Etihad a ouvert 30 destinations et l’expansion se poursuit : Paris et Casablanca en mai et juin, avant New York, les capitales du Golfe et le grand bon vers l’Asie, Shanghai fin 2006. Au sol, les infrastructures suivent. Six-cents millions d’euros ont été investis pour agrandir l’aéroport. Une somme dérisoire en réalité, puisque Abou Dhabi s’apprête à débourser dix fois plus pour se doter d’une nouvelle plateforme dont la capacité atteindra 20 millions de voyageurs par an.

Paradis pour vacancier et accès à la propriété

Projet de développement de l'île d'Al Saadiyat: 30 km de côtes et 2 400 ha totalement dédiés au tourisme.(Illustration: Abu Dhabi Tourism Authority)
Projet de développement de l'île d'Al Saadiyat: 30 km de côtes et 2 400 ha totalement dédiés au tourisme.
(Illustration: Abu Dhabi Tourism Authority)

Transporter les touristes est une chose, les attirer et les loger en est une autre. Sur le modèle de Dubaï encore, l’émirat a donc mis en place deux organismes dont c’est la principale raison d’être. ALDAR d’abord, une société immobilière créée en février 2005, à l’origine d’une série de projets dont les plus significatifs sont Ferrari World et Al Raha Beach. Le premier, comme son nom l’indique, sera un parc à thème consacré au monde du constructeur automobile italien. Le second, une ville nouvelle de 120 000 habitants qui coûtera 11 milliards d’euros et s’étalera sur la côte, le long de la route de l’aéroport. « Il y aura des hôtels, des villas, des appartements et des bureaux, tous avec vue sur la mer », explique avec fierté Oussama Ghanoum, le directeur de la communication. Les premières habitations seront disponibles en 2009.

Abou Dhabi Tourism Authority (ADAT) ensuite, née en 2004. Cette structure a déjà commencé à ouvrir des antennes à l’étranger pour promouvoir la destination. Elle gère aussi le projet d’Al Saadiyat Island qui doit bouleverser l’urbanisme de la capitale. Située au nord d‘Abou Dhabi, cette île de 2 700 hectares avec ses 30 km de rivages, dont les deux tiers de plages naturelles, sera entièrement dédiée au tourisme. Villas, tours de verres, hôtels de luxe et centres commerciaux s’y succèderont dans des quartiers à thèmes, deux terrains de golfe verront le jour, ainsi que quatre musées, une salle de concert et des marinas. Terminée, l’île doit devenir un paradis pour vacanciers fortunés, capable d’accueillir 150 000 habitants.

Dernier aspect de la nouvelle stratégie d’Abou Dhabi, inciter les touristes à revenir. En plus des 32 hôtels qui seront construits, l’émirat a donc pris l’initiative d’adapter sa législation à ses ambitions. Depuis mai 2005, les étrangers peuvent devenir propriétaires à Al Raha Beach et Al Saadiyat. « A six heures d’avion de l’Europe, c’est l’assurance de trouver le soleil, la plage et toutes les infrastructures pour d’autres activités comme les balades dans le désert ou les parties de golf », estime un tour opérateur britannique, peu inquiet de la crise actuelle avec l’Iran voisin. L’argument se tient, mais il est le même que celui distillé par Dubaï qui possède une longueur d’avance. « Nous ne recherchons pas un tourisme de masse mais un tourisme de classe », avance le président de l’ADAT, Sultan bin Tahnoon Al Nayan, convaincu des atouts d’Abou Dhabi. « Nous voulons un tourisme raisonnable qui s’accorde avec notre idée d’un développement maîtrisé ». La philosophie du Cheikh Zayed n’aurait donc pas totalement disparu.


par Aurélien  Colly

Article publié le 21/05/2006 Dernière mise à jour le 21/05/2006 à 12:47 TU