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Liban

Rome en première ligne avec sa mission Leonte

Au total, près de 3 000 soldats italiens devraient être déployés au sud du Liban pour servir au sein de la Finul. 

		(Photo : AFP)
Au total, près de 3 000 soldats italiens devraient être déployés au sud du Liban pour servir au sein de la Finul.
(Photo : AFP)
L’Italie qui devrait prendre le commandement de la Finul renforcée, en février 2007, à l’expiration du mandat Français, a envoyé un premier contingent de 855 militaires au Liban. La mission intitulée Leonte, du nom antique du fleuve libanais Litani, est considérée par les autorités transalpines comme la plus risquée depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale. Mais Rome qui veut retrouver une prestance internationale peut compter, pour le moment, sur un assez large consensus national.

La cérémonie sur le pont du porte-avions Garibaldi dans le port de Brindisi a été des plus émouvantes. Larmes sur le quai, embrassades …Rien de paisible dans ce flot de sentiments comme cela était perceptible dans le discours que Romano Prodi a prononcé à bord du fleuron de la marine italienne avant qu’il n’appareille avec quatre autres navires militaires en direction du Liban : «L’Italie vous suit, avec une affectueuse attention, dans une mission qui sera longue, délicate et d’envergure historique».

Vote au Parlement le 6 septembre

Au total près de 3 000 soldats seront envoyés au Liban, dont la péninsule est le premier partenaire commercial, ce qui fait de l’Italie le plus gros contributeur de la force onusienne. Faut-il s’attendre à l’unanimité des députés et sénateurs lorsque le décret sur cette mission sera soumis au vote du Parlement le 6 septembre? Romano Prodi peut en tout cas compter sur le soutien appuyé de la coalition qu’il dirige, y compris de la part de la gauche radicale qui l’avait pourtant mis en difficulté, au mois de juillet, sur le renouvellement du financement de la mission en Afghanistan, où quelque 2 000 soldats italiens sont déployés. 

A droite, le cadre est plus complexe. Les populistes de la Ligue du Nord considèrent la mission trop onéreuse (220 millions d’euros pour les quatre premiers mois). L’Alliance Nationale ne remet pas en question l’engagement des forces italiennes. Mais elle estime que les règles d’engagement sont encore trop ambigües. Quant à l’ancien président de la République et sénateur à vie, le volubile Francesco Cossiga, il exhorte son pays à garder le sens des proportions.

Du côté des observateurs de droite comme de gauche les  interrogations ne manquent pas. Pour preuve l’éditorial du quotidien  Il  Foglio prophétisant le 29 août que «la guerre ne fait que commencer dans la mesure où le Parti de Dieu n’accepte pas dans son ensemble la résolution 1701 de l’Onu en refusant le désarmement (...) Si bien que l’on envoie des milliers de casques bleus au Liban pour qu’ils jouent le role de garde-barrière en absence d’une véritable stratégie». Il est intéressant aussi de relever le commentaire du quotidien du Saint-Siège l'Osservatore Romano qui fustigeait la veille le gouvernement «pour ses tons triomphalistes sur son engagement au Liban».

Redorer le blason national

Nul ne reste indifférent aux propos tenus par l’ex-ambassadeur auprès de l’Otan et de l’URSS, le célèbre politologue Sergio Romano. Il rappelle à l’envie qu’en 1885, Cavour a envoyé plusieurs milliers de soldats participer à la guerre de Crimée afin que le royaume de Piémont-Sardaigne, qu’il dirigeait à l’époque, ait sa place à la table des négociations de paix avant de lancer cet avertissement : «J’espère que les militaires ont été cette fois-ci bien pris en compte: Pour Prodi, comme jadis pour Cavour, les missions à l’étranger semblent être avant tout le meilleur moyen pour redorer une image politique ternie».

La comparaison est osée mais force est de constater que Romano Prodi, qui avait déjà fait du grand retour de l’Italie en Europe un des thèmes favoris de sa campagne électorale, multiplie les initiatives diplomatiques. Rome tient non seulement à retrouver sa prestance internationale, en se démarquant des positions de Silvio Berlusconi, qui durant ces cinq dernières années s’est totalement aligné sur les positions des Etats-Unis et d’Israël, mais veut aussi renouer des liens étroits avec les régions du bassin de la Méditerranée pour redevenir un pays clef. Et ce, compte tenu de son histoire, de ses intérêts commerciaux et de sa position géographique. Pour autant, pas question pour l'Italie de rompre avec sa tradition philo-atlantiste qui remonte à la fin de la Seconde Guerre mondiale.

Certes le monde du troisième millénaire est bien différent des années durant lesquelles le démocrate-chrétien, Giulio Andreotti, a dominé la scène politique italienne, plus d’un quart de siècle, et cuisiné aux petits oignons ses amitiés avec les pays arabes. Mais Romano Prodi est convaincu qu’il a suffisamment de cartes en main pour s’affirmer comme un acteur à part entière de la pacification du Proche et Moyen-Orient. En ce sens, on comprend mieux pourquoi l’Italie déja engagée dans 19 missions de l’Onu s’est portée candidate au commandement de la Finul renforcée avec euphorie et empressement ou encore pourquoi le très actif ministre des Affaires Etrangères, Massimo D’Alema, demande que Rome soit présente dans les négociations sur les questions nucléaires avec l’Iran dont elle est, avec l’Allemagne, un des principaux partenaires économiques.

Ce n’est certainement  pas le chef de l’opposition, Silvio Berlusconi, qui fera obstacle aux nouvelles stratégies du centre-gauche. Au cours de ces dernières semaines, il est apparu bien plus préoccupé par l’organisation de fêtes mondaines en Sardaigne et par la sortie de son nouveau CD avec son inséparable guitariste napolitain, Mariano Apicella, que par l’Europe à l’épreuve du Liban.



par ANNE  Le Nir

Article publié le 30/08/2006 Dernière mise à jour le 30/08/2006 à 11:19 TU

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Philippe Leymarie

Journaliste à RFI, spécialiste-défense

«En France, le coût des opérations extérieures s'élève à 600 millions d'euros.»

[30/08/2006]

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