Liban
Après la guerre, la marée noire
La France a une grande expérience en matière de dépollution des côtes suite à une marée noire. Car la Bretagne en a subi un grand nombre en quelques décennies. C’est donc de Brest, où se trouvent les unités d’urgence, que du matériel est parti pour Toulon. Des pompes, des nettoyeurs haute pression, des produits absorbants et 1 500 mètres de barrages flottants vont transiter dans le port du sud de la France avant de partir pour le Liban par bateau. La Commission de Bruxelles va octroyer 10 millions d’euros au gouvernement libanais afin de l’aider à résorber cette pollution.
Sur le moment, la marée noire du Liban est passée relativement inaperçue. Elle a été provoquée, mi-juillet, par des bombardements israéliens qui voulaient paralyser la centrale électrique de Jiyeh, située à une trentaine de kilomètres au sud de Beyrouth. Endommagées, les cuves ont relâché en mer entre 10 000 et 15 000 tonnes de fioul lourd. Très vite, il s’est répandu sur près de la moitié des 200 kilomètres de littoral libanais. Du sable, des galets, des rochers, des plages et des ports ont été touchés par la marée noire.
Malgré la guerre, dès le 25 juillet, le ministère de l’Environnement libanais demandait assistance. Et le 17 août, une réunion a eu lieu dans le port du Pirée, en Grèce. Des ministres (Turquie, Grèce, Liban) et un représentant de la Syrie ont participé à cette réunion organisée par des agences des Nations unies présentes en Méditerranée. Leurs représentants ont expliqué que les hostilités les avaient empêché de faire l’évaluation des dégâts, même si l’on sait que le fioul lourd est difficile à éliminer.
L’Organisation maritime internationale (OMI) et le Programme des Nations unies pour l’environnement (Pnue) ont averti que la marée noire représente un danger pour les autres pays de la Méditerranée orientale car la nappe dérive, elle est en train de remonter vers le nord. La quantité déversée en mer est à peu près l’équivalent de la marée noire provoquée par le naufrage de l’Erika en France en 1999.
«Il faut que nous avancions le plus rapidement possible», a déclaré le directeur exécutif du Pnue, Achim Steiner. «Il faut d’abord identifier l’ampleur de la pollution et mettre en place les mécanismes de coordination et de soutien en matière d’équipements et d’experts et surtout en matière financière», a encore indiqué M. Steiner. Il a évalué à 50 millions d’euros la somme nécessaire à la résorption de la pollution, «une estimation minimale qui sera rectifiée quand nous connaîtrons les besoins en nettoyage», a-t-il encore précisé. L’Organisation des pays exportateurs de pétrole (Opep) fournira une aide financière ainsi que 10 pays. Ils donneront tout à la fois de l’argent et une aide matérielle (Algérie, Chypre, France, Grèce, Italie, Maroc, Norvège, Danemark, Espagne). Les images satellites des sites pollués ont été offertes aux experts par l’Union européenne.
Du matériel pour nettoyer
Les autorités libanaises estiment que sept zones doivent être nettoyées en priorité, comme le port historique de Byblos, situé à 40 kilomètres au nord de Beyrouth. Le plan d’action de l’Onu prévoit que 300 personnes, réparties sur une trentaine de sites, devraient participer à ces opérations de nettoyage. Le Cedre, organisme français spécialisé dans la réponse aux marées noires, devrait coordonner le plan de dépollution.
Sur place, des volontaires ont commencé à ramasser du pétrole sur la plage de Ramlet el-Bayda, près de Beyrouth. Armés de pelles et de seaux, ces bénévoles ont découvert que le mazout, déposé par les vagues, s’est déposé sur plusieurs couches, les premières ayant parfois pénétré à 50 centimètres de profondeur. «Du coup, le nettoyage est encore plus difficile, chaque nouvelle vague enfonce un peu plus le mazout dans le sable», raconte une ramasseuse.
Pour le moment, le blocus imposé par Israël empêche l’acheminement de matériel lourd vers le littoral le plus pollué, estime un représentant de Greenpeace. L’organisation écologiste s’alarme du retard pris pour lancer le nettoyage à grande échelle. Un site de reproduction de tortues, sur la plage de Tyr au sud de Jieh, devrait être une priorité.
Les touristes sont partis à cause de la guerre. Même si le cessez-le-feu est durable, ils mettront peut-être du temps avant de revenir si le littoral n’est pas nettoyé. «La Méditerranée n’est pas en danger mais cette pollution est grave. Elle va demander plusieurs mois de travail de nettoyage difficile, contraignant et coûteux», indique le Cedre, basé en Bretagne. Les élus bretons, eux aussi, ont une grande expérience juridique des marées noires et ont proposé leurs services aux élus libanais. «Même s’il s’agit d’un acte de guerre, il faudra demander réparation», a déclaré Jacques Mangold, directeur de Vigipol, une association regroupant une centaine de collectivités territoriales victimes de marées noires.
par Colette Thomas
Article publié le 18/08/2006 Dernière mise à jour le 18/08/2006 à 16:34 TU