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Proche-Orient

L’escalade

Un blindé israélien se prépare à pilonner la bande de Gaza depuis le kibboutz de Nahal Oz. 

		(Photo: AFP)
Un blindé israélien se prépare à pilonner la bande de Gaza depuis le kibboutz de Nahal Oz.
(Photo: AFP)
La tension est à son comble dans les territoires palestiniens. Les militaires israéliens pourraient intensifier leur offensive dans la bande de Gaza où ils ont pénétré il y a près de 48 heures, à la recherche d’un soldat enlevé dimanche. En Cisjordanie, des personnalités du Hamas ont été arrêtées. La communauté internationale manifeste son inquiétude.

Les Comités de la résistance populaire, un groupe armé palestinien, menacent de tuer le soldat israélien qui a été enlevé dimanche si l’offensive israélienne se poursuit dans la bande de Gaza. « Olmert (le Premier ministre israélien) et Amir Peretz (le ministre de la Défense) seront entièrement responsables de la vie du soldat enlevé si l’agression se poursuit », a déclaré le porte-parole de ce groupe, Abou Abir. Il a par ailleurs menacé Israël d’enlever d’autres soldats et indiqué que son gouvernement en porterait « la responsabilité ».

« Nous avons créé une unité spéciale formée de membres de toutes les branches militaires des mouvements, en particulier les Brigades des Martyrs d’al-Aqsa (liées au Fatah de Mahmoud Abbas), les Brigades Ezzedine al-Qassam (Hamas), les Brigades al-Qods et Nasser Salah el-Din (liées au Jihad islamique et aux Comités de la résistance populaire). Cette unité conduira des opérations d’enlèvements de soldats israéliens si Israël fait des incursions », a encore expliqué Abou Abir.

L’armée israélienne a lancé une offensive mercredi à l’aube dans la bande de Gaza, pour tenter de retrouver le jeune soldat enlevé dimanche par des Palestiniens lors d’une attaque contre un poste militaire. Une trentaine de chars israéliens sont entrés dans la bande Gaza qui avait été évacuée par l’armée en septembre 2005.

Des arrestations en Cisjordanie

La nuit suivant l’entrée de ces chars dans la bande de Gaza, la réplique israélienne a pris une autre tournure. En Cisjordanie, plusieurs membres du gouvernement palestinien appartenant au Hamas ont été arrêtés. Il s’agit notamment du ministre des Finances Omar Abdel-Razek. Huit autres ministres et une vingtaine de députés appartenant au parti islamiste ont également été arrêtés. Selon des sources proches des services de sécurité israéliens, ce coup de filet concerne en tout 64 responsables du Hamas.

« Ils ne seront pas utilisés comme monnaie d’échange. Ce sont des gens qui sont connus pour terrorisme, avec des accusations et des inculpations à leur encontre », a déclaré un porte-parole de l’armée israélienne. « Nous avons l’intention de poursuivre des actions contre des ministres et des députés du Hamas qui seront traduits devant les tribunaux », a indiqué le ministère des Affaires étrangères. Le président palestinien Mahmoud Abbas a condamné ces arrestations et appelé la communauté internationale à intervenir d’urgence.

Ces dernières semaines, la tension avait déjà grandi entre les deux camps en raison d’attaques palestiniennes et de ripostes israéliennes. Plusieurs ministres israéliens avaient alors laissé entendre que des personnalités palestiniennes, y compris le Premier ministre Ismaïl Haniyeh, pourraient être la cible d’assassinats en raison de leur appartenance à un parti, le Hamas, considéré comme « terroriste ». La menace a été renouvelée depuis l’enlèvement du jeune soldat.

Un pessimisme général

Saëb Erakat, négociateur palestinien, a pour sa part évoqué le danger d’un « effondrement total » de la situation dans les territoires palestiniens. Du côté du ministère israélien des Affaires étrangères, on se montre également très pessimiste. « Le risque de chaos existe. Nous ne savons pas comment la situation va évoluer », a déclaré un responsable. « Mais nous n’avons pas le choix. Avec cet enlèvement, le Hamas a dépassé les bornes. Nous devons mener cette offensive à son terme et retrouver notre soldat coûte que coûte », a-t-il encore indiqué.

Face à cette escalade, les réactions internationales appellent au calme. La Russie notamment, à travers une déclaration de son porte-parole du ministère des Affaires étrangères, demande la libération immédiate du soldat israélien : « La direction palestinienne, tous les mouvements et organisations palestiniens, doivent tout faire pour faire cesser les activités terroristes et les bombardements des villes israéliennes. Mais l’essentiel, aujourd’hui, est de libérer sans tarder le soldat israélien », indique-t-on à Moscou. Dans le même temps, un communiqué publié sur le site internet du ministère des Affaires étrangères estime que les deux camps doivent chercher à négocier afin d’éviter une crise générale au Proche-Orient. Le ministère estime qu’Israël doit éviter de faire des victimes civiles. La Russie, on le sait par ailleurs, vient de perdre quatre diplomates exécutés en Irak.

Les pays membres du G8 sont actuellement réunis à Moscou. Russie, Etats-Unis, Royaume-Uni, France, Allemagne, Japon, Canada et Italie ont appelé Israéliens et Palestiniens à « prendre toutes les mesures pour ramener le calme » dans la région. Ils ont plus spécifiquement exhorté Israël à « observer la plus grande retenue » dans la crise actuelle.  

L’Union européenne dans son ensemble, qui a coupé les vivres aux Territoires palestiniens depuis l’arrivée du Hamas au pouvoir, se déclare « profondément préoccupée par la détérioration de la sécurité ». L’UE a l’intention d’envoyer dans la région son représentant spécial pour la paix au Proche-Orient.

La déléguée générale palestinienne auprès de l’Union, Leïla Chahid, a accusé Israël de recourir au « terrorisme d’Etat » et de « chercher l’escalade militaire » en lançant cette offensive dans les territoires palestiniens. « La direction politique israélienne se met au même niveau que ceux qui ont pris l’otage : ça veut dire que c’est digne de contrebandiers, de brigands », a déclaré la responsable palestinienne, accusant le gouvernement israélien de mettre de l’huile sur le feu.

Le pape Benoît XVI a pour sa part appelé à la libération du caporal israélien Gilad Shalit. « Je prie pour que chaque personne kidnappée puisse retrouver rapidement les siens », a déclaré le souverain pontife, s’adressant à des pélerins venus le voir sur la place Saint-Pierre de Rome. Le pape a également dit suivre avec appréhension les derniers développements intervenus ce jeudi.

Rôle de l’Egypte et réactions

L’Egypte a également fait part de son inquiétude alors que lundi, Israéliens et Palestiniens avaient indiqué qu’elle était très impliquée dans la résolution de la crise née de l’enlèvement du soldat israélien. Sur le terrain, l’Egypte a maintenu un dispositif de sécurité renforcé le long de sa frontière avec la bande de Gaza. Le président de la commission parlementaire des Affaires étrangères a réagi à la montée des tensions. Mostapha al-Fiki, également membre éminent du Parti national démocratique (PND) au pouvoir, a déclaré qu’«il ne faut pas qu’Israël pense que la paix conclue avec un pays arabe est sûre alors qu’il continue à commettre des crimes et des agressions ».

De son côté Moufid Shehab, secrétaire d’Etat aux affaires parlementaires, a affirmé lors d’un débat à l’Assemblée que « la menace, pour l’Egypte, vient toujours de l’Est ». «La sécurité de l’Egypte est liée à celle de la Palestine », a encore déclaré ce leader politique. L’Egypte et la Jordanie sont les deux seuls pays de la région à avoir signé des accords de paix avec Israël. Enfin le guide spirituel des Frères musulmans, Mohammad Mehdi Akef, a fustigé le mutisme des pays arabes et accusé les Etats-Unis et Israël de complicité.

La tension monte également à la frontière entre l’Egypte et la bande de Gaza. Voulant se donner une porte de sortie en cas d’attaque israélienne, des commandos palestiniens ont ouvert, à l’explosif, une brèche dans la muraille en béton qui sépare les deux pays. Des gardes ont empêché le passage de civils. « Les temps sont durs. Les gens veulent aller en Egypte pour souffler un peu, acheter des produits », a commenté un témoin.

Un missile israélien a détruit mardi soir la centrale électrique qui fournissait la moitié des besoins en électricité de Rafah. Il y a donc des coupures d’électricité et l’eau est rationnée car elle est pour une bonne part pompée avant d’être distribuée. Tous les points de passage de la bande de Gaza sont fermés. Les stations-service ne sont donc plus ravitaillées en essence.         

Israël a lâché des tracts dans le nord de la bande de Gaza, invitant les habitants à se tenir à l’écart des zones que les militaires pourraient prendre pour cible. Dans la ville de Gaza, un missile a été tiré contre un véhicule palestinien. Des activistes de la branche armée du Jihad islamique en sont sortis avant qu’il n’explose.

par Colette  Thomas

Article publié le 29/06/2006Dernière mise à jour le 29/06/2006 à TU

Audio

Dominique Roch

Journaliste à RFI, depuis Gaza

«On a un gouvernement palestinien totalement paralysé puisque le tiers des ministres et députés ont été arrétés en Cisjordanie et le reste du gouvernement est entré en clandestinité.»

[29/06/2006]

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