Coupe du monde 2006
Le titre à l'Italie
(Photo : AFP)
Toute la France derrière les Bleus qui, une fois encore, vont jouer en blanc, ce qui ne leur a pas trop mal réussi. Toute l’Italie derrière la Squadra Azzurra.
La couleur dominante est la même. Quel que soit le vainqueur, ce sera un Bleu.
Depuis quatre et cinq jours (les Italiens ont eu vingt-quatre heures de repos supplémentaires) les deux pays ont vécu au rythme de la finale. Les analystes les plus fins se sont penchés sur les stratégies comparées de Raymond Domenech et de Marcello Lippi, sur les duels Gattuso/Zidane, Totti/Vieira, Henry/Cannavaro... Paroles, paroles, paroles avait chanté voilà longtemps Dalida avec Alain Delon.
Et les bookmakers londoniens ont fait leur boulot : au dernier pointage, léger avantage aux Italiens. De toute façon, les parieurs ne peuvent plus miser bien gros. Il aurait fallu voter, par exemple France, avant le coup d’envoi de la compétition pour, au minimum décupler sa mise. Un dernier regard vers le ciel : les orages sont passés. Tant mieux. Vingt-quatre heures plus tôt, on avait craint le déchaînement des éléments.
Ambiance finale
Berlin, 9 mai 2006, 20 heures. Les deux équipes sont alignées de part et d’autre de l’arbitre argentin Horacio Elizondo. Zinedine Zidane et Fabio Cannavaro portent chacun le brassard de capitaine. Zidane pour la dernière fois. On l’a dit, redit et re-redit, c’est son dernier match. Ce qui confère une dimension sentimentale supplémentaire à la rencontre. La presse du monde entier depuis mercredi dernier n’a cessé de lui dérouler le tapis rouge y compris la presse américaine dont le football n’est pas particulièrement la tasse de thé. Il lui reste un match à jouer. Aux côtés des capitaines, que des visages connus puisque ce sont les mêmes que lors des demi-finales, et pour les Français la même équipe que lors des trois matches précédents. C’est bien connu, on ne change pas une équipe qui gagne. En ligne de mire, le trophée objet de toutes les convoitises, trônant sur un socle au pied de la tribune officielle.
Zidane marque sur penalty, les Italiens égalisent
Le coup d’envoi de la 18e finale de la Coupe du monde est italien. Et le premier homme à terre est Thierry Henry. Un choc avec l’épaule de Cannavaro, petit KO technique. Le pointeur est groggy. A peine une minute de jeu. Zidane prend momentanément sa place devant. Deux minutes plus tard, retour de l’attaquant prolixe d’Arsenal alors que David Trézéguet courait le long de la ligne de touche, prêt à toute éventualité. Vieira à terre, Zambrotta écope d’un carton jaune.
Cinquième minute, coup de théâtre : faute de Materazzi sur Malouda dans la surface. Penalty. Zidane face à Buffon. Le ballon rentre, enfin rebondit sous la barre transversale. Incertitude. Non le ralenti confirme. 1-0 pour les Bleus. Zidane est le quatrième joueur à marquer un penalty en finale (après le Néerlandais Johan Neeskens en 1974 et les Allemands Paul Breitner en 1974 et Andreas Brehme en 1990) ; il est aussi le quatrième à marquer dans deux finales de Coupe du monde (après Pelé en 1958 et 1970, son compatriote Vava en 1958 et 1962 et l’Allemand Paul Breitner en 1974 et 1982). Tension, nervosité, tous les ingrédients sont réunis. On n’en attend pas moins d’une finale qui doit porter l’une des deux équipes au sommet du monde. Passée la stupéfaction initiale – ils sont dans leur rôle - les Bleus azur viennent titiller les Blancs dans leur camp. Ce sont eux maintenant les challengers. Si bien dans leur tempo qu’ils égalisent à la 19e minute. Corner de Pirlo pour la tête de Marco Materazzi qui fait la différence face à un Barthez un peu trop avancé. 1-1. Tout est à recommencer. Les Italiens reprennent de la voix. Les Français sont sur la défensive. On sent plus de fluidité, de mobilité chez les Italiens. Sur le terrain, les joueurs essaient de se remettre en place, un peu comme ils l’avaient déjà fait contre le Portugal. A la trente-cinquième minute intervention décisive de Thuram alors que Luca Toni était tout proche de Barthez, suppléé quelques instants plus tard par sa barre transversale sur un nouveau corner. Toutes les actions offensives des Italiens sont dangereuses. Les répliques françaises sont moins décisives, moins tranchantes. 1-1, les Français ne s’en sortent pas trop mal à la mi-temps. Reconnaissons-leur ce mérite de ne s’être pas affolés.
Les Français reviennent dans le match
Un match ne se joue pas en quarante-cinq minutes dit Domenech à la sortie des vestiaires. Peut-être une façon de se rassurer alors que la première moitié de la rencontre a été difficile. Et si les Français étaient allés au bout de leur potentiel physique ? Le premier corner italien crée un peu d’affolement dans la défense blanche mais un hors-jeu opportun épargne les sueurs froides. Sur un contre Thierry Henry, en position favorable, ne parvient pas à frapper. Quelques instants plus tard, l’arbitre omet de siffler un penalty contre Zambrotta qui aurait dû bénéficier à Malouda. Personne ne proteste. Les Français semblent mieux qu’en fin de première période. Mais après sept minutes de jeu, Patrick Vieira blessé à la cuisse cède sa place à Alou Diarra. Ce n’est pas la meilleure nouvelle du moment. Les Italiens ont perdu de leur maîtrise collective. A l’heure de jeu Lippi fait entrer Jaquinta et de Rossi à la place de Perotta et Totti. Dangereux si le match doit aller aux prolongations.
62e : Henry gagne son duel face à Cannavaro, tire du pied droit mais Buffon détourne. A tout moment, l’une ou l’autre des deux équipes peuvent marquer. La France est bien revenue dans la partie alors que les Italiens continuent progressivement d’accuser la fatigue d’un long tournoi. Le premier qui marquera sera champion du monde alors qu’il reste un bon quart d’heure à jouer. Prudence : cinq des douze buts de l’Italie ont été inscrits après la quatre-vingtième minute. Inquiétude sur un coup franc d’Andrea Pirlo face au but de Barthez ; le ballon passe de peu sur la gauche du but français. Le gardien était parti du bon côté, mais… Ce n’est pas pour maintenant.
Zidane se retrouve à terre sur une bousculade dans le dos. Il fait signe à son banc. La clavicule droite. Il souffre, mais il revient parmi les siens. Le capitaine ne se pense pas absent des dernières minutes. Comment imaginer qu’elles ne soient pas siennes ! Il faudrait peu de choses maintenant. Une accélération de Thierry Henry par exemple. Les Italiens n’en mènent pas large ; ils sont à l’agonie. Alessandro Del Piero rentre à la place de Camoranesi. Il avait été déterminant contre l’Allemagne lors de la demi-finale. Sans parvenir à faire la différence. Qui se fera pendant les prolongations ou dans l’épreuve des tirs au but.
Carton rouge pour Zidane
Le suspens est de plus en plus prenant. La déception sera d’autant plus forte dans le camp des vaincus. Qui se sortira du guêpier ? Impossible de répondre à cette question, les deux équipes étant largement époumonées. 99e, Ribéry frappe du droit, d’un cheveu à côté du but de Buffon. Juste avant de céder sa place à David Trézéguet, le buteur de la Juventus, alias Trézégol. L’arme secrète de Domenech ? Le jeu est français. Un centre de Sagnol pour une magnifique tête de Zidane. La balle du titre ? Non. Buffon envoie en corner. Il reste quinze minutes pour que Dame Coupe choisisse d’accorder ses faveurs aux Blancs ou aux Bleus. Capricieuse, elle a décidé de ne rien laisser paraître. Sylvain Wiltord, souvent décisif, remplace Thierry Henry, victime de crampes.
Carton rouge brandi, à juste titre par l’arbitre devant Zidane (comme Marcel Desailly en 1998). Cauchemardesque ce coup de tête dans la poitrine de Materazzi.. Les Français vont terminer la finale à dix contre onze.
L’arbitre siffle la fin de la partie. Le champion du monde sera consacré après les tirs au but.
Tirs au but
Pour la seconde fois dans l’histoire de la Coupe du monde tout va se jouer au cours de la séance vérité. La première fois, en 1994, l’Italie s’était inclinée face au Brésil.
Barthez et Buffon se retrouvent à l’épreuve des chasseurs.
Pirlo tire. 1-0 pour l’Italie
Wiltord à son tour. 1-1
Materazzi marque. 2-1
Trézéguet sous la barre, le ballon ressort devant. 2-1 toujours pour les Italiens
De Rossi. 3-1. A moins d’un miracle…
Abidal. Contre-pied parfait. 3-2
Del Piero. Impeccable. 4-2
Sagnol. Pas le droit à l’erreur. Ca passe. 4-3
Balle de match pour Fabio Grosso. L’Italie est championne du monde. Sa quatrième victoire après celles de 1934, 1938 et 1982. Il fallait un vainqueur.
La fiche technique de la finale
Italie - France 1 à 1 (1-1, 1-1), 5 tirs au but à 3
9 juillet 2006, Berlin,Stade Olympique
Spectateurs: 69.000
Arbitre: Horacio Elizondo (Argentine)
Buts: Italie: Materazzi (19) pour l’Italie ; Zidane (7 sur penalty)
Avertissements: Zambrotta (5) pour l’Italie; Sagnol (12), Diarra (76), Malouda (111) pour la France
Exclusion: Zidane (110) pour la France
Les équipes:
Italie: Buffon - Zambrotta, F. Cannavaro (cap), Materazzi, F. Grosso - Gattuso, Pirlo - Camoranesi (Del Piero 86), Totti (De Rossi 61), Perrotta (Iaquinta 61) – Toni. Entraîneur: Marcello Lippi
France: Barthez - Sagnol, Thuram, Gallas, Abidal - Vieira (A. Diarra 56), Makelele - Ribéry (Trezeguet 100), Zidane (cap), Malouda - Henry (Wiltord 107). Entraîneur: Raymond Domenech
par Gérard Dreyfus
Article publié le 09/07/2006Dernière mise à jour le 09/07/2006 à TU