Rechercher

/ languages

Choisir langue
 

Proche-Orient

Le Premier ministre palestinien Ismaïl Haniyeh s’exprime

Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre palestinien.(Photo: AFP)
Ismaïl Haniyeh, le Premier ministre palestinien.
(Photo: AFP)
Suite à la victoire du mouvement islamiste Hamas aux législatives palestiniennes de janvier, Ismaïl Haniyeh a été désigné par le président de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, le 21 février, pour former le prochain gouvernement palestinien. Celui-ci devrait être investi dans les prochains jours.

De notre envoyée spéciale à Gaza

Le Président Mahmoud Abbas vient de vous écrire pour vous demander de reconnaître l’OLP comme représentant légitime du peuple palestinien et la Loi Fondamentale, la déclaration d’indépendance de 1988. Il vous demande également de refuser le plan unilatéral d’Ehud Olmert…Qu’allez-vous lui répondre ?

Ismaïl Haniyeh : Nous avons toujours dit que les divergences politiques qui existent entre notre mouvement et l’OLP et entre notre mouvement et la présidence doivent être résolues par le dialogue et l’entente dans l’intérêt du peuple palestinien. L’important pour nous, en ce moment, ce sont les mesures pratiques à prendre pour l’investiture du gouvernement. Aussi, nous sommes d’accord avec le président Abu Mazen de tenir lundi une session spéciale du Conseil législatif palestinien pour l’investiture du gouvernement et de tenir une autre session spéciale, mercredi ou jeudi, pour prêter serment devant le président.

Le Président Abou Mazen vous demande de reconnaître l’OLP. Etes-vous prêt à le faire et êtes-vous prêt à y adhérer ?

Ismaïl Haniyeh : Nous n’avons aucun problème à reconnaître l’OLP et nous l’avons fait savoir depuis plusieurs années. Nous avons demandé à faire partie de l’OLP lorsque nous avons rencontré toutes les factions palestiniennes de l’OLP au Caire (en mars 2005, ndlr), mais les obstacles à notre adhésion ne sont pas notre fait. Nous voyons dans l’OLP un acquis national pour le peuple palestinien et nous sommes attachés à cet acquis. Nous demandons qu’il y ait des réformes au sein des institutions de l’OLP pour que l’organisation soit la représentante de l’ensemble des forces nationales et islamiques de notre peuple, à l’intérieur des territoires comme à l’extérieur.

Le président Mahmoud Abbas et la communauté internationale vous demandent de reconnaître l’Etat d’Israël, les accords signés avec Israël par l’Autorité Palestinienne et de dénoncer la violence. Etes-vous prêt à faire ces concessions ?

Ismaïl Haniyeh : Dans le programme politique que nous avons présenté aux différents partis politiques lors des concertations pour constituer le gouvernement, nous avons précisé que nous traiterions ces accords avec réalisme sur la base des intérêts du peuple palestinien, avec le souci de protéger ses droits. Ce qui nous importe en tant que mouvement, en tant que gouvernement et en tant que peuple, c’est la fin de l’occupation israélienne, la fin de la colonisation. Pour que notre peuple puisse vivre libre comme tous les autres peuples du monde. La question n’est pas de faire des concessions. Le peuple palestinien a déjà fait beaucoup de concessions. On peut même parler de concessions douloureuses. La balle est maintenant dans le camp israélien. Israël va-t-il reconnaître les droits du peuple palestinien ? Va-t-il reconnaître un Etat palestinien avec des frontières clairement définies ? Israël va-t-il honorer ses engagements comme l’a déjà fait l’Autorité palestinienne ? La question est à poser à Israël, pas à nous.

Dans la mesure où vous proposez une trêve de longue durée en échange d’un retrait d’Israël dans les frontières de 1967, cela veut-il dire que vous reconnaissez l’Etat d’Israël dans ses frontières ?

Ismaïl Haniyeh : Encore une fois, ce qui nous importe c’est la fin de l’occupation, la fin de la colonisation, la libération des détenus politiques et la question du droit au retour des réfugiés palestiniens. Si ces conditions sont réunies, nous sommes prêts à respecter une trêve de longue durée, afin que les générations futures puissent vivre sans violence, sans affrontements et sans bains de sang.

Pourquoi une trêve et non pas une reconnaissance et un accord de paix ?

Ismaïl Haniyeh : Lorsque nous offrons à Israël une trêve cela signifie un accord de paix. On peut la considérer comme un accord de paix temporaire et transitoire.

Croyez-vous vraiment que les pays arabes et l’Iran pourraient remplacer l’aide de l’Union européenne et des Etats-Unis ?

Ismaïl Haniyeh : En fait, l’Union Européenne a des intérêts stratégiques dans cette région. De notre point de vue, la protection de ses intérêts exige de traiter positivement avec les choix démocratiques du peuple palestinien. Cela veut dire que l’aide européenne au peuple palestinien doit se poursuivre afin de protéger les intérêts européens dans la région. D’un autre côté, le peuple palestinien est sous occupation et il y a là une responsabilité internationale qui doit être assumée envers le peuple palestinien. Enfin, la stabilité dans la région doit signifier que le peuple palestinien ne doit, en aucun cas, se sentir assiégé et puni politiquement et économiquement, pour avoir exercé ses droits politiques (sous-entendu, pour avoir élu le Hamas, ndlr). Compte tenu de ces trois éléments, nous pensons que l’Union Européenne doit continuer à aider le peuple palestinien. Par ailleurs, nous appartenons au monde arabe et islamique et il est légitime que nous utilisions tous les canaux et tous les réseaux arabes et islamiques pour apaiser la souffrance de notre peuple et pour assurer l’aide financière nécessaire.

Quelle importance accordez-vous aux élections législatives israéliennes de mardi et quel parti préférez vous ?

Ismaïl Haniyeh : Ce qui importe pour nous, c’est notre peuple et notre cause. Par ailleurs, il faut noter que les programmes des partis politiques israéliens sont très proches en ce qui concerne la négation des droits du peuple palestinien. Ils disent non au retrait dans les frontières de 1967. Non à la restitution de Jérusalem-Est aux Palestiniens et non au droit au retour des réfugiés palestiniens. En revanche, ils disent oui à l’annexion des grandes colonies de Cisjordanie et oui au maintien du mur de séparation. Tous ces programmes politiques concrétisent l’occupation israélienne et bafouent les droits du peuple palestinien.

A partir de là, peu importe qui emportera les élections. Ce qui compte pour nous, ce sont les droits du peuple palestinien. C’est la reconnaissance de ces droits qui pourra apporter la stabilité dans la région.

Etes-vous prêt à réviser votre charte qui appelle à la destruction de l’Etat d’Israël comme l’a fait l’OLP ?

Ismaïl Haniyeh : En fait, la charte traite de l’occupation israélienne. Nous disons que la fin de cette occupation réunira les conditions pour le calme et la stabilité dans la région.

Quelles conditions posez-vous pour entamer des négociations avec Israël ?

Ismaïl Haniyeh : Si nous faisions le bilan des négociations passées, depuis douze ans, il ne serait pas encourageant. Des accords ont été signés mais Israël ne les a jamais respectés. Le président Arafat, qui a signé ces accords, a été assiégé et il a eu la fin que l’on connaît. Tout récemment, les Israéliens n’ont pas respecté l’accord sur la détention d’Ahmed Saadat et de ses compagnons dans la prison de Jéricho. La prison a été assiégée. Saadat, Fouad Choubaki et d’autres militants ont été capturés. C’est pour cela que nous disons que le problème n’est pas du côté palestinien, mais du côté israélien. Israël est-il capable de respecter les résultats de ces négociations ? L’expérience n’est pas encourageante. En dépit de tout cela, si l’on nous propose quelque chose, nous sommes prêts à l’étudier.

Etes-vous prêts à accepter le plan de paix adopté par la Ligue Arabe au sommet de Beyrouth en 2002* ?

Ismaïl Haniyeh : Lorsque le sommet arabe a pris cette initiative, Sharon a déclaré qu’elle ne valait même pas l’encre avec laquelle elle avait été écrite. A ce moment-là, Sharon a réoccupé la Cisjordanie et deux jours après, il a ordonné le massacre de Jénine. Encore une fois, je dis que le problème n’est pas du côté palestinien, ni arabe, mais du côté israélien. Est-ce qu’Israël va reconnaître cette initiative ? Si Israël la reconnaît, nous n’avons aucun problème à l’examiner avec nos frères arabes.

*Le plan de Beyrouth prévoit une normalisation des relations de tous les pays arabes avec Israël en échange d’un retrait d’Israël des territoires occupés en 1967 et de la création d’un Etat palestinien.


par Farida  Ayari

Article publié le 26/03/2006 Dernière mise à jour le 26/03/2006 à 11:35 TU