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Proche-Orient

Etrangler le Hamas

Le point de passage de Qalandia entre Israël et la Cisjordanie, le 19 février 2006. Les sanctions israéliennes touchent de plein fouet l'économie palestinienne. (Photo: AFP)
Le point de passage de Qalandia entre Israël et la Cisjordanie, le 19 février 2006. Les sanctions israéliennes touchent de plein fouet l'économie palestinienne.
(Photo: AFP)
Alors que les tractations viennent de commencer entre partis palestiniens pour former le nouveau gouvernement, les Israéliens cherchent à enfermer le Hamas dans son image radicale. Que ce soit au Proche-Orient ou ailleurs, chacun se positionne pour faire face à l’arrivée du parti islamiste au pouvoir.

Le gouvernement israélien cherche à pilonner les efforts récents du Hamas de devenir un parti « fréquentable ». Dimanche, le Premier ministre israélien par intérim, Ehud Olmert, a qualifié l’Autorité palestinienne « d’entité terroriste », mettant dans le même sac la direction actuelle palestinienne et le parti islamiste, même s’il est désormais le parti le plus représentatif des Palestiniens. Et tandis que le Hamas commence à négocier avec les formations politiques palestiniennes pour former son premier gouvernement, le cabinet d’Ehud Olmert met la pression sur ces discussions. Le mois prochain, Israël devait transférer à l’administration palestinienne 50 millions de dollars. Ils sont gelés. Cette somme représente des taxes, droits de douane et TVA, reversées mensuellement aux Palestiniens. Elles sont prélevées sur des produits transitant par Israël avant d’entrer dans les Territoires. Depuis plus de dix ans, ils forment une seule entité douanière avec l’Etat juif qui en détient tous les points d’accès.

Déstabiliser les dirigeants palestiniens

Les fonds bloqués par Israël représentent environ 30% du budget de l’Autorité palestinienne. Ils permettent notamment de payer les salaires de 140 000 fonctionnaires dont environ 60 000 policiers et membres des services de sécurité palestiniens. Si Ehud Olmert a fait de la rhétorique politique en employant le mot terrorisme, il a toutes les chances de déstabiliser le futur gouvernement palestinien en lui coupant les vivres. Si l’argent manque, très vite, il ne pourra plus ni assurer une vie normale aux garants de l’ordre, ni répondre aux besoins de la population.

Les responsables israéliens ont pas ailleurs appelé la communauté internationale « à stopper toute aide à l’Autorité palestinienne, hormis l’assistance humanitaire à la population ». Jérusalem essaie de verrouiller tout changement d’attitude vis-à-vis du Hamas, aussi bien au Proche-Orient que dans le reste du monde. Cette attitude correspond à celle de l’allié traditionnel, les Etats-Unis. Eux aussi ont décidé de couper le robinet des financements au Hamas. Dimanche, Mahmoud Abbas l’a confirmé : Washington a demandé à l’Autorité palestinienne de rembourser 50 millions de dollars. L’argent était destiné à des projets de reconstruction. Les Etats-Unis peuvent s’abriter derrière la loi américaine qui interdit tout contact avec une organisation terroriste. Le président de l’Autorité palestinienne a cependant parlé d’un « dialogue » concernant ce remboursement américain. Ces tractations vont certainement peser sur les discussions qui commencent pour former le nouveau gouvernement : le Fatah, grand perdant du scrutin de janvier, le Hamas, grand vainqueur, et des partis minoritaires.

Israël et les Etats-Unis font ce qu’ils peuvent pour que la prise du pouvoir par le Hamas devienne embarrassante pour le peuple palestinien. « Nous sommes en contact permanent avec les Américains et oeuvrons en coordination pour tenter d’isoler le Hamas », déclare sous couvert d’anonymat un haut responsable israélien. « Nous voulons renforcer les éléments palestiniens modérés comme Mahmoud Abbas », ajoute ce responsable.

L’attitude de la communauté internationale

L’aide de l’Union européenne à la Palestine est financièrement décisive. Elle n’est pas encore gelée, les Vingt-Cinq ayant décidé de donner du temps au Hamas pour réviser son idéologie. Au lendemain des sanctions économiques prises par Israël, la Suède a cependant indiqué qu’elle allait augmenter son aide aux Territoires palestiniens de plus de 5 millions d’euros. Selon Peter Lundberg, l’un des responsables de l’agence suédoise d’aide au développement, l’aide supplémentaire de la Suède est nécessaire étant donné qu’Israël ne remplit pas son devoir d’occupant. « En vertu de la quatrième Convention de Genève, le pouvoir occupant a une responsabilité particulière  de soutenir et assurer la dignité humaine des occupés », a déclaré ce responsable suédois.

Sans attendre les effets de l’asphyxie financière des territoires palestiniens, les Frères musulmans, en Egypte, ont annoncé le lancement d’une collecte de fonds au profit du Hamas. « Il est de la responsabilité des peuples du monde libre et du monde arabe d’aider le Hamas, car il s’agit d’un appui au choix démocratique du peuple palestinien », a déclaré Issam al-Aryane, l’un des dirigeants du principal parti d’opposition égyptien.

L’aide viendra également d’Iran. « Il faut élaborer un plan pour que tous les musulmans puissent apporter (…)une aide annuelle financière aux Palestiniens », a annoncé l’ayatollah Ali Khameini, le guide suprême iranien, alors que Khaled Mechaal, chef du bureau politique du Hamas, effectue son deuxième voyage officiel en Iran en moins de deux mois. Pour Ali Khameini, « une pareille aide volontaire créera une relation psychologique entre les musulmans et la question palestinienne et aura un grand impact sur le monde ».

C’est dans ce contexte politique tendu que Condoleezza Rice entame une nouvelle tournée au Proche-Orient. Mardi, elle sera en Egypte, puis elle se rendra en Arabie Saoudite. Il sera probablement difficile pour la secrétaire d’Etat américaine de convaincre ces gouvernements de couper les vivres au parti islamiste qui a gagné les élections palestiniennes.

Ismaïl Haniyeh a été chargé de former le prochain gouvernement palestinien. Le leader modéré du Hamas a annoncé son intention de former un gouvernement de « coalition nationale ». Même si le Fatah de Mahmoud Abbas a exclu de participer à ce gouvernement, des discussions sont prévues. Le Hamas a trois semaines devant lui pour former ce gouvernement. Le Front populaire de libération de la Palestine a donné son « accord de principe » et devrait entrer dans ce gouvernement. Le FPLP est un parti laïc, il a remporté 3 sièges aux législatives du 25 janvier dernier.   


par Colette  Thomas

Article publié le 20/02/2006 Dernière mise à jour le 20/02/2006 à 17:10 TU