Proche-Orient
Sous la pression, Israël suspend ses raids
(Photo : AFP)
Dérogeant aux usages diplomatiques, ce n’est pas un officiel israélien qui a annoncé la suspension pour 48 heures des raids aériens contre le Liban, mais un porte-parole du Département d’Etat américain. Les Etats-Unis tiennent visiblement à montrer que c’est sous pression américaine que les Israéliens se sont résignés à ce geste qui a pris effet lundi à 02h00 locales. Le ministre israélien de l’Intégration des immigrants, Zeev Boïm, a d’ailleurs reconnu que la décision avait été prise « pour tenir compte des Etats-Unis, notre fidèle et courageux allié qui se trouve en position difficile en raison de son soutien à Israël. »
Du reste, l’annonce a été faite alors que la secrétaire d’Etat américaine se trouvait à Jérusalem. Lundi matin, avant de rentrer à Washington, Condoleezza Rice a tenu une conférence de presse. La secrétaire d’Etat s’est voulue optimiste quant à un cessez-le-feu et une solution à la crise. « J’ai conscience d’un consensus naissant sur les conditions nécessaires à un cessez-le-feu urgent et à un règlement durable. Je suis convaincue que nous pouvons obtenir les deux cette semaine. »
Les dirigeants israéliens semblent beaucoup plus réservés. Devant les députés de la Knesset, le ministre de la Défense Amir Peretz a déclaré : « J’affirme qu’il nous est interdit d’accepter l’entrée en vigueur d’un cessez-le-feu immédiat. S’il était décrété, les extrémistes relèveraient la tête immédiatement. » D’autres ministres sont intervenus pour assurer que la suspension « provisoire » des attaques aériennes ne marquait pas la fin de la guerre. « Au contraire, a ainsi assuré le ministre de la Justice Haïm Ramon. Cette décision va nous permettre de la remporter et de réduire les pressions internationales. »
Des milliers de villageois fuient le Sud Liban
Selon un porte-parole américain, cette suspension des raids a aussi été décidée par Israël pour se donner le temps de mener une enquête sur le bombardement de Cana. Il faut dire que les réactions à travers le monde ont été vives, après la mort dimanche de 52 civils dont 30 enfants à Cana, au Sud Liban, lors de raids aériens israéliens contre cette localité. A New York, le Conseil de sécurité de l'Onu, réuni en urgence dimanche soir, s'est déclaré « extrêmement choqué et bouleversé » par le bombardement de Cana et a « déploré fortement la perte de vies innocentes », mais s'est abstenu de condamner cet acte, les Etats-Unis s'y étant opposés.
Autre raison donnée par un officiel israélien à cette suspension : « Toutes les opérations aériennes ont été suspendues sur tout le Liban notamment pour permettre à la population du sud de ce pays d'évacuer cette région. » De fait, mettant la trêve à profit, des milliers de villageois fuyaient le Sud Liban lundi, pour tenter de se mettre en sécurité. On estime à 800 000 le nombre de déplacés depuis le début de l’opération israélienne le 12 juillet. Cette accalmie a également permis aux secouristes d'acheminer de l'aide et aux ambulances d'évacuer des malades et des personnes âgées, notamment dans la localité dévastée de Beit Jbeil, inaccessible jusque là en raison des combats.
Toutefois, les responsables militaires et politiques israéliens ont tous souligné que l'aviation continuerait à attaquer des commandos du Hezbollah qui s'apprêteraient à tirer des roquettes vers le nord d'Israël, ainsi que des transports d'armes en provenance de la Syrie. L’aviation poursuivra aussi ses opérations de soutien des forces d'infanterie au sud du Liban. Dès le début de la matinée en effet, des affrontements ont eu lieu entre l’armée israélienne et le Hezbollah. Les miliciens chiites ont tiré deux roquettes (contre 150 la veille) sur la ville de Kiryat Shmona, dans le nord d'Israël, sans faire de blessés, selon la police israélienne.
Israël poursuit son opération à Gaza
De son côté, l’aviation israélienne a effectué des frappes près de la frontière syrienne. L’état-major s’est donné jusqu’à mercredi pour établir une « zone de sécurité » de 2 km de large en territoire libanais le long de la frontière. Parallèlement, Israël poursuivait lundi dans la bande de Gaza son opération entamée le 28 juin pour retrouver un soldat capturé par des groupes palestiniens. Un adolescent palestinien a été tué dans la matinée.
Lundi soir, le chef de la diplomatie française, Philippe Douste-Blazy – dont le pays réclame un cessez-le-feu immédiat - est arrivé à Beyrouth pour des entretiens avec les dirigeants libanais. Il a souligné le « rôle important de stabilisation » dans la région que joue, selon lui, l'Iran. Le ministre iranien des Affaires étrangères, Manouchehr Mottaki, était d'ailleurs attendu lundi également au Liban pour, a-t-il dit, soutenir le peuple et le gouvernement libanais et dénoncer le « crime haineux » d’Israël à Cana.
De son côté, le président américain George Bush a affirmé lundi que les Etats-Unis travaillaient à obtenir « urgemment » un cessez-le-feu au Liban, mais s'est gardé de critiquer Israël dont il a dit le droit à se défendre. Le chef de la Maison Blanche a dit vouloir une résolution du Conseil de sécurité de l'Onu qui assure une paix « durable » et « viable ». Il s’en est pris à Damas et à Téhéran. « L'Iran doit cesser son soutien financier et ses fournitures d'armes aux groupes terroristes comme le Hezbollah », a-t-il dit. « La Syrie, pour sa part, doit mettre fin à son soutien au terrorisme et respecter la souveraineté du Liban. »
par Philippe Quillerier
Article publié le 31/07/2006Dernière mise à jour le 31/07/2006 à TU