Proche-Orient
Israël : opération séduction en Europe
Depuis qu’il a été nommé à la tête du gouvernement israélien, Ehud Olmert s’est déjà rendu aux Etats-Unis, en Egypte et en Jordanie afin d’expliquer sa politique à l’égard des Palestiniens. Cette fois, le voyage officiel du Premier ministre israélien le conduit à Paris, capitale réputée pro arabe. Mais le chef du gouvernement israélien a d’abord fait escale à Londres. Il voulait convaincre le Premier ministre Tony Blair de la justesse de ses choix.
Ehud Olmert veut négocier la paix avec le chef de l’Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas. Les deux hommes devraient d’ailleurs se rencontrer prochainement. Mais Ehud Olmert sait que le président palestinien est dans une position difficile. Il n’arrive pas à gouverner avec le Hamas, qui refuse d’adopter le plan préparé par des personnalités palestiniennes emprisonnées en Israël, plan sous-entendant la reconnaissance implicite d’Israël. Mahmoud Abbas a donc mis le Premier ministre palestinien Ismaël Haniyeh au défi. Et le président palestinien, malgré le désaccord de son Premier ministre, a décidé d’organiser un référendum en juillet. Le but de la consultation sera de départager les deux leaders, de savoir lequel soutient la population et donc vers quelle politique elle souhaite s’engager : la radicalisation avec le Hamas ou le dialogue avec Israël par le biais du Fatah.
L’enjeu du référendum pour Israël
Si le chef de l’Autorité palestinienne perd la consultation, le Hamas pourrait durcir ses positions et accepter, moins que jamais, de reconnaître Israël. Alors Ehud Olmert aura de bonnes raisons de mettre sa politique en œuvre : Israël déciderait seul de ses nouvelles frontières et donc des territoires laissés aux Palestiniens. Le versant radical de ce plan prévoit le démantèlement des petites colonies en Cisjordanie et le « regroupement » de ces habitants dans les grands blocs de colonies, qui seraient annexés, ainsi que dans la vallée du Jourdain. Ce projet est connu des Européens et suscite leurs réserves. Ils souhaitent qu’Ehud Olmert donne du temps à Mahmoud Abbas pour qu’il soit en position de négocier avec Israël.
Le Premier ministre Ehud Olmert ne devrait pas avoir de difficultés à faire accepter sa stratégie par Tony Blair dont les positions politiques sont proches de Washington. Sur son site Internet, l’association Protection du peuple palestinien lui en fait d’ailleurs le reproche. « Les déclarations personnelles de Blair condamnent rarement franchement Israël, il préfère dire que les deux côtés sont responsables de la violence. Ceci ne tient pas compte du fait que l’un des deux occupe illégalement le territoire de l’autre », écrivait Mark Curtis, spécialiste des politiques américaine et britannique, sur ce site, début avril.
A Paris, on se souvient des déclarations hostiles d’Ariel Sharon, lorsqu’il avait encouragé, en juillet 2004, les juifs de France, victimes d’un « antisémitisme des plus sauvages », à fuir « en urgence » leur pays et à émigrer en Israël. Cependant la France ainsi que la Grande-Bretagne ont joué un rôle crucial dans les négociations sur la « feuille de route » internationale qui a failli ramener la paix au Proche-Orient. Ehud Olmert voudrait donc l’aide de ces pays, qui, en plus, avec quatre autres « Grands », ont réussi à ouvrir le dialogue avec Téhéran sur son programme nucléaire. L’avancée a rassuré Israël alors que l’Iran cherche à devenir le leader de la région.
L’ébauche de réussite avec l’Iran
Il y a cette efficacité diplomatique sur l’Iran. Dans le même temps, les Etats-Unis et l’Union européenne ont adopté la même position face à l’arrivée du Hamas à la tête du gouvernement palestinien : une suspension des aides financières tant que le parti islamiste n’adoucit pas son idéologie et continue de réclamer la destruction d’Israël. Cependant, si le Premier ministre israélien justifie à Londres et à Paris son « plan de convergence » par l’arrivée au pouvoir du Hamas dans les Territoires palestiniens, les Européens craignent que la stratégie unilatérale israélienne empêche de parvenir à la création d’un Etat palestinien. En visite à Jérusalem le 17 mai dernier, le ministre français des Affaires étrangères, Philippe Douste-Blazy, avait d’ailleurs indiqué : « il est exclu qu’une frontière définie unilatéralement puisse faire l’objet d’une reconnaissance internationale ».
Malgré le maintien de cette position de principe en faveur des Palestiniens, de leur droit à un Etat, le gouvernement français a évolué depuis le passage de Dominique de Villepin à la tête du ministère des Affaires étrangères, au printemps 2002. En quatre ans, les liens culturels et économiques ont été resserrés avec Tel-Aviv. Une coopération militaire est envisagée. Ce virage est motivé par une volonté de rapprochement avec les Américains dans le cadre de la lutte contre le terrorisme et par l’enlisement de la situation dans les Territoires palestiniens.
Sur le terrain, la tension
Ces rencontres diplomatiques interviennent au moment où la tension monte sur le terrain. Vendredi, 8 civils palestiniens ont été tués sur une plage à Gaza, dans une attaque aérienne. L’explosion est imputée aux militaires israéliens. La mort de ces 8 personnes a mis Tel-Aviv dans l’embarras. Le Hamas a menacé de rompre la trêve respectée depuis un an et demi. Dimanche, Ehud Omert a regretté la mort de « civils innocents ». Entre-temps, la branche armée du Hamas a tiré à plusieurs reprises des roquettes sur Israël. Lundi, un dirigeant de premier plan de Kadima, le parti du Premier ministre, a menacé d’assassiner Ismaël Haniyeh en cas de reprise des attentats suicide en Israël. Dans l’entourage d’Ehud Olmert, on laisse entendre que la menace de Tzachi Hanegbi, président de la commission des Affaires étrangères et de la Défense à la Knesset, n’engage que lui. Il ne fait pas partie du premier cercle autour d’Ehud Olmert. Dimanche pourtant, le ministre travailliste de la Défense, Amir Peretz, avait lui aussi lancé une mise en garde au Hamas.
De Londres, où il a donné une interview à la télévision, le Premier ministre israélien a lancé un appel à Mahmoud Abbas pour qu’il désarme les « organisations terroristes ». « Une chose doit être claire : nous ne serons pas pour toujours dans le statu quo. Nous voulons avancer, nous voulons changer, nous voulons créer de meilleures conditions pour la paix au Proche-Orient », a encore déclaré Ehud Olmert, tout en refusant de dire si les dirigeants du Hamas pourraient subir la politique d’attentats ciblés. Au cours d’une conférence de presse avec Tony Blair, Ehud Olmert a affirmé que les Palestiniens manqueraient « une très bonne chance » s’ils renonçaient à négocier la question des frontières avec Israël.
par Colette Thomas
Article publié le 12/06/2006Dernière mise à jour le 12/06/2006 à TU