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Proche-Orient

Guerre totale entre Israël et le Hezbollah

Le seul aéroport international du pays, à Beyrouth, a encore été pris pour cible dans la nuit de jeudi à vendredi. 

		(Photo : AFP)
Le seul aéroport international du pays, à Beyrouth, a encore été pris pour cible dans la nuit de jeudi à vendredi.
(Photo : AFP)
Au troisième jour de son offensive, Israël a poursuivi la destruction des infrastructures civiles et consolidé son blocus du Liban. Le pays est pratiquement isolé du reste du monde. L’Etat hébreu souhaite changer les règles du jeu en éloignant le Hezbollah de sa frontière nord. Mais, derrière le parti islamiste, c’est la Syrie et l’Iran qu’Israël affronte.

De notre correspondant à Beyrouth

Ce que l’on appelle déjà au Liban « la cinquième guerre libano-israélienne » ne fait que commencer. Au troisième jour de son offensive contre le Hezbollah, Israël a poursuivi la destruction systématique des infrastructures routières et électriques et a achevé d’isoler le Liban du reste du monde en renforçant son blocus aérien et maritime. Le seul aéroport international du pays, à Beyrouth, a encore été pris pour cible dans la nuit de jeudi à vendredi. En mer, les vedettes de la marine israélienne empêchent tout navire de s’approcher des ports libanais. La dernière voie principale entre le pays et l’étranger, la route Beyrouth-Damas, a été bombardée dans la nuit. Et l’aviation israélienne a détruit tous les ponts qui mènent à la banlieue sud de la capitale, une région de 2km², peuplée d’un demi-million de chiites et considérée comme le bastion du Hezbollah.

Les chasseurs-bombardiers israéliens se sont contentés de détruire les voies d’accès à ce secteur, sans le viser directement. Des cibles diverses, dont une station radar et des batteries anti-aériennes de l’armée libanaise et des bases d’organisations palestiniennes pro-syriennes ont également été bombardées dans la plaine de la Békaa. Une des principales centrales électriques du pays, à Jiyeh à 30 kilomètres au sud de Beyrouth, a aussi été sérieusement endommagée par le pilonnage des vedettes israéliennes. Le bilan des trois premiers jours de cette offensive s’élève, côté libanais, à plus de 80 morts et des dizaines de blessés, tous des civils, dont de nombreux enfants.

Pour l’instant, aucun mouvement d’exode massif de la population, notamment du Liban-Sud, n’a été observé, comme cela avait le cas en 1996 quand plusieurs centaines de milliers de personnes avaient quitté leurs villages. Pas de panique non plus mais déjà de longues files d’attente commencent à se former devant les stations d’essence, et les supermarchés sont envahis dans la crainte d’un début de pénurie de carburant et de produits alimentaires à cause du blocus imposé au pays.

Changer les règles du jeu

Si à l’origine Israël a affirmé avoir lancé son offensive pour libérer les deux soldats israéliens capturés par le Hezbollah mercredi matin, ses objectifs sont devenus maintenant beaucoup plus ambitieux. Par la voix de ses hauts responsables politiques et militaires, l’Etat hébreu a annoncé que son but est, désormais, d’empêcher le Hezbollah de revenir à ses positions tout au long de la frontière et d’instaurer une sorte de zone tampon d’une profondeur de 20 kilomètres en territoire libanais. «Nous voulons briser le Hezbollah», a déclaré le ministre de la Défense. Pour y parvenir, Israël adopte une stratégie militaire destinée à servir des objectifs politique très clairs.

En prenant pour cible l’infrastructure du pays, il espère embarrasser le Hezbollah et creuser le fossé entre le parti islamiste d’un côté, la population et le gouvernement libanais de l’autre. Le but est partiellement atteint puisque des voix s’élèvent déjà au Liban pour faire assumer au Hezbollah la responsabilité «du désastre qui frappe le pays». La saison touristique qui devait drainer deux milliards de dollars est fatalement compromise et les routes, ponts, centraux téléphoniques et centrales électriques, patiemment reconstruits ces dernières années, ont été détruits. Des hommes politiques ont sévèrement critiqué le Hezbollah pour avoir «décidé seul de la paix et de la guerre» et d’avoir choisi un «timing inopportun» pour la capture des soldats israéliens. Sous la pression des Etats-Unis et d’autres pays occidentaux, le gouvernement libanais s’est désolidarisé du Hezbollah, tout en condamnant «l’agression israélienne». Même l’Arabie saoudite a indirectement fait assumer au parti islamiste la responsabilité des événements, en critiquant «ceux qui prennent des décisions sans consulter le gouvernement». «Il y a une différence entre une résistance légitime et une action aventurière», affirme une source responsable saoudienne citée par l’agence officielle du royaume.

Actions concertées du Hamas et du Hezbollah

Encouragé par les dissensions internes au Liban et fort de l’appui de la communauté internationale, Israël veut donc essayer de changer une fois pour toutes les règles du jeu et d’en finir avec la menace que constitue le Hezbollah avec sa formidable puissance de feu (plus de 13 000 roquettes et des milliers de combattants) à sa frontière nord. Ceux qui connaissent bien le Hezbollah assurent qu’en capturant les deux soldats israéliens, le parti savait que la riposte de l’Etat hébreu pourrait être virulente. Pourquoi alors avoir pris le risque de provoquer une confrontation d’envergure à ce moment précis ? De nombreux observateurs pensent que l’enlèvement par le Hamas et le Hezbollah de militaires israéliens à trois semaines d’intervalle ne peut en aucun cas être le fruit du hasard. Les deux formations ont des profils identiques et des affinités politiques similaires, bien que l’une soit sunnite et l’autre chiite. Les deux sont des amis de la Syrie et de l’Iran, s’opposent aux Etats-Unis et refusent le concept de paix imposé par Israël.

Il y a donc de fortes chances que les actions du Hamas et du Hezbollah soient concertées et aient pour but de prendre Israël en étau entre Gaza et le Liban-Sud. Dans tous les cas, les développements sur le terrain montrent que Damas et Téhéran, que l’Amérique s’efforce de priver de tout rôle au Moyen-Orient, se sont invités en force dans le conflit régional et ont même repris l’initiative. Car eux seuls sont capables d’avoir une influence sur les deux mouvements islamistes. Eux seuls peuvent jouer un rôle pour trouver une issue diplomatique à ces deux crises. Mais pour l’instant, l’heure n’est aux négociations, c’est le canon qui parle. Et dans la bataille en cours au Liban, la victoire reviendra à celui dont la capacité de résistance est la plus forte. D’ici là, la guerre d’usure meurtrière va se poursuivre pendant des jours, et peut-être même des semaines.

par Paul  Khalifeh

Article publié le 14/07/2006Dernière mise à jour le 14/07/2006 à TU

Audio

Ygal Palmor

Porte-parole du ministère israélien des Affaires étrangères

«Les objectifs sont, militairement, de briser la capacité de nuire du Hezbollah et, politiquement, de mettre le gouvernement libanais devant ses responsabilités.»

[14/07/2006]

Frédérique Misslin

Journaliste à RFI

«Visiblement la communauté internationale ne s'attendait pas à ce que les violences prennent une telle envergure à la frontière entre le Liban et Israël.»

[14/07/2006]

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