Territoires palestiniens
Le Hamas forme son gouvernement
(Photo: AFP)
De notre correspondant dans les Territoires palestiniens
Le ministère des Affaires étrangères revient à Mahmoud Zahar, l’un des fondateurs du mouvement, qui avait dû s’effacer pour le poste de Premier ministre devant Ismaïl Haniyeh. Sa réputation de dur au sein du mouvement risque de compliquer encore un peu plus les contacts avec la communauté internationale. L’Intérieur a été confié à Saïd Siyam, un autre responsable du parti, sélectionné dans l’espoir que ses bonnes relations avec le Fatah lui permettront de prendre le contrôle des services de sécurité dont la plupart des chefs sont membres de l’ancien parti au pouvoir. Le ministère des Finances, jusque-là destinataire de l’aide internationale, échoit à Omar Abdel Razek, un professeur d’économie de l’Université de Naplouse, récemment libéré de prison par les autorités israéliennes. Celui de la Justice est attribué à Ahmad Al Khaldi, le président du syndicat des avocats de la bande de Gaza. Enfin d’autres portefeuilles, de moindre importance, ont été donnés à des indépendants, connus pour leurs sympathies islamistes, comme Jamal Khodari, le président du conseil d’administration de l’Université islamique de Gaza, qui est nommé à la Communication.
Abbas doit convoquer d’ici deux jours le comité exécutif de l'Organisation de libération de la Palestine (OLP), qui chapeaute les principaux mouvements nationalistes palestiniens, pour lui soumettre ce gouvernement. Le président est apparemment acculé à entériner ce cabinet islamiste, sous peine de provoquer un blocage total des institutions politiques. Il possède toutefois une petite marge de manœuvre, la date butoir pour former le cabinet étant le 28 mars, le jour des élections législatives en Israël. Ensuite le cabinet sera présenté devant le Parlement où son approbation sera une formalité dans la mesure où le Hamas y dispose d’une majorité de 74 sièges sur 132, contre 45 au Fatah.
Faire plier le Hamas
La suite sera beaucoup moins facile. En incitant le Fatah à former une coalition avec lui, le Hamas espérait désamorcer les menaces de boycottage financier brandi par l’Europe et les Etats-Unis. Sans partenaires jugés fréquentables par les grandes capitales occidentales, le gouvernement Hamas risque d'être isolé politiquement, financièrement et soumis à d'intenses pressions destinées, sinon à le faire échouer, du moins à le faire plier. Dores et déjà, un responsable de la présidence du conseil israélien a confirmé que l'Etat hébreu refuserait « le moindre contact avec un gouvernement terroriste du Hamas », ajoutant qu'il « continuerait à geler les transferts de fonds destinés à l’Autorité palestinienne ». « Nous maintiendrons cette ligne politique tant que le Hamas n'aura pas accepté de renoncer à la violence, de reconnaître Israël ainsi que les accords conclus dans le passé », a-t-il dit.
En interne, la partie risque de ne pas être plus simple. Non content de devoir se familiariser avec un régime rongé par l’anarchie, la corruption et l’incurie, les ministres islamistes devront composer aussi avec l’interdiction qui leur est faite de circuler entre les deux morceaux des territoires occupés. Dix d’entre eux venant de la bande de Gaza et 14 de Cisjordanie, le gouvernement ne pourra jamais se rassembler, sinon par vidéoconférence. Et puis il y a le facteur Fatah. Omniprésent dans l’organigramme de tous les ministères, le Fatah a les moyens d’entraver l’action du gouvernement quand bon lui semble. De nombreux observateurs redoutent qu’une fraction de l’ancien parti au pouvoir, liée de près aux services de sécurité dont ils tiraient leur assise politique et financière, ne soit tentée de faire chuter délibérément le Hamas pour préserver leur rente de situation. Les premiers mois du cabinet Haniyeh seront à coup sûr agités.
par Benjamin Barthe
Article publié le 20/03/2006 Dernière mise à jour le 20/03/2006 à 12:55 TU