Environnement
Pêcheurs de pétrole en Galice
Trois semaines après le naufrage du pétrolier Prestige , alors que la France se prépare à l’arrivée de nappes sur ses côtes, les pêcheurs espagnols de la baie d’Arousa luttent pour leur survie. Depuis mardi ils tentent par leur propres moyens d’empêcher les nappes de pétrole d’entrer dans l’une des baies d’Europe les plus riches en mollusques et crustacés.
De notre envoyé spécial en Galice (Espagne)
Manuel gît, inconscient, sur la proue du petit bateau de pêche qui vient de rentrer dans le port d’Aguino. Il a respiré trop de pétrole en trois jours, du matin au soir. Un médecin accourt, applique un masque à oxygène sur son visage zébré de noir. Manuel ouvre les yeux. Quelques heures plus tard, il est de nouveau en mer. Avec lui, les 5000 pêcheurs venus de toute la ria Arousa luttent farouchement contre l’avancée de centaines de nappes, mais avec des moyens dérisoires: une simple épuisette. Parfois même, c’est à la main qu’ils ramassent le pétrole. Il le déversent dans de grands bacs à moules, ou directement au fond de leur barque, protégée par de grandes bâches en plastique. Plus loin en mer, les mâchoires des petits chalutiers mordent dans les nappes et ramènent dans les containers disposés sur le pont autant d’eau que de fuel. A l’entrée de la baie, le ballet des embarcations à la coque noircie est incessant.
Les pêcheurs luttent avec l’énergie du désespoir
Malgré le manque d’équipements adaptés, les pêcheurs ont quand même réussi à récupérer près de 3000 tonnes de chapapote, nom inventé par les galiciens pour désigner la mélasse noire qui souille déjà plusieurs centaines de kilomètres de côtes. Mais au large, il reste encore des dizaines de milliers de tonnes à la dérive. Il suffit que le vent tourne dans la mauvaise direction, et les nappes se dirigeront tout droit vers les élevages de moules et d’huîtres et souilleront les rochers où nichent les crabes et pousse-pieds.
Livrée à elle-même, c’est la communauté toute entière qui a réagi. Dans de nombreux ports, les habitants ont bricolé des barrages de fortune pour protéger leur baie. A Cambados, des femmes ont assemblé des dizaines de filets à fine maille qui ont été tendus à l’entrée du port pour empêcher l’entrée du fuel. Ailleurs, les habitants ont récupéré de vieux sacs qu’ils ont noués ensemble pour en faire un barrage flottant, un rempart tout relatif contre la «vague noire».
Le soir, sous la halle aux poissons d’Aguino, les femmes aident les pêcheurs à se débarrasser de leur ciré collant et de leurs gants dégoulinants. Elles leur nettoient le visage au dissolvant. Harassés par leur pêche macabre et désespérée, les hommes n’en finissent pas de ressasser leur colère contre les autorités qui les laissent lutter seuls contre le pétrole. A Aguino, pour toute aide logistique, les pêcheurs ont reçu... douze paires de bottes.
Manuel gît, inconscient, sur la proue du petit bateau de pêche qui vient de rentrer dans le port d’Aguino. Il a respiré trop de pétrole en trois jours, du matin au soir. Un médecin accourt, applique un masque à oxygène sur son visage zébré de noir. Manuel ouvre les yeux. Quelques heures plus tard, il est de nouveau en mer. Avec lui, les 5000 pêcheurs venus de toute la ria Arousa luttent farouchement contre l’avancée de centaines de nappes, mais avec des moyens dérisoires: une simple épuisette. Parfois même, c’est à la main qu’ils ramassent le pétrole. Il le déversent dans de grands bacs à moules, ou directement au fond de leur barque, protégée par de grandes bâches en plastique. Plus loin en mer, les mâchoires des petits chalutiers mordent dans les nappes et ramènent dans les containers disposés sur le pont autant d’eau que de fuel. A l’entrée de la baie, le ballet des embarcations à la coque noircie est incessant.
Les pêcheurs luttent avec l’énergie du désespoir
Malgré le manque d’équipements adaptés, les pêcheurs ont quand même réussi à récupérer près de 3000 tonnes de chapapote, nom inventé par les galiciens pour désigner la mélasse noire qui souille déjà plusieurs centaines de kilomètres de côtes. Mais au large, il reste encore des dizaines de milliers de tonnes à la dérive. Il suffit que le vent tourne dans la mauvaise direction, et les nappes se dirigeront tout droit vers les élevages de moules et d’huîtres et souilleront les rochers où nichent les crabes et pousse-pieds.
Livrée à elle-même, c’est la communauté toute entière qui a réagi. Dans de nombreux ports, les habitants ont bricolé des barrages de fortune pour protéger leur baie. A Cambados, des femmes ont assemblé des dizaines de filets à fine maille qui ont été tendus à l’entrée du port pour empêcher l’entrée du fuel. Ailleurs, les habitants ont récupéré de vieux sacs qu’ils ont noués ensemble pour en faire un barrage flottant, un rempart tout relatif contre la «vague noire».
Le soir, sous la halle aux poissons d’Aguino, les femmes aident les pêcheurs à se débarrasser de leur ciré collant et de leurs gants dégoulinants. Elles leur nettoient le visage au dissolvant. Harassés par leur pêche macabre et désespérée, les hommes n’en finissent pas de ressasser leur colère contre les autorités qui les laissent lutter seuls contre le pétrole. A Aguino, pour toute aide logistique, les pêcheurs ont reçu... douze paires de bottes.
par Laurent Berthault
Article publié le 06/12/2002