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Afghanistan

En opération avec les Canadiens

Avec leurs casques et gilets pare-balles, étant donné l'insécurité dans le sud de l'Afghanistan, les soldats canadiens tentent d'apporter aux populations aide médicale et produits de première nécessité. 

		(Photo: Anne Le Troquer/RFI)
Avec leurs casques et gilets pare-balles, étant donné l'insécurité dans le sud de l'Afghanistan, les soldats canadiens tentent d'apporter aux populations aide médicale et produits de première nécessité.
(Photo: Anne Le Troquer/RFI)
Une trentaine de membres et proches de la famille d'un député afghan ont été assassinés dimanche dans la province de Helmand (sud) alors qu'ils venaient chercher les corps de cinq des leurs, précédemment tombées dans une embuscade revendiquée par les talibans. Jeudi c'était un minibus transportant des Afghans travaillant sur la base de la coalition qui a explosé tuant 10 civils, dont 5 interprètes, un cuisinier et un chauffeur. « Vous êtes une cible si vous travaillez avec les Américains ou leurs amis », avait expliqué un des porte-parole des étudiants en religion.

De notre envoyée spécial dans le sud de l’Afghanistan

Les Afghans au sud du pays se retrouvent pris en étau. D'un côté les rebelles qui les terrorisent, de l'autre la coalition « liberté immuable », dirigée par les Américains, qui a annoncé mercredi le lancement de la plus vaste offensive contre les talibans dans le sud de l’Afghanistan, baptisée « Assaut contre la montagne ». 7 000 militaires internationaux, 3 000 soldats afghans contre quelques milliers de rebelles. Entre 2 et 5 000 selon des experts militaires. Dans les provinces de l'Ouruzgan et de Kandahar surtout, les opérations de ratissage s'enchaînent depuis à un rythme soutenu.

À grands coups de pied, trois soldats canadiens tentent d’ouvrir une porte. Rapide inspection à l’intérieur du bâtiment d’une ferme, personne, et ils repartent longeant les murs de terre ocre, aveugles de ce village du Panjwaï, district à une trentaine de kilomètres à l’ouest de Kandahar. « Il faut tous les éradiquer », leur a ordonné ce matin-là le lieutenant-colonel Ian Hope qui dirige le bataillon canadien. À quoi reconnaît-on un taliban? A « un homme qui a une arme », explique le capitaine Martin Dupuis, c'est-à-dire presque tout le monde dans ce pays qui a connu un quart de siècle de conflit. Mais ce jour-là l’ennemi est invisible. Des champs d’arbres fruitiers, de vignes non taillées entourées de murs en torchis à perte de vue. « Ils peuvent se cacher facilement dans ces tranchées, dans les champs, raconte le jeune soldat. Quand un village est vide, on sait qu’ils ne sont pas loin, car la majorité de la population fuit, mais franchement en deux mois de terrain, je n’ai connu que deux heures d’affrontements. » Pourtant ils sont là, et les villageois aident parfois les soldats à les déloger contre quelques billets ou la promesse d’un puits ou d’une route.

Le soutien de la population est crucial

Mais c’est la deuxième fois que les Canadiens doivent venir dans ce district en trois semaines. Les rebelles s’y sont réinstallés après une première opération de ratissage fin mai. « Le gros problème c’est qu’il n’y a que 20 policiers dans un district de 1 400 km², explique un responsable des forces de sécurité à Kandahar qui veut rester anonyme par  crainte des représailles. Alors une fois que les soldats étrangers sont rentrés à leur base, l’ennemi peut faire ce qu’il veut. » Installer une présence durable d’autorités locales et de forces de sécurité, c’est l'un des objectifs d’« Assaut contre la montagne ». Et la coordination entre Afghans et internationaux avance tout doucement. « On parle avec eux avant de partir et ils mettent des uniformes maintenant, ça évite qu’on leur tire dessus », sourit le soldat Paul Campel. Mais cela ne rassure pas davantage la population. « Les talibans sont partout, ils viennent la nuit et nous obligent à les loger, raconte Shajan, une paysanne de 40 ans qui en paraît 60, venue se réfugier en ville. Et le jour ce sont les soldats qui nous disent qu’on n’a pas le droit d’aider les talibans, sinon ils vont nous mettre en prison. »

Gagner le soutien de la population est crucial pour que l'opération réussisse, répètent les soldats et leurs chefs. Les villageois attendent juste l'aide promise. Mais, cachés derrière les hauts murs et barbelés du camp de Kandahar, l’équipe militaro-civile de reconstruction avoue ne pas pouvoir vraiment aider les Afghans dans l'immédiat. « On cherche des organisations locales qui acceptent d’aller dans les villages distribuer notre aide, construisent des routes, avec notre support pour la sécurité, témoigne le capitaine François Provencher, mais c’est dangereux qu’ils se montrent avec nous. »

« Au début, dans les villages reculés de la province, se souvient le capitaine Martin Dupuis, ils nous ont pris pour des Soviétiques avec nos véhicules blindés. » Les villageois ne savaient pas que les Russes avaient quitté le pays depuis seize ans.

par Anne  Le Troquer

Article publié le 19/06/2006Dernière mise à jour le 19/06/2006 à TU