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Proche-Orient

Moscou hors des sentiers battus

Khaled Mechaal, le chef du bureau politique du Hamas, entame vendredi une visite de trois jours en Russie. (Photo : AFP)
Khaled Mechaal, le chef du bureau politique du Hamas, entame vendredi une visite de trois jours en Russie.
(Photo : AFP)
La rencontre proposée par Vladimir Poutine aux dirigeants du Hamas, après leur victoire aux élections, commence vendredi à Moscou. A l’approche de ce rendez-vous inédit dans les annales de la diplomatie internationale, tous les yeux sont tournés vers la capitale de la Russie.

La rencontre entre le chef de la diplomatie russe et la délégation du Hamas n’a pas encore eu lieu mais, déjà, l’enchaînement de déclarations préalables sur le déroulement de ces pourparlers en souligne l’importance. Une délégation du Hamas, grand gagnant des élections palestiniennes de janvier dernier, rencontre le ministre russe des Affaires étrangères, pendant trois jours à Moscou. Jeudi, l’ambassadeur palestinien en Russie, Baker Abdel Munem, donnait une interview à Itar-Tass, agence de presse officielle russe. Il expliquait que, sur Israël, la position du parti radical palestinien pourrait bouger, au nom des intérêts de la population. Le Hamas, a-t-il déclaré, « lie la question de la reconnaissance de l’Etat d’Israël à la nécessité de mettre fin à l’occupation des Territoires palestiniens ; en même temps, je pense que, dans l’intérêt de tout le peuple palestinien, le Hamas peut changer sa position». 

Dans une autre déclaration à une autre agence de presse russe, Ria Novosti, le numéro deux du bureau politique du Hamas plaçait la question palestinienne sous un autre angle en affirmant que la Russie « peut remplir le vide apparu à cause des erreurs de la politique des Etats-Unis au Proche-Orient. La Russie peut montrer au monde une vision plus juste et plus transparente du problème palestinien, à la différence de ceux qui appuient leur position uniquement sur les intérêts d’Israël », a déclaré Mousa Abu Marzook.

Les dirigeants du Hamas ne sont pas des parias en Russie et Mousa Abu Marzook s’est félicité par avance des pourparlers entre son mouvement, que la presque totalité de la communauté internationale juge infréquentable, et Sergueï Lavrov, le ministre russe des Affaires étrangères. « Nous sommes très reconnaissants à la direction russe pour son invitation à Moscou et nous attendons cette visite avec optimisme », a indiqué le numéro deux du Hamas. Il fait le voyage à Moscou dans la délégation.

Une rencontre de très haut niveau

Ce n’était pas prévu au départ mais finalement, Sergueï Lavrov recevra en personne la délégation du Hamas. Il y a quelques jours, seul un vice-ministre russe devait rencontrer les représentants du mouvement islamiste. La rencontre a pris de l’importance. Maintenant, Khaled Mechaal aimerait bien voir Vladimir Poutine. « Nous aimerions beaucoup rencontrer le président Poutine, je ne l’exclus pas », a-t-il indiqué dans une interview au quotidien russe Vremia Novosteï. « Nous sommes prêts à discuter de toutes les idées possibles », a-t-il encore déclaré tout en laissant entendre que son parti resterait intransigeant sur la question de la reconnaissance d’Israël.

Moscou pour sa part estime que les pourparlers devraient permettre de pousser le mouvement islamiste vers des positions plus « modérées ». « Nous n’avons pas l’intention de faire pression, mais nous voulons expliquer (au Hamas) ce qu’attend la communauté internationale des nouvelles autorités palestiniennes », a indiqué Alexandre Kalouguine, représentant spécial de la Russie pour le Proche-Orient. « Nous demandons qu’ils respectent les accords antérieurs pour qu’il n’y ait plus d’actes terroristes », a encore expliqué le diplomate, réaffirmant la nécessité de « progresser vers une reconnaissance du droit à l’existence d’Israël ».

Les responsables du mouvement radical palestinien rappellent qu’il n’est pas question de marchander leur position en échange de l’aide financière internationale. « Le peuple palestinien ne peut pas vendre ses revendications légitimes. Il ne peut y avoir de marchandage là-dessus, avec d’un côté, de l’argent et d’un autre côté notre patrie et nos droits. L’aide humanitaire ne doit pas être conditionnelle, c’est inadmissible », a encore déclaré le chef du bureau politique du Hamas.

Pour le moment, il n’est pas question de marchandage. Et les acteurs politiques du Proche-Orient s’expriment pour donner à nouveau leur point de vue sur le conflit entre les Palestiniens et Israël. Jeudi, le ministre syrien des Affaires étrangères recevait les ambassadeurs arabes basés à Damas, où vit en exil le chef du Hamas, Khaled Mechaal. Walid Al-Mouallem a expliqué que la Syrie souhaite que le choix du peuple palestinien soit respecté. Le ministre a jugé « important de préserver l’unité nationale palestinienne et de fournir toute l’aide pour diminuer les souffrances du peuple palestinien ».

L’inquiétude d’Israël

A Jérusalem, le Premier ministre par intérim, Ehud Olmert, a cherché à atténuer l’importance des pourparlers de Moscou. Ce grand retour de la Russie, puissance considérée comme hostile, inquiète le gouvernement. Ehud Olmert a déclaré : « Le président Poutine m’a affirmé qu’il s’était engagé auprès d’Ariel Sharon à ce que la Russie ne porte plus jamais atteinte à l’Etat d’Israël, tout en m’assurant que cet engagement me concernait en tant que continuateur d’Ariel Sharon », le chef du gouvernement étant toujours hospitalisé.

Mahmoud Abbas, le grand perdant des élections, n’ira pas à Moscou mais il a déclaré qu’il faut « donner une chance au Hamas ». Le responsable du Fatah et président de l’Autorité palestinienne a encore souligné, concernant la position du mouvement islamiste qui refuse de reconnaître Israël, que les positions du Hamas «ne peuvent pas changer de 180 degrés en un mois ».

Les Etats-Unis refusent le dialogue avec le Hamas et veulent couper les vivres aux Palestiniens si le mouvement radical ne renonce pas à la violence et n’accepte pas les précédents accords passés entre Israël et les Palestiniens. Les Européens sont plus prudents. Les monarchies du golfe Persique ont de leur côté, plaidé en faveur de la poursuite de l’aide internationale malgré les pressions exercées par la diplomatie américaine, lors de la récente tournée de la secrétaire d’Etat Condoleezza Rice. Le Conseil de coopération du Golfe a salué, dans un communiqué, le déblocage d’une aide d’urgence européenne de 120 millions d’euros au moment où l’Autorité palestinienne est en crise financière. Israël a décidé récemment de ne plus lui verser des droits de douane et des taxes qui lui sont dus.

Selon David Shearer, chef du bureau des Nations unies pour la coordination des affaires humanitaires, les vivres commencent à manquer à Gaza en raison de la fermeture, par Israël, du principal point de passage des marchandises.  L’Iran est également impliqué dans ce dossier : Téhéran annonce qu’une aide financière sera fournie à l’Autorité palestinienne pour compenser la baisse de l’aide internationale. Un leader du Hamas l’annonçait en début de semaine après la visite de Khaled Mechaal à Téhéran. « L’Iran a promis d’aider le peuple palestinien quelles que soient les positions américaines, israéliennes et occidentales, que l’aide internationale se poursuive ou non », a indiqué Farhat Assad, porte-parole du Hamas en Cisjordanie.   


par Colette  Thomas

Article publié le 02/03/2006 Dernière mise à jour le 02/03/2006 à 16:51 TU