Territoires palestiniens
Abbas fait le pari du référendum
(Photo : AFP)
Cette fois, Mahmoud Abbas n’a pas tremblé. Après avoir cédé à deux reprises aux pressions du Hamas, le président palestinien a finalement annoncé la tenue du référendum dont il menace le gouvernement depuis le 25 janvier dernier. La consultation, fixée au 26 juillet prochain, portera sur le «document d’entente nationale, le document des prisonniers».
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens
La plate-forme élaborée par des cadres palestiniens incarcérés en Israël est issue de l’ensemble des partis, Hamas compris. Le document appelle à confiner les attaques dans les territoires conquis par Israël en 1967 et à créer un Etat en Cisjordanie et dans la bande de Gaza, avec Jérusalem-Est pour capitale. L’entourage d’Abbas présente l’adoption de ce texte comme un remède aux affrontements inter-palestiniens et à l’embargo financier dont les territoires occupés sont l’objet.
Aux yeux des islamistes, qui ont longtemps délibéré sur le sujet, le document est inacceptable car il équivaut à reconnaître de facto l’existence d’Israël. Leurs dirigeants parlent de «coup d’Etat». A leurs yeux, il s’agit d’un «chantage» destiné à saper leur pouvoir et ils appellent leurs sympathisants à boycotter le scrutin. Pour échapper au référendum, ils avaient suggéré d’organiser une rencontre au sommet entre Abbas et Khaled Mesh’al, le chef du bureau politique du Hamas, au Yémen. Mais après quelques hésitations, le chef de l’Autorité palestinienne a décliné l’invitation.
«Nous devons aller de l’avant, dit un diplomate palestinien proche du Fatah. Il n’est pas possible de rester plus longtemps dans cette situation de paralysie. Puisque les partis ont été incapables de se mettre d’accord, c’est au peuple de trancher. Et s’il dit non, Abbas en tirera la leçon et il démissionnera».
«Un complot entre Israël, les Etats-Unis et le Fatah»
Les conseillers d’Abbas n’envisagent pas d’échec référendaire. Un parfum de reconquête flotte d’ailleurs dans les couloirs de la Moqataa. Les sondages sont encourageants. Ils accordent un très large soutien au plan des prisonniers, de l’ordre de 70 à 80 % et ils indiquent une remontée de la cote de popularité du Fatah. Mais ces chiffres sont à prendre avec beaucoup de prudence. Aucun sondeur palestinien n’avait prévu le triomphe du Hamas en janvier dernier.
Dans les ruelles du camp de réfugiés d’Al Amari, en bordure de Ramallah, le référendum ne fait pas recette. Encore sous le choc du bombardement israélien de vendredi, dans lequel sept personnes qui pique-niquaient sur une plage ont péri, les habitants ont des mots très durs pour l’initiative d’Abbas.
«Les élections de janvier étaient déjà un référendum, dit Mustafa, un boucher de 47 ans. Le président ne peut pas se permettre d’organiser un vote quand ça lui chante». Le non paiement des salaires des fonctionnaires palestiniens depuis trois mois pèse lourdement sur les affaires de ce marchand. «Mes clients n’ont plus d’argent. Je leur vend à crédit. Mon cahier de dettes épaissit de jour en jour. Pour l’instant je tiens avec mes économies. Mais j’ai déjà renoncé à payer mes factures d’électricité et de téléphone».
En dépit de cette situation précaire, Mustafa qui se dit proche du Fatah, répugne à critiquer le gouvernement dirigé par le Hamas pour qui il avait voté en janvier. «Il y a un complot entre Israël, les Etats-Unis et certains membres du Fatah pour faire chuter le Hamas. Je refuse de marcher là dedans. Je n’irai pas voter le jour du référendum», dit-il.
«Les prisonniers ne représentent pas le peuple»
Walid, le patron d’un café internet, partage cette méfiance. «Les prisonniers ne représentent pas le peuple, dit-il. Ils ne savent pas ce qui se passe au dehors. Cette idée de référendum ne va servir qu’à diviser le peuple. Pourquoi devrais-je donner mon avis sur un texte qu’Israël a par avance refusé ? »
De fait, le premier ministre Ehud Olmert a déclaré dernièrement que le référendum était une affaire interne aux Palestiniens et que l’adoption du plan des prisonniers ne saurait justifier une levée du boycottage international. «Nous avons signé des dizaines de documents qu’Israël n’a jamais accepté, renchérit Walid qui est membre du Fatah. Cela suffit. Nous devons reprendre la lutte armée, c’est la seule solution».
Devant les étals du marchand de légumes, Khaled, un policier, dit qu’il ne se rendra pas aux urnes le 26 juillet prochain : «Avec ce qui se passe à Gaza, cette famille entière fauchée alors qu’elle se détendait sur la plage, on n’a plus envie ni de parler ni de voter. Ce référendum, c’est beaucoup de bruit pour rien. Ca ne peut que créer de la division entre les Palestiniens. Et malheureusement c’est ce que veulent certains de nos dirigeants».
En dépit de l’annonce d’Abbas, les discussions entre le Hamas et le Fatah pourraient continuer. Dans l’hypothèse où un compromis de dernière minute serait trouvé, il n’est pas impossible que le référendum soit finalement annulé.
par Benjamin Barthe
Article publié le 10/06/2006Dernière mise à jour le 10/06/2006 à TU