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La Sorbonne s’installe aux Emirats

L'université de la Sorbonne dans le quartier latin, à Paris.(Photo : AFP°
L'université de la Sorbonne dans le quartier latin, à Paris.
(Photo : AFP°
Au moment où Dominique de Villepin annonçait le déblocage d’une enveloppe financière pour réhabiliter les bâtiments universitaires dont la misère est légendaire, on apprenait que la Sorbonne, université française mondialement connue, va ouvrir une antenne aux Emirats arabes unis. Si les bâtiments universitaires se portent plutôt mal, il n’en va pas de même pour la matière grise française.

Tout devrait être prêt pour la rentrée universitaire 2007. Des bâtiments flambants neufs vont sortir de terre à Abou Dhabi, aux Emirats arabes unis, pour y accueillir une antenne de la célèbre Sorbonne, qui porte le nom de Paris IV dans le jargon universitaire. Des enseignants français se rendront pour quelques semaines, quelques mois, ou pour toute une année scolaire, dans cette ville du Moyen-Orient à l’allure très américaine pour y donner des cours dans des domaines qui, habituellement, ne sont pas prisés à l’étranger comme l’histoire-géographie, la littérature, ou encore l’histoire de l’art. Autre fait inhabituel, les cours seront donnés en français. Les études seront sanctionnées par des diplômes français.

«L’enseignement sera laïc et l’établissement sera mixte», a indiqué le président de l’université parisienne. Une manière peut-être pour Jean-Robert Pitte de couper court aux critiques face à l’implantation d’une université jumelle de la Sorbonne dans un pays musulman, à mille lieues de la très chatouilleuse laïcité française, où les femmes n’ont pas les mêmes droits que les hommes. L’opération va coûter 25 millions de dollars aux Emirats arabes unis. Ils prennent en charge la totalité des investissements et les frais de fonctionnement.

Une domination anglo-saxonne

Jusqu’à présent, dans ce petit pays riche, l’offre internationale en matière d’enseignement était dominée par les Anglo-Saxons. Le passé colonial britannique s’estompant de plus en plus, les leaders des Emirats veulent sans aucun doute diversifier la palette d’enseignements universitaires. Ces décideurs ont d’ailleurs choisi, et c’est inhabituel, «d’importer» le savoir de l’université française la plus versée dans l’humanisme et les belles-lettres.

Ce partenariat entre les Emirats arabes unis et la Sorbonne ne s’est pas réalisé par le biais de l’agence chargée de «vendre» le système éducatif français à l’étranger. EduFrance a été créée à la fin des années 1990, justement pour faire connaître les universités et les grandes écoles françaises dans des pays émergents cherchant à former leurs élites en dehors de leur propre système éducatif, pour que ces futurs hommes ou femmes d’affaires aient une envergure professionnelle à la mesure de la globalisation.

Aller vers les étudiants

En général, que l’agence EduFrance soit ou pas au cœur d’un partenariat, tout commence d’abord par le séjour d’un étudiant étranger dans une université ou dans une grande école française. Cette personne repart dans son pays, et si elle enseigne dans une université de son pays, elle se met à son tour à envoyer des jeunes étudier dans un campus français, à Paris ou en région. Cet étudiant suit le même chemin que son formateur. Devenu professeur, il reste en lien avec son université française. Ce sont ces échanges qui entraînent une exportation du système universitaire français. Des filières sont nées de cette manière entre l’université de Dijon et Djakarta en Malaisie. L’université publique française, et ce n’est pas le moindre des paradoxes, en vient à créer une unité privée en Malaisie. Ce sont les droits payés par les étudiants malaisiens qui servent à payer les professeurs et les équipements. Loin des réticences françaises sur la privatisation de l’enseignement, des pays émergents ne voient pas d’obstacle à former leurs élites de cette manière.

D’année en année, cette exportation de matière grise progresse. Cependant d’autres étudiants souhaitent toujours, par le biais de bourses ou de concours, passer quelques années à l’étranger pour leur formation. EduFrance a par exemple six antennes permanentes en Chine pour faire connaître aux jeunes Chinois les attraits des pôles universitaires français.

Malgré cette politique qui oblige les enseignants français à une grande ouverture d’esprit, malgré la logistique offerte par l’agence créée par l’Etat, la France est en retard sur ses grands concurrents qui cherchent, eux aussi, à attirer dans leur système éducatif de jeunes étrangers dans lesquels se trouvent de potentiels prix Nobel. Les Etats-Unis restent le pays qui accueille le plus d’étudiants étrangers avec le tiers des deux millions de jeunes qui suivent une formation hors de leur pays d’origine. Le Royaume-Uni, l’Allemagne et l’Australie sont devant la France, pays qui continue d’attirer une majorité d’étudiants africains.

Le ministère de l’Education et son agence spécialisée cherchent à faire passer le savoir-faire intellectuel français hors de l’ancienne zone d’influence coloniale, en Chine en particulier et plus généralement en Asie. EduFrance, pour répondre à un appel d’offre lancé par la Commission de Bruxelles, s’est associée avec ses homologues allemande, britannique et néerlandaise. Elles l’ont remporté et vont donc organiser, dans les trois ans à venir, sept salons et forums en Chine, en Inde, en Malaisie, aux Philippines, en Thaïlande, et au Vietnam. L’objectif est d’augmenter l’attractivité des formations européennes dans cette région du monde. EduFrance parle également de «formation de ressources humaines hautement qualifiées en Europe et en Asie, par le développement de projets communs entre les établissements d’enseignement supérieur et l’encouragement à la mobilité des enseignants et des étudiants des deux continents».


par Colette  Thomas

Article publié le 29/09/2005 Dernière mise à jour le 29/09/2005 à 17:22 TU