Proche-Orient
Gaza : la parole aux armes
(Photo : AFP)
Neuf Palestiniens, dont deux enfants, ont été tués dans un raid de l’armée israélienne contre une voiture qui circulait sur le principal axe routier reliant le nord au sud de la bande de Gaza. Le raid a eu lieu près de Jabalia. Une vingtaine d’autres personnes ont été blessées. Deux activistes appartenant à la branche militaire du Jihad Islamique ont trouvé la mort dans cette opération, un troisième a été blessé, selon un porte-parole du mouvement radical.
L’armée israélienne a confirmé ce raid en indiquant qu’un appareil israélien l’avait mené contre une voiture qui transportait des activistes «qui s’apprêtaient à tirer des roquettes » sur le territoire israélien. Peu après cette opération aérienne, une seconde a été menée contre une autre voiture qui circulait dans le nord de la bande de Gaza. Quatre personnes ont été blessées mais l’armée israélienne n’a pas confirmé cette attaque.
Peu de temps après le premier raid, le président palestinien a accusé Israël de se livrer à du « terrorisme d’Etat » contre les Palestiniens. « Ce terrorisme d’Etat ne nous ébranlera pas. Israël poursuit son escalade chaque jour. Chaque jour nous déplorons des martyrs et des blessés et ce sont tous des gens innocents. Cette escalade montre que les Israéliens persistent dans leur égarement et veulent se débarrasser de notre peuple », a déclaré Mahmoud Abbas, depuis son bureau de Gaza.
Cette recrudescence des incidents entre Israël et les Palestiniens intervient alors que la violence inter palestinienne connaît un regain d’activité. Cette escalade a conduit Mahmoud Abbas à placer les forces de sécurité « en état d’alerte maximale ». Le chef de l’Autorité palestinienne leur a donné l’ordre d’empêcher les groupes armés de patrouiller dans les rues. Les combattants paramilitaires du Hamas sont plus particulièrement visés.
Pendant les dernières vingt-quatre heures, les partisans du Hamas, au pouvoir depuis les dernières élections, et ceux du Fatah, l’organisation politique de Mahmoud Abbas, se sont mutuellement attaqués puis ont mené des opérations de représailles. Chacun des deux camps a voulu marquer son territoire, le Hamas, dans son bastion de Gaza, le Fatah, en Cisjordanie. Le siège de la sécurité préventive palestinienne, à Rafah, qui relève de Mahmoud Abbas, a été attaqué par les activistes du Hamas. En représailles, des hommes armés du Fatah et des Brigades des martyrs d’al-Aqsa ont incendié le siège du Conseil législatif palestinien à Ramallah et la représentation locale du Premier ministre palestinien Ismaïl Haniyeh. Deux membres du parti islamiste, dont le député Khalil al-Rabaï, ont même été brièvement enlevés par des activistes du Fatah avant d’être remis en liberté.
Avant le référendum, les factions se mesurent
Ce regain de tension a été provoqué par la décision de Mahmoud Abbas d’organiser un référendum pour consulter la population palestinienne. Le président palestinien veut mettre fin à la crise politique depuis que le parti islamiste, le Hamas, a gagné les élections de janvier. Le chef de l’Autorité palestinienne, issu du Fatah, doit gouverner avec eux mais le Hamas refuse de changer ses positions radicales sur Israël. Et le parti islamiste ne veut pas de cette consultation du 26 juillet qui pourrait lui faire perdre un pouvoir acquis il y a quelques mois seulement.
Mahmoud Abbas a indiqué qu’il était prêt à renoncer au référendum si le Hamas accepte de modérer ses positions d’ici la date de la consultation populaire. Le chef de l’Autorité palestinienne devait rencontrer dans la soirée son Premier ministre Ismaël Haniyeh et des responsables des différents groupes palestiniens pour tenter de ramener le calme.
Côté israélien, une commission d’enquête militaire est sur le point de rendre ses conclusions concernant l’explosion d’un obus, vendredi, sur une plage de Gaza, explosion qui a provoqué la mort de 8 Palestiniens. La responsabilité de l’armée israélienne serait écartée. Selon les médias israéliens, ces civils auraient été tués par une mine ou une bombe cachée sur la plage, par le Hamas, pour gêner un éventuel débarquement de la marine israélienne.
Mises en garde
Après cette poussée de violence, le ministre palestinien des Affaire étrangères Mahmoud Zahar, actuellement en Syrie, a mis en garde contre « un plan visant à provoquer des dissensions » entre Palestiniens. Mahmoud Zahar, membre du Hamas, s’est également dit « surpris » par la décision du chef de l’Autorité palestinienne d’interdire le déploiement des milices islamistes à la suite des accrochages meurtriers entre combattants du Hamas et du Fatah. A Rafah, ces affrontements ont provoqué la mort d’un activiste du Hamas et d’un civil.
Amir Peretz, le ministre israélien de la Défense, a renouvelé ses menaces implicites contre les responsables du Hamas dont la branche armée a récemment revendiqué des tirs de roquettes contre
Israël. « Nous avons fait preuve jusqu’ici de retenue mais c’est terminé, nous riposterons avec force et par tous les moyens contre les organisations qui agissent contre nous », a déclaré le leader travailliste. Depuis vendredi, une centaine de roquettes ont été tirées sur Israël depuis le nord de la bande de Gaza.
Cette guérilla inter palestinienne intervient alors qu’Ehud Olmert, le Premier ministre israélien, est en voyage officiel en Europe (Royaume-Uni et France) pour présenter ses projets concernant la paix. Le président palestinien, lui aussi, a les siens. Sa nouvelle base de négociation devrait être le texte élaboré par des prisonniers palestiniens en Israël. Mahmoud Abbas compte soumettre ce document au peuple palestinien à l’occasion du référendum de fin juillet. Mais le quotidien américain New York Times affirme que le principal négociateur de ce document pour le Hamas, Abdel Khaleq Natche, a retiré, dimanche dernier, son soutien à ce texte. Emprisonné en Israël, ce haut dirigeant du parti islamiste accuse Mahmoud Abbas d’utiliser pour son propre compte politique ce projet. Dans le journal français, Le Figaro, le Premier ministre israélien déclarait pour sa part, avant son arrivée à Paris : «Je suis prêt à aider Mahmoud Abbas parce que je veux qu’il soit la force dominante au sein de l’Autorité palestinienne ».
par Colette Thomas
Article publié le 13/06/2006Dernière mise à jour le 13/06/2006 à TU