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Indonésie

Drogue : contre le Sida, la répression

Plusieurs Australiens ont été condamnés à mort pour trafic d’héroïne sur l’île indonésienne de Bali. Djakarta a durci la répression du trafic de stupéfiants ces dernières années. L’objectif est d’enrayer la consommation de drogues injectables qui toucherait un demi-million de personnes dans le plus grand pays musulman du monde.

De notre correspondant à Djakarta

Les étrangers sont prévenus dès leur arrivée à l'aéroport de Bali: «<em>La drogue conduit à la peine de mort</em>». &#13;&#10;&#13;&#10;&#9;&#9;(Photo : Jocelyn Grange/RFI)
Les étrangers sont prévenus dès leur arrivée à l'aéroport de Bali: «La drogue conduit à la peine de mort».
(Photo : Jocelyn Grange/RFI)

Le 17 avril 2005, quatre Australiens sont arrêtés à l'aéroport de Bali avec des sachets d'héroïne scotchés au corps. Ils attendaient l’avion qui devait les ramener dans leur pays. Quelques heures plus tard, cinq autres Australiens sont arrêtés dans un hôtel de l’île. Le réseau, surnommé «Les neuf de Bali» par la presse, est jugé en février 2006. Les peines sont très lourdes : deux sont condamnés à mort, quatre à la prison à vie et les trois autres à dix ans de prison. Les condamnés à perpétuité font appel. Le verdict, rendu mercredi par la Cour suprême indonésienne, a aggravé leur peine. Ils sont désormais condamnés à mort.

Une controverse s'est développée en Australie sur le rôle de la police australienne, qui a renseigné son homologue indonésienne et permis ces arrestations. Des associations des droits de l'Homme affirment que les autorités australiennes auraient dû garder le silence et cueillir les trafiquants à leur arrivée en Australie, pour leur éviter la peine de mort. Le ministre des Affaires étrangères australien, Alexander Downer, a déclaré que son gouvernement soutiendrait les appels à la clémence adressés au président indonésien Susilo Bambang Yudhoyono.

10 000 séropositifs selon les autorités, 180 000 selon l’Onusida

Mais il est peu probable que le président accorde sa grâce. La répression des trafics de drogue est une des priorités de son mandat. Il répond aux attentes d’une population inquiète de l’explosion du nombre de consommateurs de drogues injectables, qui seraient plus d’un demi-million selon certaines ONG. Plusieurs milliers en meurent chaque année sans compter les dégâts collatéraux : la propagation accélérée du Sida. Les statistiques officielles recensent 10 000 séropositifs mais l'Onusida estime leur nombre à 180 000 et place l'immense archipel de 230 millions d'habitants au seuil précédant l'épidémie. «Les toxicomanes représentent 60% de mes patients mais les contaminations par voie sexuelle progressent très rapidement», affirme le professeur Samsuridja, un des rares spécialistes indonésiens du sida. «Le passage du virus des populations à risque au reste des Indonésiens est amorcé», dit-il.

Joignant l’acte à la parole, le président indonésien, un général à la retraite élu triomphalement en septembre 2004, a nommé des proches à des postes clefs de la police. Les opérations spectaculaires se multiplient. En novembre 2005, un atelier de fabrication de pilules d'ecstasy, présenté par Djakarta comme l'un des plus grands au monde, a été démantelé sur l’île de Java. La police a saisi cent kilos de cristal de méthamphétamine ainsi que 50 000 cachets d'ecstasy et plus de 300 barils d'ingrédients utilisés pour fabriquer les pilules. Les tribunaux, gangrenés par la corruption, sont placés sous surveillance médiatique et infligent des punitions plus sévères qu’auparavant. Quant aux peines de mort, certaines sont exécutées. Un Indien et deux Thaïlandaises ont été fusillés en 2004.

Négocier une convention d’extradition

L’affaire des «Neuf de Bali» est un nouvel obstacle à un éventuel rapatriement de Michaël Blanc. En 1999, ce jeune Français de 26 ans est arrêté à l'aéroport de Bali avec 3,8 kilos de haschich dans des bouteilles de plongée. Il clame son innocence et affirme qu’un ami lui a confié ce matériel. Le procureur n’est pas de cet avis et réclame la peine de mort. Un comité de soutien est créé en France sous la houlette d’un animateur de télévision célèbre, Thierry Ardisson. Le tapage médiatique orchestré par l’animateur pousse le gouvernement français à faire pression sur Djakarta au nom de son opposition de principe à la peine de mort. La Cour suprême cède, mais inflige au jeune homme la prison à vie. Le Quai d’Orsay négocie depuis avec l’Indonésie un accord de transfert de prisonniers dont Michaël Blanc pourrait être le premier bénéficiaire. Cette convention permettrait de le ramener en France pour y purger sa peine.

Actuellement, les pourparlers buteraient sur le système de remise de peine applicable et les procédures de contrôle que les autorités judiciaires d'un des deux pays pourraient exercer chez l'autre. De nombreux parlementaires indonésiens sont opposés à la signature de cet accord. Ils redoutent que l’Indonésie soit alors engagée de facto à l'égard d'autres pays, dont l'Australie. Les relations entre Djakarta et Camberra sont très compliquées depuis l'intervention de l'armée australienne au Timor-Oriental en 1999.



par Jocelyn  Grange

Article publié le 07/09/2006 Dernière mise à jour le 07/09/2006 à 14:54 TU