Proche-Orient
Israël veut punir le Liban
(Photo : AFP)
Israël a décidé de frapper et de frapper fort. Le gouvernement d’Ehud Olmert réuni d’urgence mercredi a décidé d’autoriser une intervention militaire contre le Liban. Il s’agit de faire payer comptant le Hezbollah chiite libanais, responsable de l’attaque d’une patrouille de l’armée à la frontière israélo-libanaise et de l’enlèvement de deux soldats. En ripostant immédiatement et fermement, l’Etat hébreu entend faire comprendre que ces nouveaux rapts, après celui de Gilad Shalit, sont la goutte d’eau qui fait déborder le vase. Israël veut également empêcher le Hezbollah de maintenir ses positions au sud Liban, proches de la frontière, pour éloigner le danger des tirs de roquettes. Amir Peretz a d’ailleurs prévenu que l’on ne reviendrait pas à la situation antérieure : «Nous ne permettrons pas au Hezbollah de revenir sur les positions qu’il occupait le long de la frontière». Et il entend aussi montrer que son armée, malmenée ces derniers temps par la réussite de plusieurs actions commandos, est toujours aussi puissante et dispose encore de sa capacité à assurer sécurité et dissuasion.
L’aviation a déjà mené en quelques heures des dizaines de raids sur des sites dans le sud du Liban, où le Hezbollah est soupçonné d’avoir stocké des armes ou des roquettes. Un émetteur de la télévision du Hezbollah a aussi été visé. L’aviation a, d’autre part, pilonné, jeudi matin, l’aéroport international de Beyrouth car, selon un porte-parole de Tsahal, «il servait au transfert d’armes et de matériel militaire au profit du Hezbollah». Le trafic a été interrompu et certains avions ont dû être détournés. Le bilan humain de ces raids est déjà lourd. Une quarantaine de civils auraient été tués, parmi lesquels 15 enfants. Et il pourrait rapidement s’aggraver car l’armée israélienne a prévenu de son intention de bombarder un quartier de la banlieue sud de Beyrouth où résident des responsables du Hezbollah, parmi lesquels son chef, Sayyed Hassan Nasrallah. L’armée israélienne a d’ailleurs transmis jeudi matin un avertissement au Liban pour que les populations civiles soient évacuées de cette zone.
«Les règles du jeu ont changé»
En parallèle, la marine israélienne est entrée dans les eaux territoriales libanaises. Son objectif est de bloquer l’accès aux principaux ports du pays comme Saïda, Tyr, Beyrouth et Tripoli. Car l’offensive militaire israélienne vise non seulement à frapper le Hezbollah mais aussi à imposer un blocus général du Liban. Selon Haïm Ramon, le ministre de la Justice israélien : «Le gouvernement libanais qui a permis au Hezbollah libanais de commettre un acte de guerre contre Israël en paiera le prix fort, les règles du jeu ont changé». C’est, en effet, la première fois depuis le retrait de ses troupes du Liban en 2000 qu’Israël intervient chez son voisin.
Le Liban est accusé par l’Etat hébreu d’avoir permis au Hezbollah de s’installer au sud du pays et de ne rien avoir fait pour éliminer la menace qu’il représente pour lui, malgré la résolution 1559 du Conseil de sécurité des Nations unies qui exige le désarmement de la milice armée du groupe déployée dans la zone frontalière avec Israël. Malgré les dissensions au sein de l’exécutif libanais concernant la politique à l’égard du Hezbollah, le Premier ministre Fouad Siniora a déclaré que son gouvernement n’avait pas été informé de l’opération contre l’armée israélienne et ne l’approuvait pas. Le ministre de l’Information, Ghazi al-Aridi, a d’autre part demandé jeudi un «cessez-le-feu global immédiat» entre Israël et les combattants du Hezbollah.
Il est vrai que la situation est particulièrement inquiétante. Face à l’intervention militaire israélienne contre le Liban, le Hezbollah a rétorqué en bombardant l’Etat hébreu avec des roquettes Katioucha. Au moins deux civils israéliens ont déjà été victimes de ces tirs. Le Hezbollah a aussi prévenu qu’il riposterait à une attaque sur Beyrouth ou sa banlieue en envoyant des roquettes sur la ville d’Haïfa. Aucun des deux adversaires ne semblent donc décidés à faire des concessions et on pourrait rapidement assister à une escalade incontrôlable de la violence.
La crainte d’une «guerre régionale»
La communauté internationale ne s’y est pas trompée. Des signes d’inquiétude sont arrivés de nombreuses capitales et les appels au calme se sont succédé. Londres a demandé à Israël de réagir par «des actions proportionnées». Le président français Jacques Chirac a souligné «l’urgence de l’arrêt des violences et de la libération des soldats enlevés». Le président russe Vladimir Poutine a condamné «l’attaque» d’Israël au Liban mais aussi «l’enlèvement de soldats». Son homologue américain George W. Bush a affirmé qu’Israël avait «le droit de se défendre» mais que ses actions ne devaient pas «affaiblir le gouvernement au Liban».
L’Union européenne a fait part de sa préoccupation face «au recours disproportionné d’Israël à la force au Liban en réponse aux attaques du Hezbollah» et a annoncé que son Haut représentant pour la politique extérieure, Javier Solana, s’apprêtait à partir au Moyen-Orient. Le chef de la diplomatie italienne Massimo d’Alema a déclaré que le G8, qui doit se dérouler en fin de semaine en Russie, préparait une initiative pour «arrêter la spirale de la violence». Les ministres des Affaires étrangères de la Ligue arabe ont, quant à eux, décidé de se réunir d’urgence samedi au Caire pour examiner la situation au Proche-Orient. Et le secrétaire général des Nations unies, Kofi Annan, a annoncé qu’il envoyait trois émissaires dans la région pour tenter de ramener le calme. Comme le président palestinien Mahmoud Abbas, chacun craint aujourd’hui le déclenchement «d’une guerre régionale».
par Valérie Gas
Article publié le 13/07/2006Dernière mise à jour le 13/07/2006 à TU