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Proche-Orient

Le Hamas prend les rênes du Parlement palestinien

Le professeur Aziz Dweik, élu islamiste à Hébron, a été désigné par le Hamas à la tête du Conseil législatif palestinien.(Photo : AFP)
Le professeur Aziz Dweik, élu islamiste à Hébron, a été désigné par le Hamas à la tête du Conseil législatif palestinien.
(Photo : AFP)
Mahmoud Abbas a appelé les nouveaux députés à respecter les accords signés par le passé avec Israël et à privilégier la négociation pour régler le conflit. En dépit de leurs divergences, les islamistes qui s’apprêtent à former le gouvernement estiment possible de trouver un terrain d’entente avec le président. Pour Israël, le régime palestinien est désormais une « autorité terroriste ».

De notre correspondant dans les Territoires palestiniens

Le premier acte de l’installation du Hamas au pouvoir s’est déroulé en douceur. Comme dans une vieille démocratie, habituée aux alternances, le Parlement palestinien a changé de majorité sans le moindre remous et a porté à sa tête un professeur de géographie, Aziz Dweik, élu islamiste à Hébron. Dans la foulée de cette session d’ouverture, le président Mahmoud Abbas a officiellement chargé le Hamas de former le nouveau gouvernement. Cette tâche devrait incomber à Ismail Haniyeh, l’ancienne tête de liste du Hamas aux élections, que les instances dirigeantes du mouvement ont choisi pour être le futur Premier ministre.

Les 132 députés étaient tous convoqués à la Moqataa, le siège de l’Autorité palestinienne à Ramallah. Pour parer à toute tentative de l’armée israélienne de leur barrer le chemin, les élus du Hamas sont arrivés trois jours en avance. « Nous avons bien fait car aujourd’hui, Ramallah était entouré de barrages, dit Nayef Rajoub, un représentant de Hébron. Pour la prochaine réunion du Parlement, nous devrons nous y prendre une semaine à l’avance ». Leurs confrères de la bande de Gaza n’ont pas eu cette chance. Bouclage oblige, ils ont suivi la cérémonie d’investiture depuis le centre culturel de la ville de Gaza, grâce à un système de vidéoconférence. Seuls les traditionnels favoris des Israéliens, comme Mohamed Dahlan, le ministre sortant des Affaires civiles, ont pu se rendre à Ramallah.

Contre l’approche unilatérale d’Israël

Les deux acteurs de la future cohabitation palestinienne ont redoublé d’amabilités pour faciliter la transition. Contrairement à ce que certaines fuites laissaient entendre, Mahmoud Abbas à passé sous silence le sujet épineux de la reconnaissance d’Israël. Dans son discours, en prélude à la prestation de serment des députés, le président s’est contenté de rappeler l’engagement du régime palestinien à un règlement pacifique du conflit. « La présidence de l'Autorité palestinienne et le gouvernement resteront attachés à la négociation comme option stratégique réaliste, a-t-il déclaré. (…) Notre conflit n'a pas de solution militaire. Seules des négociations entre partenaires égaux sont susceptibles de mettre fin au cycle des violences que nous connaissons », a-t-il ajouté en dénonçant « l'approche unilatérale » d'Israël. En référence aux inquiétudes suscitées par la plate-forme islamiste du futur parti au pouvoir, le président a également insisté sur les libertés individuelles et sur la nécessité de les préserver.

Dans leurs réactions à l’allocution du président, les représentants du Hamas ont également mis en sourdine les sujets controversés comme par exemple la lutte contre la corruption. A Gaza, Mushir Al Masri, un porte-parole du mouvement, a certes rappelé « le droit des Palestiniens à la lutte armée ». Mais de l’avis de la direction, qui ne fait pas mystère de sa volonté de prolonger la trêve proclamée en mars dernier, un terrain d’entente sera trouvé. « Ces divergences dans les positions et le programme politique seront résolues par le dialogue et la coordination, dans l'intérêt du peuple palestinien », a déclaré Ismail Haniyeh. « Le président a son point de vue et nous avons le nôtre, que nous présenterons bientôt devant le Parlement, a estimé Abdel Rahman Zeidan, un élu de Tulkarem. Je ne pense pas qu’en définitive il y aura beaucoup de contradictions ».

Couper tout contact

Le Fatah décidera le 25 février prochain, lors d’une réunion de son comité central à Tunis ou au Caire, s’il participe ou non au gouvernement. L’opération de séduction du Hamas n’a échappé à aucun des membres de l’ex-parti au pouvoir, y compris Mohamed Dahlan qui est l’un des plus farouches opposants au mouvement islamiste. « Après dix années pendant lesquelles le Hamas a dit non à tout, ses dirigeants commencent à faire preuve de réalisme, a-t-il dit. Ils ont fait ces derniers jours des déclarations que je n’avais jamais entendues dans leur bouche auparavant. Il faut que cela continue ». Abdallah Abdallah, un autre députe Fatah, se refuse lui aussi à insulter l’avenir. « Si le Hamas adapte son programme au consensus au sein de la population en faveur des négociations, alors nous pourrions envisager de travailler avec eux. Sinon, nous serons une opposition constructive. Nous défendrons les acquis de notre peuple mais nous ne leur mettrons pas de bâtons dans les roues ».

Reste à savoir si ces bonnes dispositions résisteront à la pratique du pouvoir, aux pressions de la communauté internationale et à la quarantaine imposée par Israël. Pour Ehud Olmert, le Premier ministre par intérim, le régime palestinien est désormais une « autorité terroriste » avec laquelle il entend couper tout contact. 

par Benjamin  Barthe

Article publié le 19/02/2006 Dernière mise à jour le 19/02/2006 à 11:38 TU