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Soudan

Education : tout reste à faire dans le Sud

L’éducation est considérée comme un secteur prioritaire dans la reconstruction du Sud Soudan, une région où seulement un enfant sur cinq est scolarisé.(Photo : AFP)
L’éducation est considérée comme un secteur prioritaire dans la reconstruction du Sud Soudan, une région où seulement un enfant sur cinq est scolarisé.
(Photo : AFP)
La situation de l’éducation dans le Sud Soudan est catastrophique. Un enfant sur cinq seulement va à l’école. C’est le taux le plus faible dans le monde. Et seulement un élève sur cinquante termine l’école primaire. Pour les femmes c’est encore pire : neuf femmes sur dix sont analphabètes. Il n’y a qu’une poignée d’écoles secondaires et aucune université dans cette région.
De notre envoyée spéciale à Rumbek

C’est en plein soleil, au centre d’un terrain vague poussiéreux, que les enfants répètent leur leçon d’anglais. L’un d’entre eux tient un petit tableau noir entre ses mains. «Jesus Christ was born in Rumbek !» (Jésus-Christ est né à Rumbek), récitent en chœur une quarantaine de jeunes garçons, âgés de 6 à 30 ans. L’école primaire Deng Nhial, du nom d’un chef rebelle du Sud mort au combat, est aujourd’hui une école traditionnelle, mais à sa création en 1999, elle était destinée aux enfants soldats démobilisés.

Marial a 17 ans. Après s’être battu aux côtés des rebelles pendant plusieurs années, il a fait ses premiers pas à l’école en l’an 2000. «Je n’ai pas revu mes parents depuis cinq ans. Ils habitent la région de Bahr el Ghazal (ouest du Sud Soudan). Je suis venu ici pour rattraper mon retard, je retournerai les voir quand j’aurai fini mes études», explique le jeune homme. Mais au Sud Soudan un enfant sur cinquante seulement termine l’école primaire. La situation scolaire est catastrophique dans la région, qui était déjà marginalisée avant le début de la guerre en 1983 : trois-quarts des adultes sont illettrés.

«Le Sud Soudan est l’une des régions les plus affectées au monde en ce qui concerne l’éducation. Une école sur deux n’a aucun bâtiment et les cours sont dispensés en plein air», déplore Ben Parker, porte-parole de l’Unicef pour le Sud Soudan. Pour inciter les parents à envoyer leurs enfants à l’école, le Programme alimentaire mondial (Pam) fournit de la nourriture à près de 100 000 élèves dans le Sud Soudan. «Si les enfants ne mangent pas de la journée, ils ne peuvent pas suivre les cours dans de bonnes conditions. La distribution de nourriture à l’école porte ses fruits depuis son lancement en 2001. C’est une économie pour les parents et la certitude que leurs enfants n’auront pas l’estomac vide pendant la journée», explique Tharcissius Nitta, porte-parole du Pam pour le Sud Soudan.

Instituteurs sans diplôme

A Deng Nhial, les cours ont lieu dans un brouhaha incessant, le plus souvent à l’ombre d’un arbre. Les quelques bâtiments de l’école tombent en ruine. Une difficulté supplémentaire pour les vingt instituteurs : il y a en moyenne 75 enfants par classe.

Assis dans la cour sur une chaise en bois, le directeur de l’école, Marial Amuom, explique d’un air désabusé qu’il n’espère même plus l’aide des autorités locales ou de la communauté internationale. Une aide qu’il attend en vain depuis cinq ans. Pour lui, l’un des principaux problèmes est la situation du corps enseignant. «Nos instituteurs ne sont pas formés, la plupart n’ont pas de diplôme. Et nous n’avons pas les moyens de les payer. Beaucoup d’entre eux n’ont même pas de quoi nourrir leur famille», regrette-t-il. A travers le pays, seuls 7% des professeurs ont reçu une formation adéquate et beaucoup n’ont même pas terminé le cycle primaire. Et ils ne peuvent pas s’appuyer sur de bons manuels scolaires. «Il n’y a pas de manuel pour le Sud Soudan. Nous utilisons au hasard les livres que nous trouvons, du Kenya, d’Ouganda ou du nord du pays. Cela complique la tâche des ONG qui ne savent pas quoi nous acheter !», ajoute le directeur, caressant sa barbe taillée en pointe.

Deux bouts de métal s’entrechoquent faisant retentir un bruit strident. C’est le signal pour la récréation. Les enfants se livrent à un match de football avec une balle bricolée de bouts de plastique et de paille. Quelques jeunes filles discutent à l’écart du groupe. Sur les 830 élèves de l’école, seules 85 sont des filles. Et il n’y en a qu’une seule en dernière année primaire. Selon la moyenne nationale, une fille sur 100 termine l’école primaire. C’est le taux le plus faible dans le monde. La tradition des Dinka, l’ethnie majoritaire dans la région, est en cause selon Bul Jallad, l’un des instituteurs. «Vous savez, pour nous les Dinka, les filles sont considérées comme des biens. La plupart des parents refusent de les envoyer à l’école : les filles doivent être échangées contre une dot. Si vous étiez ma fille par exemple, je vous garderais à la maison, comme ça si quelqu’un choisit de vous épouser, j’obtiendrais des vaches en échange», raconte-t-il en souriant.

A l’autre bout du village, une école primaire pour filles a ouvert il y a deux ans. Sept cents jeunes filles originaires de Rumbek y sont scolarisées. Selon l’Unicef, le développement de l’éducation au Sud Soudan passe par la création de toutes petites écoles dans chaque village. Afin de remplir deux objectifs : d’une part rassurer les parents sur le sort des enfants qui n’auraient plus à parcourir des kilomètres à pieds pour se rendre à l’école. D’autre part, maintenir les jeunes gens à proximité de leurs familles afin qu’ils puissent continuer à participer aux travaux ménagers.

par Pauline  Simonet

Article publié le 19/01/2005 Dernière mise à jour le 19/01/2005 à 11:11 TU