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Proche-Orient

Riposte graduée ou représailles massives ?

Ehud Olmert. Le Premier ministre israélien a clairement voulu manifester la puissance d’Israël et sa détermination à ne pas se laisser intimider ou menacer. 

		(Photo: AFP)
Ehud Olmert. Le Premier ministre israélien a clairement voulu manifester la puissance d’Israël et sa détermination à ne pas se laisser intimider ou menacer.
(Photo: AFP)
Après avoir lancé une offensive militaire terrestre de grande ampleur dans la bande de Gaza, Israël a procédé à l’arrestation de 64 responsables du Hamas, parmi lesquels des ministres et des maires. Ces opérations ont été décidées à la suite de l’enlèvement d’un soldat israélien, Gilad Shalit, par un groupe armé palestinien et de la mort d'un colon. La récupération de l’otage israélien n’est certainement pas la seule motivation d’une riposte d’une telle ampleur. Les enjeux sont aussi d’ordre politique et militaire. Il s’agit certainement à la fois d’étouffer dans l’œuf une éventuelle vague de kidnappings, de porter un coup au Hamas en justifiant de son implication dans la situation actuelle, mais aussi de montrer aux Israéliens que leur nouveau gouvernement est capable de les protéger. Quelle que soit l’efficacité de cette stratégie, elle est sans aucun doute risquée.

Tous les clignotants sont au rouge. Depuis l’enlèvement de Gilad Shalit, la tension entre Israéliens et Palestiniens est à son comble. Du point de vue de l’Etat hébreu, ce kidnapping représente quelque chose de totalement inacceptable. Le ministre de la Défense, Amir Peretz, l’a clairement dit : «L’agression criminelle et l’enlèvement du soldat Gilad Shalit a marqué le passage de la ligne rouge». La mort d'un colon, lui aussi kidnappé, a aggravé le problème. Ces événements ont donc placé Ehud Olmert, le chef du gouvernement israélien, dans une situation dont la seule issue était une opération en force destinée à manifester la puissance d’Israël et sa détermination à ne pas se laisser intimider ou menacer. Mais au-delà de l’intervention militaire dans la bande de Gaza, l’Etat hébreu a jugé nécessaire d’aller plus loin en interceptant plusieurs dizaines de responsables du parti qui dirige le gouvernement palestinien : le Hamas.

Cette manœuvre envoie plusieurs messages. Elle montre la capacité des Israéliens à intervenir comme ils le souhaitent dans les territoires pour y «enlever», eux aussi, qui bon leur semble. Une sorte de réponse du berger à la bergère et des militaires israéliens aux commandos palestiniens qui ont réussi à kidnapper l’un des leurs. Elle représente aussi un avertissement au Hamas, qualifié d’organisation «terroriste», sur les limites à ne pas franchir. Car c’est bien à lui que le gouvernement israélien attribue la responsabilité de l’enlèvement de Gilad Shalit et, plus généralement, de la dégradation de la situation actuelle dans la région. Binyamin Ben Eliezer, le ministre des Infrastructures, a fait preuve d’une très grande clarté sur l’état d’esprit du gouvernement israélien face au Hamas : «Ce n’est pas un gouvernement, c’est une organisation d’assassins».

Frapper sans distinction

Il s’agit donc pour l’Etat hébreu de signifier que, de son point de vue, tous les responsables du Hamas, au pouvoir actuellement, sont susceptibles de payer le prix pour des agressions contre des Israéliens et que le gouvernement de l’Etat hébreu n’hésitera pas à les frapper sans distinction. L’envoi d’avions de combat dans l’espace aérien syrien, plus précisément au-dessus d’un palais du président Bachar el-Assad, montre qu’il y a néanmoins un ordre de priorité dans les actions de représailles. Autrement dit que l’élimination de Khaled Mechaal, le chef du bureau politique du Hamas réfugié à Damas, qu’Israël accuse d’être responsable de l’enlèvement de Gilad Shalit, est en tête de liste. Et que son exil syrien ne le met pas à l’abri du courroux de l’Etat hébreu.

L’intervention militaire en cours à Gaza et l’arrestation de responsables du Hamas ne représentent peut-être qu’un début. Israël faisant planer la menace de procéder aussi à des assassinats ciblés. Et cela ne concerne pas que Khaled Mechaal. Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre du gouvernement Hamas, pourrait lui aussi être visé. Binyamin Ben Eliezer estime que «tous ceux qui sont impliqués dans le terrorisme ne peuvent jouir d’aucune immunité».

Du coup l’accord trouvé entre les factions palestiniennes, Hamas et Fatah, qui reconnaissait de manière implicite Israël, en avalisant «la création d’un Etat indépendant sur les territoires occupés en 1967», passe à la trappe pour le moment. Il était pourtant attendu et considéré comme un pas dans le sens de la nécessaire accalmie des rivalités entre Palestiniens. Ce qui aurait pu participer à une reprise du dialogue avec la communauté internationale et Israël. Dans le contexte des derniers jours, l’impact de ce document «d’entente nationale» a été réduit à néant. Le ministère israélien des Affaires étrangères a même affirmé qu’il le rejetait purement et simplement. L’heure n’est plus, pour les Israéliens, à la recherche de passerelles vers la décrispation. La réunion préparatoire en vue d’un sommet entre Ehud Olmert et Mahmoud Abbas a d’ailleurs, elle aussi, disparu du calendrier à cause des événements en cours.

Le risque d’«effondrement total»

Si elle peut vraisemblablement lui apporter le soutien des Israéliens qui redoutent le terrorisme, la stratégie de riposte très ferme du gouvernement Olmert comporte des risques. Après l’asphyxie économique provoquée par l’embargo mis en place à l’arrivée du Hamas au pouvoir, l’offensive militaire dans la bande de Gaza aggrave encore plus les conditions de vie des populations palestiniennes. L’armée israélienne a détruit des infrastructures de base. Les habitants, déjà exsangues, souffrent depuis deux jours de sévères pénuries d’électricité et d’eau. Cette situation ne peut que participer à accentuer l’exaspération des Palestiniens et à provoquer une radicalisation anti-israélienne, voire à offrir un soutien populaire aux actions des groupes d’activistes. L’un des principaux négociateurs palestiniens, Saëb Erakat, a estimé que cela pouvait même conduire à «un effondrement total» de la situation dans les territoires. Ce qui ne profiterait à personne.



par Valérie  Gas

Article publié le 29/06/2006Dernière mise à jour le 29/06/2006 à TU