Somalie
Démissions en série
(Photo : AFP)
Depuis quelques mois, le Conseil supérieur islamique de Somalie (SICS) monte en puissance dans ce pays dévasté par la guerre civile qui a éclaté en 1991. Cette organisation dirigée par Cheikh Hassan Dahir Aweys qui a pris le contrôle de Mogadiscio, la capitale, est présente dans tout le sud et au centre du pays où elle implante des tribunaux islamiques. Selon le SICS, l’application de la charia devrait ramener l’ordre dans ce pays morcelé en proie à l’anarchie.
L’attitude à adopter face aux pratiques des islamistes qui ont créé l’Union des tribunaux islamiques (UTI), véritable pouvoir local qui régit la vie sociale, est au cœur du débat politique qui ébranle le gouvernement intérimaire. Les ministres démissionnent à tour de bras, mais le gouvernement ne tombe pas. Le Premier ministre, Ali Mohamed Gedi, a même échappé à une motion de défiance déposée par l’opposition devant le Parlement, à Baïdoa, le siège des institutions de transition. C’est dans une ambiance de confusion générale que la police est intervenue pour protéger le Premier ministre chahuté par les députés dans ce qui tient lieu de siège du Parlement, un entrepôt de céréales.
Le président de la République, Abdullahi Yusuf Ahmed et le président du Parlement Sharif Hassan Sheikh Aden, sont partisans de l’envoi à Khartoum, au Soudan, d’une délégation afin de négocier avec les représentants des tribunaux islamiques un éventuel partage du pouvoir. Le Premier ministre opposé à cette démarche au sommet de l’Etat accuse le président de la République et le président du Parlement de marcher sur ses plates-bandes. Il manifeste sa désapprobation en reportant d’une quinzaine de jours les pourparlers entre frères ennemis de la Somalie. Il se réserve, par ailleurs, le droit de nommer les membres de la délégation, ce qui n’est pour l’instant pas dans ses prérogatives.
Alliance contre nature avec l’Ethiopie
Par ailleurs, faut-il afficher ouvertement son alliance avec l’Ethiopie ? Certes, le gouvernement somalien, toutes tendances confondues, apprécie le soutien de l’Ethiopie qui lui garantit une certaine sécurité autour de Baïdoa, la seule localité qu’il contrôle, mais en même temps il veut rester discret. Les populations somaliennes ne comprendraient pas cette alliance «contre nature», car l’Ethiopie a toujours été un ennemi potentiel de la Somalie qui réclame de manière récurrente le rattachement à la mère patrie du territoire somali de l’Ogaden éthiopien.
Puissance dominante dans la corne de l’Afrique, l’Ethiopie aurait déployé près de 3 000 soldats qui patrouillent dans Baïdoa et ses environs. Ces militaires éthiopiens surveilleraient les bâtiments publics et l’aéroport de la ville. D’autres troupes seraient en alerte le long de la frontière ouest avec la Somalie. Le gouvernement somalien reconnaît à demi-mot ses accords avec l’Ethiopie, mais parle « d’assistance militaire » pour l’organisation d’une armée régulière. «Nous ne négocions pas avec un gouvernement qui reçoit l’aide de l’ennemi de la Somalie», écrivent les islamistes qui suspendent aussi leur participation à toute négociation avec le gouvernement somalien. Ils prêtent à l’Ethiopie, pays de tradition chrétienne, l’intention d’empêcher la création à sa porte d’un Etat islamique.
La défection de ministres vient conforter les propos des islamistes qui signalent la reddition sans combats de groupuscules armés qui acceptent de mettre leur zone d’influence sous contrôle des tribunaux islamiques, dans le nord du pays.
par Didier Samson
Article publié le 04/08/2006Dernière mise à jour le 04/08/2006 à TU