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Mauritanie

Référendum pour une alternance obligatoire

Dans la ville de Nema à 1200 km à l'est de la capitale, des militants du Front populaire appellent à voter pour la nouvelle Constitution. 

		(Photo : Marie-Pierre Olphand/RFI)
Dans la ville de Nema à 1200 km à l'est de la capitale, des militants du Front populaire appellent à voter pour la nouvelle Constitution.
(Photo : Marie-Pierre Olphand/RFI)
Près d’un million de Mauritaniens sont appelés à voter ce dimanche. Ils devront se prononcer sur les amendements à apporter à la Constitution de 1991. Ces modifications prévoient notamment d’instaurer un mandat de 5 ans renouvelable une seule fois. Ce nouveau texte est le projet phare du Conseil militaire pour la justice et la démocratie au pouvoir depuis le coup d’Etat du 3 août dernier. Le chef de l’Etat lui-même a mené campagne pour le « oui » à travers tout le pays. La majorité des partis politiques appellent également à voter pour cette réforme censée garantir une alternance au moins tous les dix ans.

De notre correspondante à Nouakchott

Le « oui » s’affiche à droite du bulletin, sur un fond vert, couleur du drapeau mauritanien. C’est de ce côté-là que commence la lecture en arabe. Viennent ensuite l’abstention et le « non ». Le bulletin unique, qui fera sa première apparition dimanche dans le pays, donne le ton. L’objectif des autorités est d’obtenir un vote massif des électeurs en faveur du projet de Constitution qui représente la clé du changement pour les militaires au pouvoir.

« Il est inacceptable qu’un système perdure pendant 20 ans et plus, que des générations vieillissent sous la direction du même système politique et économique », a martelé le colonel Ely Ould Mohammed Vall, à l’occasion de sa campagne pour le référendum.

Le nouveau texte modifie six articles de la Constitution. La durée du mandat est réduite à 5 ans, renouvelable une seule fois. La fonction de président est également déclarée incompatible avec celle de dirigeant de parti, afin de rompre avec le système en vigueur sous le régime de Maaouiya Ould Taya.

Dans la Constitution amendée, un verrouillage juridique a été introduit pour garantir les textes. L’initiative d’une nouvelle révision de la Constitution reviendra au président de la république et aux membres du Parlement. Mais aucun nouveau projet de révision, présenté par les parlementaires, ne pourra être discuté s’il n’a pas été signé auparavant par au moins un tiers des membres composant l’Assemblée nationale et le Sénat, actuellement dissous.  

Un second verrouillage, d’ordre religieux a aussi été introduit. La Constitution demande au président de s’engager « devant Allah » à ne pas soutenir le projet de Constitution qui viserait à nouveau à changer la durée du mandat présidentiel et les conditions de son renouvellement.

L'adhésion des partis

Même si certains partis jugent la réforme proposée insuffisante, la majorité des 30 formations politiques existantes a choisi de défendre le projet. A commencer par le PRDR (Parti républicain pour la démocratie et le renouveau), ex-PRDS, au pouvoir avant le coup d’Etat, pour qui le rendez-vous de dimanche constitue un moment fondateur dans l’histoire du pays. La peur d’un échec au référendum et de ses éventuelles conséquences sur un prolongement de la transition a également conduit des partis comme l’Alliance populaire progressiste à se mobiliser. Même la mouvance islamiste politique, qui n’a pas encore de cadre légal, s’est ralliée à l’avis de la majorité des partis.

Quelques uns d’entre eux seulement appellent au boycott. Parmi eux, l’Alliance pour la justice et la démocratie : ce parti estime que la nouvelle Constitution ne prend pas en compte les problèmes de fond du pays, à savoir le passif humanitaire, l'esclavage et la cohabitation entre les différentes communautés.

A ceux qui voudraient marquer leur désapprobation au Conseil militaire à travers le boycott, le chef de l’Etat a répondu ce jeudi que le référendum ne se jouait pas en ces termes. « Je ne vous demande point de soutenir un quelconque pouvoir qui s'installe et s'impose par la force. Je vous demande plutôt de façonner vous-même votre système politique, d’en être les maîtres ».

L’enjeu du référendum n’est pas tant le « oui », prôné par la majorité des acteurs politiques, que le taux de participation. Peu habitués à ce type de scrutin, beaucoup de Mauritaniens n’en mesurent pas l’importance. Nombreux sont ceux également qui se sont inscrits dans une autre localité que la leur, sur pression d’un leader politique ou tribal en vue des élections législatives, municipales et présidentielles de ces prochains mois. Il n’est pas sûr que ces personnes se déplacent pour aller voter dans le cadre du référendum. 

Craignant par ailleurs un sabotage du scrutin, les autorités ont procédé ce lundi à 5 interpellations. Il s’agit de deux colonels et de trois civils dont un ancien ambassadeur auprès de l’Unesco. Tous sont de proches parents de l’ex-président Ould Taya. Aucun détail n’a été donné sur les « actions illégales » qu’ils préparaient. Ils n’ont toujours pas été libérés, ce samedi midi.



par Marie-Pierre  Olphand

Article publié le 24/06/2006Dernière mise à jour le 24/06/2006 à TU