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interview

Proche-Orient

Le n°1 du Hamas s’explique

Khaled Mechaal.(Photo : AFP)
Khaled Mechaal.
(Photo : AFP)
Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas qui vient de remporter les élections palestiniennes s’offre comme intermédiaire après la crise née de la publication des caricatures de Mahomet dans la presse européenne mais il pose ses conditions. Il fait également le point sur les tractations en cours en vue de former le futur gouvernement palestinien.

De notre correspondant au Qatar

RFI - Khaled Mechaal, vous avez proposé de jouer un rôle pour désamorcer la crise née en Europe de la publication de caricatures du prophète Mahomet. Quel rôle le Hamas peut-il jouer ?

Khaled Mechaal - Nous condamnons cet acte et nous condamnons aussi le retard des gouvernements occidentaux pour dénoncer cette campagne provocatrice, le fait qu'ils n'aient pas réagi avec rapidité et efficacité d'autant plus qu'ils voyaient la réaction de la rue musulmane en Orient comme en Occident. Mais comme nous sommes une nation qui se respecte et que nous ne voulons pas de conflits entre l'Occident et l'Orient, nous avons dit que nous, Hamas, nous étions prêts à jouer un rôle pour calmer la rue musulmane à condition qu'il y ait deux initiatives rapides :
premièrement, des excuses officielles des gouvernements occidentaux aux musulmans pour ce qui s'est passé et un arrêt immédiat de ces attaques ; deuxièmement, que les gouvernements occidentaux s'engagent à promulguer des lois et prendre des mesures pour empêcher la répétition de ce genre d'atteintes. Il y a un antécédent en Occident, il y a des lois qui empêchent la négation de l'Holocauste alors que c’est un fait historique discutable (1), donc il faut faire une loi qui empêche de porter atteinte, non seulement au prophète Mahomet mais aussi à tous les prophètes et toutes les religions. Si cela est fait, le Hamas, avec tout le poids qu'il a et la crédibilité dont il jouit auprès des masses musulmanes, peut contribuer à calmer les choses, mais seulement après que ces deux conditions seront remplies.

RFI – Des pourparlers sont en cours au Caire pour la formation d’un gouvernement palestinien. Où en êtes vous aujourd’hui ?

Khaled Mechaal - En réalité il n'y a pas de pourparlers au Caire pour former le gouvernement palestinien. Le Hamas est simplement en train d'effectuer une tournée dans le monde arabo-musulman pour des entretiens avec les leaders de ce monde. Le Hamas a commencé ses consultations sur la scène palestinienne, avec les différentes formations et factions qui ont réussi à entrer au Parlement afin de former ce gouvernement et nous les poursuivrons lorsque le chef de l'Autorité palestinienne, Mahmoud Abbas, nous aura officiellement chargés de former ce cabinet, ce qui est prévu pour le 18 de ce mois, après la première réunion du Conseil législatif. Pour l'instant, nous sommes encore au stade des concertations, que ce soit au Caire, à Gaza ou à Damas. Ce sont des étapes par lesquelles nous passons et nous espérons parvenir à la formation de ce gouvernement très prochainement.

RFI – La participation du Fatah à ce prochain gouvernement palestinien est évoquée. Est-ce que vous la souhaitez ? Est-ce que vous la jugez nécessaire, obligatoire, indispensable ?

Khaled Mechaal - Nous avons proposé une participation au Fatah mais il a refusé. Notre philosophie au Hamas et notre conviction politique reposent sur le principe du partenariat, et non sur celui de l'unilatéralisme, parce que le peuple palestinien a longtemps souffert de l'unilatéralisme. C'est pour cette raison que nous croyons que les responsabilités des affaires du pays incombent à tout le peuple palestinien, que ce soit des individus ou des forces politiques. Nous ne nous orientons pas vers un partenariat par faiblesse ou nécessité, mais par volonté de collaboration.

RFI – Vous avez toujours dit que le Hamas ne reconnaîtrait pas l’Etat d’Israël, c’est pourtant une condition fixée par plusieurs Etats occidentaux. Est-ce que vous êtes prêt aujourd’hui à changer de position ?

Khaled Mechaal - Nous sommes les victimes et c'est Israël qui est l'ennemi occupant, le bourreau et le tueur et il est naturel que la communauté internationale mette la pression sur Israël parce que c’est Israël la cause du problème. Chaque chose en son temps, autrement dit, parlons de faits et non de suppositions. La reconnaissance d'Israël a longtemps été débattue et n'a donné aucun résultat parce qu'Israël n'a rien fait. L'Autorité palestinienne a reconnu Israël et qu'a fait Israël? Dans leurs sommets les Etats arabes ont reconnu Israël, qu'est ce que ça a changé? Toutes les propositions qui leur ont été faites - la dernière est la Feuille de route - n'ont rien donné. Qu'a fait l'administration américaine? Qu'a fait la communauté internationale pour mettre la pression sur Israël pour qu'il respecte les engagements qu'il a signés? Oslo, la feuille de route, notre expérience est amère, et nous ne pouvons pas avancer d'un pas ou faire des propositions, avant de voir ce que va faire Israël.


Propos recueillis par Aurélien  Colly

Article publié le 10/02/2006 Dernière mise à jour le 10/02/2006 à 17:40 TU

(Traduction: Younes Yahbi)

(1) Les propos de Khaled Mechaal considérant que l’Holocauste est un « fait historique discutable » sont susceptibles de tomber sous le coup de la loi française du 13 juillet 1990 dite loi Gayssot qui réprime la contestation de l’existence de crimes contre l’humanité définis dans le statut du Tribunal militaire international de Nuremberg. Toutefois, il nous semble que les déclarations du leader du principal groupe parlementaire palestinien, le Hamas, appelé à former un gouvernement, constituent un élément d’information utile à la compréhension de la situation politique qui prévaut actuellement au Proche-Orient. 

Audio

Khaled Mechaal

Chef du Hamas

«Caricatures : le Hamas peut contribuer à calmer les choses mais à certaines conditions.»

[10/02/2006]

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