Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Nucléaire iranien

Les Américains entrent dans la négociation

Les Etats-Unis ont créé la surprise mercredi en annonçant qu’ils étaient prêts à discuter à nouveau directement avec l’Iran. Cette information spectaculaire a été donnée à la veille d’une nouvelle réunion, à Vienne, ce jeudi, pour discuter de l’arrêt du programme nucléaire iranien. Européens, Russes et Chinois ont un nouveau rendez-vous avec les Iraniens pour les convaincre de suspendre le programme d’enrichissement d’uranium. L’arrivée des Américains dans le camp des négociateurs donne de l’ampleur à ces pourparlers.
la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, le 31 mai 2006 à Washington. (Photo: AFP)
la secrétaire d'Etat américaine Condoleezza Rice, le 31 mai 2006 à Washington.
(Photo: AFP)
La secrétaire d’Etat américaine Condoleezza Rice a créé la surprise mercredi en annonçant que les Etats-Unis, contrairement à la position adoptée depuis près de trois décennies, participent directement aux négociations internationales avec l’Iran. Seule condition à ces retrouvailles diplomatiques : Téhéran doit suspendre son programme d’enrichissement d’uranium.
Le gouvernement américain a rompu ses relations diplomatiques avec l’Iran en 1980, après la longue prise d’otages à l’ambassade américaine de Téhéran, en 1979. Des contacts minimums ont eu lieu sur l’Afghanistan, toujours en association avec d’autres pays. La main est tendue par Condoleezza Rice en personne, une proche de George W. Bush. Le geste est intervenu à la veille d’une nouvelle réunion, à Vienne, avec l’Iran. Les ministres des Affaires étrangères des cinq pays membres permanents du Conseil de sécurité (Etats-Unis, Grande-Bretagne, France, Russie, Chine) plus l’Allemagne doivent rencontrer, dans la capitale autrichienne, leur homologue iranien, Manouchehr Mottaki, pour tenter une nouvelle fois de résoudre la crise entre l’Iran et la communauté internationale.

« « Nous ne renoncerons pas à notre droit naturel national (à l’enrichissement), nous ne discuterons pas de cela. Mais nous sommes prêts à des discussions sur des sujets de préoccupation commune », a indiqué le ministre iranien des Affaires étrangères après la proposition d’ouverture de Condoleezza Rice.

« Le fait que l’Iran cherche à acquérir l’arme nucléaire représente une menace directe pour la communauté internationale dans son ensemble, y compris pour les Etats-Unis et pour la région du Golfe », avait expliqué la secrétaire d’Etat américaine. Malgré cette entrée en matière des plus énergiques, les analystes estiment qu’il s’agit d’un réel changement de la part de Washington :  le président américain est maintenant prêt à entrer dans la négociation et les Etats-Unis n’envisagent plus d’agir seuls contre Téhéran.

Un bras de fer de façade

Un premier pas avait été fait par l’Iran, début mai, avec l’envoi d’une lettre du président iranien, Mahmoud Ahmadinejad, au président américain. Il devait à son tour faire un pas, indique un responsable du département d’Etat sous couvert d’anonymat. Il estime que Washington a peu d’espoir de voir les négociations avancer, mais « même si les Iraniens nous roulent, nous aurons montré à nos alliés que nous avons fait un pas vers eux », a expliqué ce diplomate.

Pour Joseph Cirincione, expert dans un centre américain de recherches sur la prolifération nucléaire, la réponse iranienne à la proposition américaine donnera une indication sur la répartition du pouvoir à Téhéran. Quel que soit le résultat des pourparlers, les diplomates pourront évaluer la place des idéologues comme Ahmadinejad et celle des leaders plus pragmatiques.

Si le chef de la diplomatie iranienne a exclu aussitôt de suspendre totalement le programme d’enrichissement d’uranium de son pays, il s’est dit prêt à négocier le nombre de centrifugeuses qui continueront à fonctionner dans le cadre d’un programme de recherche. Mais combien doit-il conserver de centrifugeuses pour poursuivre son programme ? Les diplomates auront peut-être la réponse à l’issue de la réunion de Vienne. 

Cette réunion n’a pas encore eu lieu que déjà les pays concernés par le cas iranien ont donné leur sentiment face à l’irruption des Américains dans la négociation. Israël, qui a beaucoup à craindre de l’Iran, prônait jusqu’à présent une ligne dure. Mais aujourd’hui Tel-Aviv est en plein accord avec la position américaine. Le gouvernement israélien a été prévenu avant tout le monde du changement d’attitude américain. « Israël apprécie les initiatives et les mesures prises par les Etats-Unis pour continuer à diriger la communauté internationale et prendre toutes les mesures nécessaires en vue d’empêcher l’Iran de parvenir à la capacité nucléaire », s’est félicitée Tzipi Livni, la ministre israélienne des Affaires étrangères. Ehud Olmert a été directement informé par George W. Bush, a précisé le cabinet du Premier ministre.

Le vice-Premier ministre Shimon Pérès, lui, est partisan d’une solution diplomatique passant par « la constitution d’une large coalition internationale », soulignant que « l’option militaire » contre les installations nucléaires iraniennes est « la plus compliquée à mettre en œuvre ».

Le poids de la Chine et de la Russie

Pour cette réunion de Vienne, la troïka européenne a préparé un ensemble de mesures destinées à emporter l’adhésion de la délégation iranienne. Si l’Iran stoppait son programme d’enrichissement, il aurait accès à la technologie occidentale pour construire des centrales nucléaires. La fin de l’embargo américain serait également à l’ordre du jour. Sinon, de nouvelles sanctions économiques pourraient être décidées.

« Nous invitons l’Iran à réagir de manière constructive », a fait savoir le ministère russe des Affaires étrangères, dans un communiqué, au lendemain de la proposition américaine. Il y a quelques mois, Moscou avait essayé de résoudre la crise en proposant à l’Iran de construire une usine d’enrichissement sur le sol russe.

La Chine, elle aussi, s’est félicitée de l’évolution de la position américaine. « Nous accueillons favorablement le fait que les Etats-Unis veuillent régler la question par des discussions », a indiqué le porte-parole du ministère chinois des Affaires étrangères tout en précisant : « Nous ne soutenons pas l’utilisation arbitraire des sanctions dans les dossiers internationaux ». Le jour où Condoleezza Rice a fait sa proposition d’ouverture, un haut responsable américain avait indiqué que la Russie et la Chine étaient prêtes à retourner devant le Conseil de sécurité et à envisager des sanctions, ce que Pékin a, jusqu’à présent, toujours refusé. Si Téhéran ne bouge pas, l’Iran pourrait peut-être cette fois, perdre ses deux meilleurs alliés.         



par Colette  Thomas

Article publié le 01/06/2006Dernière mise à jour le 01/06/2006 à 17:11 TU