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Environnement

Un bateau-poubelle pollue à nouveau l’Europe

Le pétrolier Prestige qui dérivait depuis le 13 novembre au large des côtes espagnoles à la suite d'une voie d'eau s'est brisé en deux le 19 novembre au matin et a coulé dans l'après-midi, faisant craindre une importante fuite de fioul. Cet accident relance le débat sur les pavillons de complaisance alors que l'Union européenne s'apprête à appliquer des mesures de contrôle, décidées depuis le naufrage, en 1999, du pétrolier maltais l'Erika au large des côtes françaises.
Ce que les experts craignaient depuis l'annonce qu'une voie d'eau d'une cinquantaine de mètres endommageait la coque du pétrolier Prestige est survenu mardi matin. Le bateau s'est brisé en deux au large des côtes espagnoles et commençait à couler, avec le risque de voir se répandre des milliers de tonnes de fioul dans les eaux territoriales et sur les plages de cette région de Galice, zone particulièrement riche en ressources halieutiques.
Des 77000 tonnes transportées par le Prestige, 4 000 se sont déjà échappées, touchant une cinquantaine de kilomètres du nord-est de l’Espagne.

Ce nouvel accident et la possible marée noire sur les côtes européennes posent, une fois de plus, la question de la sécurité des navires sous pavillons de complaisance qui comprennent aussi bien des bateaux modernes et sûrs bénéficiant d’une fiscalité avantageuse que des navires délabrés et dangereux. De toute évidence le Prestige appartient à la deuxième catégorie. Ce pétrolier est détenu par une société libérienne Mare Shipping et bat pavillon des Bahamas, port d’attache bien connu des bateaux de complaisance.

Il effectuait un parcours entre la Lettonie et Singapour, via Gibraltar avec à son bord un équipage de 27 membres dont deux grecs, 24 Philippins et un Roumain. Le Prestige était vieux de 26 ans et selon certaines informations le propriétaire de la cargaison serait un Russe installé à Genève et l’armateur grec. Le capitaine, un grec également, a été écroué par la justice espagnole et accusé de délit écologique et de désobéissance aux autorités pour son comportement au moment du sinistre.

Responsabilités difficiles à établir

Comme à chaque fois, personne ne se précipite pour assumer les responsabilités des conséquences de cet accident maritime et la notion admise de «pollueur-payeur» est juridiquement difficile à démêler. Le bureau Veritas, société de contrôle et de classification des navires, affirme avoir limité son intervention aux procédures de gestion et de sécurité mais n’a pas inspecté physiquement le prestige. Cette opération revient, selon Veritas, à l’Etat du pavillon, les Bahamas, qui l’ont confiée à un bureau américain. De son côté la Commission européenne interroge le Royaume-Uni sur le point de savoir pourquoi un contrôle n’a pas été effectué lors des escales du pétrolier à Gibraltar.

En effet, depuis le naufrage du pétrolier Erika en décembre 1999, qui avait entraîné une énorme marée noire sur les côtes françaises, l’Union européenne a décidé d’une série de mesures de prévention et de contrôle. Des enquêtes réalisées à cette occasion avaient conclu que les produits les plus polluants étaient transportés par les navires les moins sûrs, véritables poubelles flottantes.

Toutefois les dispositions européennes destinées à lutter contre le risque de telles pollutions maritimes, baptisées Erika 1 et Erika 2, ne doivent entrer en vigueur qu’en 2003. Trop tard pour ce qui concerne le Prestige en tout cas. Elles prévoient que tous les navires à risque, comme les pétroliers de plus de 15 ans, seront soumis à une inspection annuelle renforcée. Les Etats de l’UE devront contrôler 25% des bâtiments entrant dans les ports. Le contrôle des sociétés de classification sera également renforcé. Les pétroliers à simple coque seront interdits d’ici 2015 et les navires faisant escale dans les ports européens devront se doter d'ici 2007 de «boîtes noires» comme les avions pour reconstituer leur parcours. En 2003 sera également mise en place une Agence européenne de la sécurité maritime. En février 2004 une directive permettra d'interdire aux navires de quitter un port lorsque les conditions météorologiques sont mauvaises. Les Etats pourront aussi intervenir en cas de risques d'accident ou de menaces de pollution, même si le bâtiment n’est pas dans les eaux
territoriales.

Il n’en demeure pas moins que le Prestige, parti d’un port extérieur à l’Union européenne et à destination d’un port asiatique, échappait largement aux réglementations européennes, présentes ou à venir.



par Francine  Quentin

Article publié le 19/11/2002