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Mali - Burkina

Bamako et Ouaga jouent l’apaisement malgré 9 morts

Des violents affrontements entre populations de deux villages à la frontière entre le Mali et le Burkina ont fait neuf morts et de nombreux blessés. 

		(Carte : RFI)
Des violents affrontements entre populations de deux villages à la frontière entre le Mali et le Burkina ont fait neuf morts et de nombreux blessés.
(Carte : RFI)
Depuis la nuit du 30 juin au 1er juillet, la tension est vive à la frontière entre le Mali et le Burkina notamment dans le département de Djibasso. Des affrontements violents entre populations de deux villages pour un litige foncier ont fait neuf morts et de nombreux blessés. Bamako et Ouagadougou multiplient les gestes d’apaisement par peur que le conflit ne prenne d’autres tournures comme en 1974 et 1985 lorsque les deux pays s’étaient livrés la guerre.

De notre correspondant au Burkina Faso

C’est par un communiqué de presse signé du ministre burkinabè de l’Administration territoriale et de la Décentralisation, Clément Sawadogo, que l’opinion a été informée lundi soir des affrontements entre populations maliennes et burkinabè à la frontière des deux pays. Selon les correspondants régionaux de l’Agence d’information du Burkina (AIB), tout serait parti d’une dispute autour d’un lopin de terre le 29 juin dernier entre deux paysans : l’un malien du village de Wanian dans la commune rurale de Mafouné (région de Ségou) au Mali et l’autre burkinabè du village de Ouoronkuy dans le département de Djibasso (région du Mouhoun, ex- Volta) au Burkina.

Cette dispute a été sans doute la goutte d’eau qui a fait déborder le vase entre les deux villages distants seulement de 7 km et situés de part et d’autre de la frontière entre le Mali et le Burkina. En effet, selon des témoignages côté burkinabè, les populations du village de Ouoronkuy se plaignent des visées expansionnistes de leurs voisins maliens sur leurs terres agricoles. Il s’agit d’un vieux problème qui a même déjà provoqué des affrontements entre les deux communautés en 1980 et en 1985.

Le village s’est vidé de ses habitants

Cette fois, après la dispute entre les deux paysans le 29 juin, les habitants de Wanian et d’autres villages maliens auraient, selon la version de la presse locale, organisé une expédition punitive le lendemain contre Ouoronkuy. Les assaillants auraient tout détruit sur leur passage : greniers, bétail, maisons. Ils auraient même emporté des vélos et lynchés plusieurs personnes. Pour les habitants de Ouoronkuy blessés dans leur amour propre, c’était le déshonneur. Ils décidèrent à leur tour de laver l’affront. Et c’est en pénétrant sur le territoire malien qu’ils allaient tomber dans une embuscade. Suit alors un affrontement violent soldé par 9 morts et de nombreux blessés côté burkinabè et une dizaine de blessés côté malien. La plupart des victimes ont été tuées à coup de fusils avant d’être mutilées.

Alerté, le haut-commissaire de la province de la Kossi dont relève la zone de conflit s’est rendu le 1er juillet  à Ouoronkuy. Mais il ne trouvera personne. Le village s’était vidé de ses habitants (un millier environ) qui ont fui pour se réfugier à Djibasso situé à 15 km plus loin. Dans ce chef-lieu de département, les autorités ont accueilli dans des écoles les populations déplacées. Celles-ci ne sont pas que de Ouoronkuy mais de la plupart des villages alentours où on vit désormais dans psychose des nouvelles attaques des voisins du Mali.

Eviter à tout prix une escalade

La mission du haut-commissaire de la Kossi a néanmoins continué en territoire malien pour ramasser les corps des victimes avant d’appeler la population au calme. Le 4 juillet, ce fut le tour du gouverneur de la région du Mouhoun pascal Bénon de se rendre sur place à Djibasso et dans le village frontalier. Au cours d’un rassemblement avec les populations de Ouoronkuy et des villages voisins, il a exhorté les villageois à faire preuve de retenue. Il les a informées des dispositions prises par le gouvernement burkinabè à savoir le renforcement de la surveillance du territoire et une aide d’urgence pour ceux qui ont perdu leurs récoltes au cours des violences du 30 juin. Parallèlement au gouverneur de région, le ministre de l’administration territoriale et de la décentralisation a lancé un appel au calme et à la retenue.

A Bamako et à Ouagadougou, on ne veut pas perdre de temps pour circonscrire le problème. Les souvenirs des deux guerres (1974, 1985) ne sont pas loin. Les deux pays s’étaient affrontés à deux reprises à la suite d’un différend frontalier avant de le trancher devant la Cour internationale de la Haye. Il faut donc éviter à tout prix une escalade synonyme de retour à de vieux démons. C’est pourquoi, le président malien Amadou Toumani Touré a vite dépêché jeudi un émissaire à Ouagadougou auprès de Blaise Compaoré. « Le président Touré m’a demandé de présenter de vive voix au président du Faso, à son gouvernement et au peuple burkinabè sa profonde contrition et ses sincères condoléances pour les morts dans le département de Djibasso », a déclaré Mahamadou Lamine Traoré, ministre malien de l’éducation nationale qui a été reçu par Blaise Compaoré seulement quelques heures après son arrivée dans la capitale burkinabè. « Il m’a demandé aussi de remercier le président du Faso pour les appels au calme qui ont été [lancés] de ce côté–ci. » Le ministre malien a annoncé que du côté du Mali, le gouverneur de Ségou s’était rendu sur les lieux du conflit pour appeler ses compatriotes au calme.

Ce samedi, les ministres chargés de l’Administration territoriale des deux pays devraient se rencontrer dans la zone pour tenter de réconcilier les deux parties. Selon les témoignages de burkinabè, les terres agricoles en cause sont administrativement situées en territoire malien. Mais selon le droit coutumier, elles appartiendraient au village de Ouoronkuy situé en territoire burkinabè. Un litige donc que le simple bornage de la frontière ne suffit pas à trancher.



par Alpha  Barry

Article publié le 07/07/2006Dernière mise à jour le 07/07/2006 à TU