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Suède

Une panne nucléaire fait des remous en Europe

«<em>Il faudra étudier</em> [les défaillances du sytème électrique] <em>avant de <br />redémarrer le réacteur</em>» a indiqué l'autorité de l'énergie nucléaire suédoise (SKI) 

		(Photo : ski.se)
«Il faudra étudier [les défaillances du sytème électrique] avant de
redémarrer le réacteur
» a indiqué l'autorité de l'énergie nucléaire suédoise (SKI)
(Photo : ski.se)
Un incident classé niveau 2 sur l’échelle internationale des risques (qui en compte 7) s’est produit le 26 juillet dans une centrale nucléaire suédoise. Les experts n’ont pas tous la même lecture de la gravité de la panne. Comme d’autres dysfonctionnements ont suivi dans une centrale tchèque, le débat sur la sécurité et l’énergie nucléaire s’en trouve ravivé.

L’incident à la centrale nucléaire de Forsmark, située à 200 kilomètres au nord de Stockholm, s’est produit le 26 juillet et c’est seulement une dizaine de jours plus tard que la panne a été connue. Samedi 5 août, les responsables suédois du nucléaire ont annoncé qu’ils avaient levé la procédure d’urgence enclenchée suite à cet incident.

C’est un problème d’alimentation électrique dans cette centrale qui est à l’origine de la crise. Il y a eu un court-circuit sur le réseau. Les mesures de sécurité prévoient, en principe, que des générateurs de secours prennent aussitôt le relais pour qu’il n’y ait pas de rupture dans l’approvisionnement en électricité. Mais deux des quatre générateurs de secours n’ont pas fonctionné. Et les deux autres ont été mis en marche, manuellement, au bout d’une vingtaine de minutes. Ils ont permis d’éviter la perte de contrôle du réacteur concerné. Pendant vingt minutes, les ordinateurs, les systèmes de commandes ont été inopérants.

Cette défaillance de l’ensemble du système électrique et de ses extensions a mis en évidence les failles du système de sécurité. L’incident a été classé au niveau 2 sur l’échelle internationale des risques nucléaires qui va jusqu’à 7. Le réacteur a été mis à l’arrêt. «Il faudra étudier [les défaillances du système électrique] avant de redémarrer le réacteur», a indiqué l’autorité de l’énergie nucléaire suédoise (SKI). La direction de la centrale a décidé de stopper également la production des trois autres réacteurs de Forsmark.

Des analyses divergentes de l’incident

Les experts ne sont pas tous d’accord sur la gravité de l’incident. Certains ont avancé l’hypothèse que le cœur du réacteur aurait pu fondre si les installations qui le contrôlent avaient été privées d’électricité pendant 90 minutes. «C’est une sorte de loterie», a déclaré Lars-Olov Hoglund, un ingénieur qui connaît bien Forsmark puisqu’il a participé à sa construction, dans les années 80. Ce spécialiste, devenu consultant dans le domaine du nucléaire, a expliqué que l’incident aurait pu virer au cauchemar si un seul générateur de remplacement avait fonctionné. Le pire des cas étant de ne pas réussir à produire de l’électricité de secours.

Même s’il n’y a pas eu la moindre fuite radioactive, les experts estiment que cette fois, le nucléaire suédois a «eu de la chance».  Hoglund pour sa part place cet incident sur le même plan que les deux grands accidents du nucléaire civil : Tchernobyl, en Ukraine, en 1986 et Three Mile Island, aux Etats-Unis, en 1979. Pour le spécialiste suédois, l’incident de Forsmark pouvait conduire à la fonte du cœur du réacteur.

Est-ce pour donner un coup de semonce aux spécialistes européens de la sûreté nucléaire ou est-ce que la Suède a risqué l’accident majeur ? Difficile de dire car cette industrie est complexe et la transparence semble toujours faire défaut dans ce secteur. Si la Suède l’a échappé bel, la vulnérabilité d’une centrale construite dans un pays riche est en question.

D’autres spécialistes suédois sont moins alarmistes que cet ingénieur indépendant. Forsmark Kraftgrupp, le propriétaire de la centrale, a estimé que le risque de fonte du cœur du réacteur était «inexistant». D’autres parlent d’un incident «sérieux». C’est le cas des inspecteurs du Swedish Nuclear Power Inspectorate.

«Fonte du cœur», des mots capables de faire resurgir en Suède le débat des années 80 sur le choix ou le refus du nucléaire. Dans six semaines, il y aura des élections générales. Le Premier ministre Goeran Persson n’a rien dit sur cette question alors que l’un des thèmes de la campagne électorale a tourné autour de l’énergie et des alternatives au nucléaire. Cette filière représente en effetla moitié de la production d’électricité du pays, l’un des niveaux les plus élevés en Europe. En 1980, les Suédois ont refusé le nucléaire par référendum, avec une disparition progressive de cette source d’énergie. Mais des sondages récents effectués en marge de la campagne électorale ont montré que l’opinion publique est aujourd’hui moins hostile au nucléaire qu’elle ne l’était à la fin des années 70.

L’impact sur l’Allemagne et sur le reste de l’Europe

En ces temps de pétrole cher, plusieurs pays industrialisés ont annoncé qu’ils allaient relancer leur filière nucléaire. Et en Allemagne, les entreprises du secteur comptaient bien obtenir le report de la sortie du nucléaire programmée pour 2021. Angela Merkel semblait d’accord pour rallonger la période de transition. Les Verts, désormais dans l’opposition et les militants anti-nucléaires, ont saisi l’occasion offerte par l’incident suédois pour dénoncer les problèmes de sécurité de cette source d’énergie. Ils demandent que la sûreté soit renforcée dans les installations de leur pays et que le parc de centrales soit démantelé dans les délais prévus. Une campagne électorale commence mi-septembre en Allemagne, notamment dans le Land où se trouve la circonscription de la chancelière.

L’Autriche, elle aussi, a mal réagi à l’incident de Forsmark. Toute la classe politique autrichienne est contre le nucléaire depuis plusieurs décennies. Le pays a une source d’inquiétude supplémentaire avec des incidents répétés à la centrale tchèque de Temelin, toute proche de la frontière autrichienne. Les deux réacteurs tchèques de technologie russe ont été modernisés par les Américains à la fin des années 90. Mais la centrale connaît régulièrement des incidents. Elle vient d’en subir trois en trois jours. La production d’énergie a été stoppée. «Ces derniers jours nous ont clairement montré que l’énergie nucléaire ne pourrait jamais être rendue sûre et qu’elle représentait une source de danger permanent pour l’ensemble de la population européenne», a déclaré un porte-parole de l’opposition sociale-démocrate autrichienne.

Fin juillet, à l’occasion d’un Conseil des ministres européens de la Recherche, Vienne a obtenu que les financements européens en matière de recherche nucléaire soient consacrés «exclusivement» à l’amélioration de la sécurité et non à la mise au point de nouveaux réacteurs.



par Colette  Thomas

Article publié le 09/08/2006 Dernière mise à jour le 09/08/2006 à 17:25 TU