Etats-Unis/Irak
Al-Maliki sur la ligne de Bush
(Photo : AFP)
Attendu jeudi en Jordanie, le Premier ministre irakien Nouri al-Maliki a demandé mercredi au Congrès américain de l'aider à «enterrer» le terrorisme, dans un discours optimiste qui se voulait visiblement parfaitement aligné sur les positions de l’administration Bush.
La référence aux 3 000 morts du 11 septembre 2001, la métaphore de l’Irak «front de la guerre contre le terrorisme», les mots «liberté» et «démocratie» en leitmotiv… Rien n’a manqué dans le discours prononcé par le Premier ministre irakien, Nouri al-Maliki, devant le Congrès américain pour qu’on puisse le confondre avec les habituelles allocutions du président George Bush. «Je sais que certains d'entre vous doutent que l’Irak fasse partie de la guerre contre le terrorisme», a-t-il lancé aux membres du Congrès dans une formule que le président américain n’aurait pas renié, avant d’assurer : «il est de notre devoir et du votre de combattre le terrorisme !»
Consensus sur le maintien des troupes américaines
Ovationné à intervalles réguliers, al-Maliki ne s’est pas laissé perturber lorsqu’il a été interrompu spectaculairement par une militante tout de rose vêtue criant «les Irakiens veulent le départ des troupes américaines. Qu’elles rentrent aux Etats-Unis !». Toujours sur la ligne de la Maison Blanche, le Premier ministre irakien a répondu qu’il souhaitait «que les troupes américaines ne quittent pas l’Irak tant que les forces irakiennes ne seraient pas capables» de prendre le relais.
La veille, dans leur conférence de presse commune, Nouri al-Maliki s’était montré presque plus optimiste que George Bush. Il avait par exemple déclaré que son plan de sécurité de Bagdad entrait dans sa «deuxième phase». Le plan, mis en place il y a six semaines, s’est avéré un échec, à en juger par les dernières flambées de violence, au point que le président Bush a annoncé l’envoi de renforts militaires à Bagdad. Alors que le New York Times notait qu’il y avait eu au cours des deux dernières semaines plus de civils tués en Irak qu’en Israël et au Liban cumulés, le Premier ministre irakien avait, dans cette même conférence de presse, salué «nos premiers succès».
Après son discours au Congrès, plusieurs élus démocrates ont reproché au Premier ministre irakien d’enjoliver le tableau. Le sénateur Jack Reed a jugé qu’al-Maliki «s’exprimait plus dans le style d’un président de la Chambre de commerce de Bagdad que comme un Premier ministre d’Irak». La réalité aussi s’en est mêlée avec, jeudi, un nouvel attentat à la voiture piégée suivi de tirs de mortier dans un quartier chiite de Bagdad qui a fait au moins 31 morts et 115 blessés.
Désaccord sur Israël et le Hezbollah
Dans les rangs du Parti républicain, la démonstration de loyauté et de gratitude de l’Irakien a été appréciée, d’autant que sa visite avait commencé par un couac. Avant d’arriver sur le sol américain, Nouri al-Maliki avait en effet critiqué «l’agression israélienne criminelle», sans condamner le Hezbollah. Furieux, des représentants de la Chambre, essentiellement des démocrates, avaient demandé à son hôte, Dennis Hastert, de le désinviter, ce qu’il a refusé de faire. Le groupe a ensuite menacé de boycotter le discours si al-Maliki ne revenait pas sur ses critiques d’Israël. Il ne l’a pas fait et seuls deux sénateurs démocrates (Barbara Boxer et Charles Schummer) ont finalement boudé le discours du chef du gouvernement irakien. Un autre démocrate, le sénateur de l’Illinois, Richard Durbin, a regretté que l’Irakien ne lui ait pas répondu quand il lui a demandé s’il considérait que le Hezbollah était une organisation terroriste. De son côté l’ancien prétendant à la présidentielle, Howard Dean, le président du Parti démocrate, a qualifié le Premier ministre al-Maliki d’«antisémite».
Le porte-parole de la Maison Blanche, Tony Snow, a tenté de faire de cette divergence d’opinion la preuve des avancées du processus politique irakien. «Je ne vois pas ce qu’il y a de surprenant à ce que le Premier ministre al-Maliki ait ses propres opinions sur le Proche-Orient», a-t-il dit, s’écartant ainsi de l’époque où le président américain rangeait le reste du monde entre ceux qui sont «avec nous ou contre nous». «Le président n’est pas un marionnettiste», a-t-il insisté, «il ne tire pas les ficelles de Monsieur Al-Maliki». Gage d’indépendance, al-Maliki a pu lancer un appel à un «cessez-le-feu immédiat» au Liban pendant la conférence de presse commune avec George Bush.
par Guillemette Faure
Article publié le 27/07/2006Dernière mise à jour le 27/07/2006 à TU