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Mali

Les Touareg renoncent à un statut spécial

Des hommes sont assis devant les magasins fermés de Kidal (Mali), cible de la rébellion touareg en mai dernier. 

		(Photo : AFP)
Des hommes sont assis devant les magasins fermés de Kidal (Mali), cible de la rébellion touareg en mai dernier.
(Photo : AFP)

Les Touareg abandonne le rêve d’autonomie qui a valu des affrontements sanglants au Mali dans les années soixante et quatre-vingt-dix. Ils ont décidé de prendre au mot la promesse gouvernementale d’aide au développement de leur région. En mai dernier, lorsque des casernes ont subi l’assaut de Touareg mécontents, le président Amadou Toumani Touré était lui-aussi immédiatement monté au créneau de la négociation. Evitant même de qualifier les événements de rébellion, il avait accepté la médiation algérienne sollicitée par les Touareg. Démarrés le 15 juin, les pourparlers ont débouché jeudi sur un accord en forme d’échange de bons procédés.


«Les ex-rebelles touareg ne réclament plus l'autonomie pour leur région alors que le gouvernement malien s'engage à accélérer le développement des trois régions du nord du Mali», Kidal, Gao et Tombouctou, indiquait vendredi l’un des médiateurs algériens interrogés par l’Agence France Presse. Emmenée en Algérie par le ministre de l'Administration territoriale Kafoungouna Koné, la délégation gouvernementale malienne revient avec des bonnes nouvelles pour le président Amadou Toumani Touré. Ce dernier avait promis mardi d’investir quelque 37 milliards de francs CFA (70 millions d’euros) dans des projets d'aide au développement et dans la création d’infrastructures dans la région de Kidal. C’est en effet sur cette région en particulier qu’a porté l’essentiel des négociations.

Le 23 mai dernier, des vétérans de l’ancienne rébellion des années quatre-vingt-dix, le Mouvement populaire de l’Azawad (MPA), avaient revendiqué l’attaque menée à l’aube contre trois casernes de Kidal et de Menaka. Les dépôts de munitions pillés et les véhicules trouvés sur place piratés, les auteurs des attaques s’étaient assez rapidement retranchés sur des hauteurs montagneuses proches de la frontière algérienne. Ils réclamaient alors un statut spécial pour la région de Kidal, où ils annonçaient vouloir gérer eux-mêmes les affaires touareg, à défaut de trouver leur compte dans la gestion économique gouvernementale de leur terroir. Ce faisant, les rebelles avaient toutefois manifesté leur appréhension à s’engager plus avant dans une aventure militaire risquée. De même, le président Toumani Touré avait exprimé sa volonté de discuter. Début juin, il avait rapidement saisi la perche algérienne tendue par les Touareg.

Grogne militaire et grogne endémique

Iyad Ag Ghaly et ses hommes repliés à Thérarrar, dans les confins nord du Mali, son second, Erlass Ag Idar, avait pris la tête d’une délégation touareg pour un premier contact à la mi-juin avec quatre négociateurs algériens et un représentant du gouvernement malien. Peu avant, début juin, lors d'une visite à Gao, à 300 kilomètres au sud-est de la ville de Kidal, le président Toumani Touré avait pour sa part invité les Touareg à exposer leurs griefs, déplorant les six morts tombés dans les attaques et répétant qu’il était «encore temps d'arrêter » pour discuter «en famille» et régler le différend par des voies pacifiques. De fait, les problèmes des Touareg sont pour une large part structurels et liés à la pauvreté endémique et au chômage des jeunes dans leurs régions excentrées et vouées à la sècheresse, ce qui est aussi le lot de la majeure partie du pays. Mais une part du mécontentement touareg est circonscrit à la grogne militaire de certains rebelles des années quatre-vingt-dix.

Tous les anciens rebelles n’ont pas tiré ce qu’ils escomptaient en intégrant l’armée nationale dix ans plus tôt, conformément à l’accord de paix. Mais, si l’on en juge par la démarche des chefs traditionnels touareg venus à la mi-juin dans leur maquis pour tenter de les ramener «à la raison», le spectre de la guerre civile a plutôt desservi leur cause dans le reste de l’opinion touareg. Et l’aventure militaire tentée par Iyad Ag Galy a finalement tourné court, l'adjoint au chef d'état-major de l'armée, le colonel Lassina Koné, prenant le commandement d’un poste militaire basé à Gao, l’armée gouvernementale déployant des renforts en hommes et en matériel dans toute la région Nord.

La rébellion s’est très vite efforcée d’expliquer qu’elle ne réclamait pas l’indépendance, mais un statut spécial qui prenne en compte la particularité nomade des Touareg. La communauté compterait aujourd’hui entre 1 à 1,5 millions d'âmes éparpillées sur un territoire de quelque 2 millions de kilomètres carrés occupés par quatre Etats. Parmi eux, le Niger où le président Tandja a pris très au sérieux la contagion possible de la rébellion malienne, s’empressant de prendre le pouls des représentants politiques des 7 à 800 000 Touareg nigériens. Le Mali en abrite pour sa part près de 600 000, l’Algérie, 50 000 et la Libye 30 000.

Au Niger, quelque 3 000 anciens combattants touareg sont cantonnés depuis les accords de paix inter-nigériens de 1995 où ils attendent depuis onze ans leur reconversion économique. Plus largement, la communauté touareg paupérisée par les grandes sécheresses des années soixante-dix et quatre-vingt a dû changer ses modes de vie nomades et accommoder la disparition de son bétail mort de soif. Rien n’est réglé sur le fond. Mais dans l’immédiat, la médiation algérienne paraît avoir réussi à éviter au Mali un nouveau vent de sable touareg.



par Monique  Mas

Article publié le 30/06/2006Dernière mise à jour le 30/06/2006 à TU