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Proche-Orient

Abbas tente de prendre le Hamas de vitesse

Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas (à d.) salue son Premier ministre Ismaïl Haniyeh.(Photo: AFP)
Le président de l'Autorité palestinienne Mahmoud Abbas (à d.) salue son Premier ministre Ismaïl Haniyeh.
(Photo: AFP)
Alors que l’investiture du gouvernement formé par le Hamas est imminente et qu’il va prendre les commandes des Territoires palestiniens, le chef de l’Autorité palestinienne estime, dans une interview donnée au quotidien israélien Haaretz, qu’un accord de paix avec Israël est possible « d’ici un an ». Mahmoud Abbas semble vouloir prendre de vitesse le Premier ministre Ismaïl Haniyeh.

Les négociations de paix entre Israël et les Palestiniens sont enlisées depuis des années. Pourtant, le leader palestinien Mahmoud Abbas vient de créer la surprise en déclarant, dans une interview au quotidien israélien Haaretz, qu’un accord de paix est possible « d’ici un an » avec Israël. Cette affirmation du chef du Fatah, organe regroupant les principaux mouvements palestiniens, intervient au moment où le nouveau gouvernement, formé par le leader du Hamas, Ismaïl Haniyeh, est sur le point d’être officiellement investi dans ses fonctions. Ce gouvernement sera composé exclusivement de membres du parti radical qui a gagné les élections de janvier dernier. Mahmoud Abbas n’a pas voulu que d’autres composantes politiques palestiniennes entrent dans cette équipe à connotation radicale.

Le président de l’Autorité palestinienne fait ces déclarations optimistes sur la paix à quelques jours des élections législatives israéliennes. Leurs résultats sont perçus comme un tournant dans les relations entre Israël et les Palestiniens et suscitent beaucoup d’inquiétude dans les deux camps. Même si le parti du centre, Kadima, gagne le scrutin, chacun craint un durcissement des positions de l’autre.

« Je suis convaincu qu’en moins d’un an, nous pouvons signer un accord de paix mettant fin au conflit », indique encore Mahmoud Abbas dans cette interview à un quotidien israélien et précise : « J’ai proposé à Shimon Peres (numéro deux du parti Kadima donné vainqueur dans les sondages) et aux Américains, d’ouvrir un canal de négociations, loin des projecteurs des médias ». Des discussions secrètes, donc. Et le leader de l’Autorité palestinienne d’expliquer que le gouvernement d’Ismaïl Haniyeh ne l’empêcherait de négocier avec Israël ; et que si des deux côtés on parvenait à trouver un accord, c’est lui seul qui le signerait au nom des Palestiniens. Mahmoud Abbas parle encore de soumettre ce futur accord, si nécessaire, à référendum.

Devenir l’interlocuteur unique d’Israël

Dans cette interview, Mahmoud Abbas réaffirme qu’il est mandaté par le peuple palestinien pour négocier avec Israël et que, comme par le passé, ces négociations seront menées par l’Organisation de libération de la Palestine, son parti.

Comme le Hamas ne parle pas de changer son idéologie et de reconnaître Israël, Mahmoud Abbas se positionne comme l’unique interlocuteur du gouvernement israélien qui sera formé après les élections législatives du 28 mars. Et il cherche à verrouiller, à son profit, le rapport de force entre les différentes composantes politiques palestiniennes. Il y deux jours, le président de l’Autorité palestinienne a demandé au Hamas de modifier son programme gouvernemental. L’enjeu, cette fois sur le plan intérieur, était de reconnaître la suprématie de l’OLP comme « unique représentant légitime » du peuple palestinien. Ce que le parti islamiste a refusé, tout comme l’engagement à renoncer à la lutte armée ou la reconnaissance des accords israélo-palestiniens passé.

Depuis la victoire du Hamas dans les Territoires et à l’occasion de leur campagne électorale, les Israéliens ont annoncé qu’ils ne négocieraient plus avec les Palestiniens. Ehoud Olmert, le Premier ministre par intérim a indiqué, il y a une quinzaine de jours, que si Kadima l’emporte, Israël a l’intention, dans les quatre ans à venir, de disposer de «frontières permanentes lui permettant de se séparer de la majorité de la population palestinienne et de préserver une importante et stable majorité juive ». Le mur de séparation, dont la construction sera terminée à la fin de l’année, deviendra la frontière entre Israéliens et Palestiniens. Les multiples tentatives internationales de parvenir à la paix deviendront caduques et la création d’un Etat palestinien ne sera plus d’actualité.

Mahmoud Abbas tente de prendre tout le monde de vitesse. Il fait une ultime proposition aux dirigeants israéliens pour tenter de rester leur interlocuteur privilégié. Dans le même temps, il cherche à conserver son leadership dans les Territoires, malgré sa défaite aux élections de janvier.

De son côté, à trois jours des législatives, Ehoud Olmert s’inquiète du résultat. Des sondages annoncent un tassement des intentions de vote pour Kadima. « Il est certain que nous serons le premier parti de la prochaine Knesset (parlement) mais il faut que nous ayons une majorité suffisante pour mener notre politique » a déclaré Tzipi Livni, ministre des Affaires étrangères, qui devrait devenir Premier ministre du futur gouvernement.

Du côté palestinien, le cabinet, composé de 24 ministres et dirigé par Ismaïl Haniyeh, devrait en principe être investi lundi, afin de respecter le délai prévu qui finit mardi 28. Comme l’investiture du cabinet palestinien, à coloration radicale, pourrait avoir une influence sur les électeurs israéliens, il est question d’un report de cette investiture, pour que l’arrivée effective au pouvoir du Hamas n’incite pas des Israéliens à voter plus à droite.

Dès son entrée en fonction, le nouveau gouvernement palestinien sera confronté à une grave crise financière. Les Américains ont décidé de boycotter le Hamas, qui figure sur la liste des organisations terroristes. L’Europe a réservé sa décision pour donner le temps à l’organisation islamiste de revoir sa politique, notamment la reconnaissance de l’Etat d’Israël. Nasr Abdelkarim, universitaire palestinien, estime que le gouvernement ne pourra pas fonctionner sans aide étrangère. « L’économie palestinienne souffre d’un dysfonctionnement structurel à cause de l’occupation israélienne sur le terrain. Pour cette raison, aucun gouvernement ne peut assurer à lui seul les quelques 120 à 130 millions de dollars pour couvrir les dépenses mensuelles », explique ce professeur d’économie à l’université de Bir Zeit, en Cisjordanie.

Une Ligue arabe attentive     

S’il prépare une politique de séparation des Palestiniens, Ehoud Olmert a cependant commencé, vendredi, à modérer son discours sur le leader du Hamas. Le chef du gouvernement israélien par intérim a déclaré, parlant du Premier ministre palestinien : « C’est un ennemi, comme il se définit lui-même. Mais il n’est en rien une cible ». Le 10 mars dernier, le Premier ministre israélien par intérim avait pourtant  déclaré qu’Ismaïl Haniyeh n’était pas à l’abri d’une opération de liquidation s’il devait être impliqué dans des « attentats terroristes ».

Pour le Premier ministre palestinien, une autre échéance se présente la semaine prochaine. C’est le sommet de la Ligue arabe, les 28 et 29 mars, à Khartoum. Le chef de l’organisation arabe (22 membres), l’Egyptien Amr Moussa, estime qu’Ehoud Olmert, qui va succéder à Sharon, continuera à mener une politique hostile aux Palestiniens. « Il n’y aura pas de négociations mais seulement des mesures unilatérales », a déclaré Amr Moussa. Le Hamas sera présent à cette réunion. Seules l’Egypte et la Jordanie ont reconnu Israël mais « nous attendons tous de savoir si le Hamas va renoncer aux armes et devenir une organisation politique à part entière », a déclaré le roi Abdallah de Jordanie au quotidien français Le Monde.

Le dernier sondage effectué auprès des Palestiniens montre que 73 % d’entre eux se sentent autant ou même plus en sécurité aujourd’hui qu’avant les élections. Par ailleurs 62% estiment que le Hamas doit modifier sa position concernant la reconnaissance d’israël. Toujours selon ce sondage, 1% des personnes interrogées disent que la priorité du Hamas devrait être l’application de la loi musulmane en Palestine.


par Colette  Thomas

Article publié le 24/03/2006 Dernière mise à jour le 24/03/2006 à 17:05 TU