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France

Huîtres sous haute surveillance

L’interdiction de commercialiser les huîtres, décidée le 31 août, a été prolongée en raison de 2 décès à Arcachon ces derniers jours. 

		(Photo : AFP)
L’interdiction de commercialiser les huîtres, décidée le 31 août, a été prolongée en raison de 2 décès à Arcachon ces derniers jours.
(Photo : AFP)
Le dossier de la contamination des huîtres du bassin d’Arcachon (Gironde) a été aujourd’hui au cœur d’une réunion interministérielle à Matignon. La mort suspecte de deux personnes ayant consommé des huîtres quelques jours avant leur décès ne joue pas en faveur des ostréiculteurs. Ces derniers se plaignent de manière récurrente d’un secteur économique en perte de vitesse. Aucun lien de cause à effet n’a pour l’heure été établi entre le décès des deux victimes et leur consommation du mollusque. Néanmoins, les soupçons sont suffisamment forts pour mobiliser l’attention des deux ministères de la Santé et de l’Agriculture. Par mesure de précaution, l’interdiction de commercialiser les huîtres décidée le 31 août a été prolongée et même élargie aux bassins de stockage isolés du bassin d’Arcachon. Des contrôles sur la «traçabilité» des lots seront effectués sur les marchés, et les services de santé invitent à déclarer tout trouble inhabituel survenu à la suite de consommation d’huîtres.

Printemps 2005, mai 2006, fin août 2006… Pour la troisième fois en un an et demi, l’ostréiculture est frappée par des interdictions de vente pour cause de présence d’algue toxique contaminant les mollusques dans le bassin d’Arcachon. La mort suspecte de deux victimes âgées de 77 ans et de 61 ans, n’appartenant pas à la même famille, ayant toutes les deux consommé des huîtres et présentant les mêmes symptômes a renforcé les décisions d’interdire à la vente les huîtres récoltées après le 28 août. Les professionnels s’insurgent contre ces mesures drastiques prises par le préfet de la Gironde après que ce dernier a saisi l’agence française de Sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). La filière conchylicole dénonce en bloc la validité du test pratiqué sur trois souris mortes qui a conduit aux mesures annoncées. La préfecture, de son côté, réplique que «cette technique a été validée par l’ensemble des agences françaises et européennes de sécurité alimentaire».

Rien n’est encore sûr mais les doutes sont grands : les médecins ont constaté chez les deux morts «un état de choc avec des signes d’acidose (*) et une insuffisance rénale aiguë». Les huîtres consommées ont, dans les deux cas, été achetées le 31 août. «Une investigation a été menée par les services du ministère de la Santé mettant en évidence la consommation récente d’huîtres [par les deux victimes]. Aucun lien ne peut-être établi à ce jour entre leur décès et cette consommation. Des investigations complémentaires sont en cours», ont déclaré dans un communiqué conjoint les deux ministères de la Santé et de l’Agriculture. Le ministre de la Santé, Xavier Bertrand, a toutefois demandé à l’Institut de veille sanitaire (INVS), «la mise en place immédiate d’un dispositif permettant d’identifier d’éventuels cas similaires». Un appel a été lancé à l’ensemble des établissements de santé et des professionnels de santé libéraux afin qu’ils se tiennent en alerte.

De leur côté, les ostréiculteurs sont impatients de connaître les résultats d’autopsie : «la problématique est de sortir du carcan selon lequel des gens ont été malades avec des huîtres et sont décédés. C’est regrettable. Pour nous, il est fondamental que nous soyons lavés de tout soupçon», a déclaré Marc Druart, le président de la fédération conchylicole du bassin d’Arcachon. Il a ajouté : «Que l’on applique le principe de précaution est tout à fait normal. Ceci étant, il n’y a jamais eu, dans le monde, de cas avéré de décès lié à des consommations de coquillages et d’huîtres. Il y a eu des gens qui ont eu des dérangements intestinaux à certaines périodes, ça existe, mais personne n’est mort

«La solidarité nationale jouera»

(Carte : S Bourgoing/RFI)

Les ostréiculteurs sont excédés. Economiquement, cette année «nous avons perdu 30% de notre chiffre d’affaires», déplore Marc Druart. Un ostréiculteur arcachonnais a déclaré au Parisien : «Je peux tenir encore deux semaines sans vente. Après je déposerai le bilan». Depuis trois ans, les ostréiculteurs s’estiment pénalisés à cause d’une sécheresse et d’une pluviométrie déficiente d’une part, et d’une politique agricole à leur désavantage d’autre part - répartisant mal l’alimentation en eau douce des bassins de culture l’été -au profit des cultures de maïs. Ces deux décès, susceptibles d'étayer la thèse de risques de mortalité liée à la consommation d’huîtres contaminées, ne sont pas faits pour stimuler le marché et viennent noircir le tableau.

Les ostréiculteurs contestent vigoureusement la validité des méthodes employées par les autorités pour décider si l’huître est consommable ou non, une méthode d’après eux non fiable. Il s’agit du test biologique dit «de la souris» qui consiste à injecter à trois souris des extraits de broyat de viscères d’huîtres pour constater si elles résistent ou non. Mais ces tests sont les seuls possibles aujourd’hui. Les tests chimiques ne seront au point qu’à la fin de l’année 2007.

Suspendue une nouvelle fois à des analyses sanitaires, l’activité ostréicole représente environ un millier d’emplois directs sur le bassin d’Arcachon. La profession s’estime certes très pénalisée mais, «il ne serait pas bon de lever les mesures de précaution sur fond de polémique», a déclaré le ministre de l’Agriculture, Dominique Bussereau, qui recevait hier les professionnels arcachonnais et les maires des communes du bassin venus réclamer la levée d’interdiction. Tout en confirmant sa décision de prolonger cette interdiction, le temps que de nouveaux contrôles soient réalisés, le ministre s’est montré compréhensif face aux inquiétudes de la profession : «La solidarité nationale jouera auprès des entreprises en difficulté si l’affaire continue», a-t-il assuré.



par Dominique  Raizon

Article publié le 07/09/2006 Dernière mise à jour le 07/09/2006 à 16:43 TU

(*) Acidose : trouble de l’équilibre caractérisé par une prédominance de l’acidité dans le sang.