Sida
Le virus se cache surtout dans l’intestin
(Photo : AFP)
Et si le virus du sida parvenait à se concentrer et à se reproduire principalement dans l'intestin et dans ses glandes immunitaires associées ? La question est soulevée par les résultats d'une étude menée par des chercheurs californiens. Jusqu’à présent, les chercheurs imaginaient plutôt une attaque virale traversant la muqueuse intestinale pour aller coloniser des cellules immunitaires dans l’organisme. Or, «c’est dans l’intestin même que se livre la grande bataille juste après l’infection», déclare Satya Dandekar, professeur de microbiologie à l’université de Californie, spécialiste du sida depuis quinze ans.
Porte-parole d’un groupe de chercheurs signant un article dans le Journal of Virology (numéro d’août), la scientifique d’origine indienne ajoute : «C’est bien dans l’intestin, dont le tissu lymphoïde associé représente 70 % des défenses immunitaires de l’organisme, que se produit la destruction des cellules immunitaires en cas de sida». Destruction massive en un premier temps, prolongée par une inflammation persistante qui sape les défenses. Voilà pourquoi, peut-être, le traitement antirétroviral classique, ne prenant pas en compte cette composante cruciale de la maladie, n’arrive toujours pas à la guérir.
Des analyses sanguines parfois trompeuses
«C’est comme si l’intestin servait de réservoir viral, nous empêchant d’aider les malades à se débarrasser du virus», a-t-elle ajouté. Et même lorsque les analyses sanguines laissent penser que le traitement est efficace, le virus, dans l’intestin, continuerait de faire échec aux défenses immunitaires. Et cela, indépendamment de la date du début du traitement.
L’équipe a d’abord suivi un groupe de personnes séropositives depuis plus de dix ans qui ne prenaient pas d’antirétroviraux mais présentaient toujours un système immunitaire sain, y compris un taux normal de lymphocytes T. «En examinant leur tissu lymphoïde intestinal, nous n’y avons pas constaté de destruction de lymphocytes T», note la chercheuse. En un second temps, l’équipe a suivi un groupe de patients placés sous antirétroviraux afin d’évaluer la normalisation du tissu lymphoïde sous traitement . Des analyses de sang et de tissu intestinal ont été faites, en début de médication et trois ans après. Dans ce cas, les chercheurs ont constaté une inflammation qui inhibe les fonctions de défense du tissu lymphoïde, induit une destruction cellulaire massive et déséquilibre la flore intestinale.
Qu’est-ce qui provoque cette inflammation ? Qu’est-ce qui, surtout, provoque son emballement et sa persistance ? De fait, la recherche classique commence à peine à s’intéresser au rôle de l’intestin dans l’immunité et le fonctionnement du GALT (Gut Associated LymphoId Tissue, c’est-à-dire le tissu lymphoïde associé à l’intestin) est encore peu connu dans son détail.
En 2004, une autre équipe de chercheurs (du NIH, l’Institut national de santé nord-américain) constatait : «C’est dans le tractus gastrointestinal – bien plus que dans le sang ou les ganglions lymphatiques – que se produit la destruction la plus importante des cellules CD4, et cela à tous les stades de l’évolution du sida». La même année, une autre notait que «cette destruction se produit à tous les stades de la maladie, même lorsque le patient est sous traitement antirétroviral».
Parasitoses et malnutrition feraient le lit du sida
Pour tous les malades du sida, et notamment en Afrique, ces constatations rejoignent ce que nous déclarait il y a un an le Pr Luc Montagnier : « Il faut savoir que l’intestin est une cible majeure du virus du sida. C’est une découverte assez récente. Le virus attaque de façon préférentielle les globules blancs, les lymphocytes qui sont autour de l’intestin, et cela dès le début de l’infection. Donc, la chute immunitaire initiale porte sur ces cellules qui constituent 60% du total des lymphocytes de l’organisme». Mais cette chute sera d’autant plus grave que l’intestin, déjà la proie de parasitoses ou de mycoses, est le site d’une flore intestinale gravement déséquilibrée à cause d’un ensemble de facteurs alimentaires et toxiques.
Et le Pr Montagnier ajoutait : «En Afrique, où les parasitoses intestinales sont courantes, il y aura une stimulation encore supérieure. C’est sans doute une des raisons pour lesquelles le virus du sida s’y propage beaucoup plus facilement dans la population dite hétérosexuelle que dans les pays du Nord».
Contrairement aux scientifiques de recherche fondamentale, les médecins et thérapeutes pratiquant une médecine globale ne sont pas étonnés : «Il me paraît probable, dit le Dr Michel Vanoudenhoven, médecin et naturothérapeute, que la dysbiose intestinale contribue à faire le lit d’un grand nombre d’affections touchant le système immunitaire. Ceci pourrait expliquer en partie la prévalence particulière du sida en Afrique». La réponse à apporter est d’autant moins simple que l’inflammation induit une mauvaise absorption des aliments, laquelle aggrave une malnutrition souvent pré-existante. Malnutrition qui, à son tour, rend presque impossible la construction et l’entretien d’une réponse immunitaire performante.
par Henriette Sarraseca
Article publié le 16/08/2006Dernière mise à jour le 16/08/2006 à TU