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Immigration

Comment leur passer l’envie de partir ?

Partir à tout prix ! 

		(Photo : AFP)
Partir à tout prix !
(Photo : AFP)
Après les multiples tentatives d’Africains, de passer à tout prix en Europe l’année dernière, l’Union européenne et les pays africains d’où viennent ces flux migratoires, avaient convenu d’organiser une conférence. Elle débute ce lundi au Maroc. Les pays organisateurs communiquent peu.

La Conférence ministérielle euro-africaine sur la migration et le développement a été préparée par un « comité de pilotage » constitué de quatre pays. D’abord le Maroc : c’est le pays hôte de la conférence qui se déroule à Rabat. Le Maroc a l’expérience de ces questions car il est un pays de transit pour les migrants. L’année dernière, lorsque de jeunes Africains en mal de développement se sont lancés à l’assaut de Ceuta et Melilla, le Royaume a été confronté à des flots inhabituels de voyageurs, démunis de tout, ayant tendance à se cacher et qu’il fallait bien souvent héberger avant de les rapatrier. 

L’Espagne, elle aussi, fait partie des pays organisateurs. Elle est depuis plusieurs années très sollicitée par les candidats au départ. Comme le passage devient plus difficile par ses enclaves situées sur le sol marocain, elle doit gérer l’affluence sur une nouvelle route ouverte par les clandestins. Malgré le détour, ils cherchent à entrer en Europe par l’archipel des Canaries. Le Sénégal, où partir est une tradition pour de nombreux citoyens, fait lui aussi partie du comité d’organisation, ainsi que la France. Elle fut longtemps une terre d’accueil. Elle ne l’est plus.

Malgré le rôle de la France dans l’organisation de la conférence de Rabat, le ministère des Affaires étrangères ne communique pas sur cet événement. Philippe Douste-Blazy, chef de la diplomatie française, participera aux travaux. Sur son site internet, le gouvernement sénégalais ne parle pas non plus de ces discussions de Rabat. Quant au Maroc, il a ouvert un site dédié à l’événement et annonce que la conférence se tiendra à huis clos.

La force de frappe de l’Union européenne

L’Union européenne est partie prenante de cette conférence. Plusieurs de ses membres sont confrontés à l’arrivée massive de clandestins et il est question d’harmoniser les législations pour que tout le monde ait les mêmes critères. Pour le moment, les migrations relèvent encore de la compétence des Etats. Comme une telle rencontre est une première, la Commission de Bruxelles envoie deux représentants à Rabat : Franco Frattini, vice-président de la Commission, chargé de la Justice, de la Liberté et de la Sécurité, et Benita Ferrero-Walder, commissaire chargée des Relations extérieures et de la politique européenne de voisinage. Deux poids lourds mais ayant des fonctions très politiques pour une conférence qui aura forcément un aspect économique : elle met sur le même plan immigration et développement.

La Commission espère que les travaux aboutiront à une déclaration politique de partenariat et que tous les pays présents se mettront d’accord sur un plan d’action. Il n’est pas question de fermer les frontières mais plutôt de développer l’immigration légale. Tous les pays membres de l’Union participent. S’y ajoutent la Norvège, la Suisse, l’Islande et les deux pays proches de l’adhésion, la Bulgarie et la Roumanie.

Un plan d’action, sans l’Algérie

Face à ces trente pays, les pays africains seront, eux aussi, très présents à cette conférence de Rabat. L’Afrique australe, l’Afrique de l’Est n’y sont pas, mais pour le reste, la quasi-totalité des pays d’Afrique de l’Ouest et d’Afrique Centrale participent aux travaux dans la capitale marocaine. Seule grande absente, l’Algérie, en raison de son contentieux avec le Maroc. Ce dernier ne fait pas partie de l’Union africaine (UA). Or pour Alger, la question de l’immigration clandestine devrait se discuter dans le cadre de l’organisation panafricaine. L’absence de l’Algérie se fera probablement lourdement sentir car ce pays, lui aussi, est un pays de transit pour les Africains qui veulent passer d’une rive à l’autre de la Méditerranée.

Selon un responsable marocain, la conférence de Rabat va « adopter un plan d’actions consensuel, basé sur un engagement partenarial pragmatique pour lutter contre le phénomène de l’immigration clandestine. Il ne s’agit pas d’une réunion destinée à demander une assistance financière (à l’Europe) ou à tendre la main, mais d’une réunion qui adoptera une stratégie globale pour faire face à l’immigration clandestine». Ce responsable marocain a cependant ajouté que la conférence « évoquera également des projets de développement en faveur des pays émetteurs et de transit de la migration illégale ». Les pays en développement traversés par les migrants pourraient obtenir des compensations en terme de d’aide au développement.

Actuellement, l’Union européenne consacre 0,36% de son Produit national brut à l’aide publique au développement. A Bruxelles comme dans le reste du monde industrialisé, on court toujours après le mythique 0,7% du PNB souhaité par les Nations unies depuis bien longtemps. Les organisations non gouvernementales savent bien que l’argent ne fait pas tout, même si c’est déjà beaucoup. Les migrants fuient des pays désorganisés où le travail est rare. La question du développement est probablement plus difficile à résoudre avec les migrants africains car le dernier rapport des Nations unies sur la question a montré qu’en général les ressortissants de ces pays manquent cruellement de qualification. Ils ne peuvent pas répondre aux besoins des pays riches et rivaliser avec des diplômés indiens ou chinois. Partager la croissance économique entre le Nord et le Sud paraît par ailleurs utopique. Les pays riches ont besoin de cette croissance molle pour protéger leur niveau de vie et leurs emplois.

Des accords pas très glorieux

Les deux groupes de pays se retrouvent donc pour la première fois afin de régler une question dont personne n’a véritablement envie de parler. Pas facile de reconnaître que les polices du Nord et du Sud pourraient s’accorder sur un seuil de clandestins admissibles. Un représentant européen pour sa part pourra répugner à voir qu’il se calfeutre dans une forteresse.

Des solutions émergeront probablement de ce laboratoire de Rabat. Le problème, en tout cas, est si vif que les Nations unies, elles aussi, vont se pencher sur la question à l’automne.



par Colette  Thomas

Article publié le 09/07/2006Dernière mise à jour le 09/07/2006 à TU