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Environnement

Chirac et Aznar s’engagent contre les bateaux poubelles

Le XVe sommet franco-espagnol, à Malaga, a permis à Jacques Chirac et José Maria Aznar d’annoncer leur volonté de prendre immédiatement des mesures pour contrôler les pétroliers chargés de produits toxiques qui circulent au large de leurs côtes. Ces propositions seront soumises aux autres pays européens lors du prochain sommet de Copenhague, mi-décembre. La marée noire provoquée en Espagne par le naufrage du Prestige a renforcé la solidarité entre ce pays et la France, dont les côtes sont aussi menacées, dans le but de lutter contre la prolifération des bateaux poubelles.
Dès aujourd’hui, tous les bateaux ayant des «caractéristiques douteuses» qui voudront accéder à la zone économique exclusive de la France ou de l’Espagne (200 milles marins) pourront être vérifiés par les autorités si les équipages ne fournissent pas les renseignements demandés concernant leur cargaison, leurs affréteurs, leur destination. Les pétroliers à simple coque de plus de quinze ans, transportant du fuel lourd, du goudron ou d’autres produits toxiques dangereux pour l’écosystème sont concernés par cette mesure. Ils pourront, si nécessaire, être interdits de passage dans la zone en question qui va bien au-delà des eaux territoriales, limitée à 12 milles au large des côtes.

«Nous avons décidé que trop c’était trop», a expliqué le président français, à Malaga. Dès l’annonce du naufrage du Prestige, Jacques Chirac avait dénoncé la catastrophe et demandé que l’Europe prenne «des mesures draconiennes, sérieuses et sévères» pour lutter contre la circulation des bateaux poubelles. Suite logique de cette prise de position, c’est la France qui a élaboré, en se fondant sur l’article 56 de la convention des Nations unies sur le droit de la mer, la proposition examinée à Malaga, et l’a soumise au gouvernement espagnol.

Selon Paris, ces dispositions sont tout à fait applicables sans délai. En France, on estime qu’il y a en moyenne quatre navires dangereux par semaine dans le rail d’Ouessant qui devraient faire l’objet de vérifications. La France a d’ailleurs demandé à l’Estonie de contrôler le prochain pétrolier de ce type qui doit arriver dans les eaux nationales vers le 4 décembre, le Byzantio, pour s’assurer qu’il ne présente pas de danger.

Accélérer le calendrier européen
La France et l’Espagne ont donc voulu donné rapidement «un signal très fort» en attendant que leurs camarades européens prennent position sur la question de la sécurité maritime lors du sommet de Copenhague. Par exemple, en décidant d’accélérer la mise en œuvre des mesures baptisées Erika I et Erika II, en souvenir de la marée noire provoquée par un bateau du même nom en 1999. L’Espagne a d’ailleurs écrit, le 21 novembre, à la Commission européenne et à la présidence de l’Union pour leur demander de revoir le calendrier d’application des mesures communautaires sur la sécurité maritime.

Pour le moment, le premier train de mesures adopté en décembre 2001, qui prévoit par exemple, le renforcement des contrôles dans les ports ou l’élimination des navires à simple coque d’ici 2015, ne doit pas entrer en vigueur avant fin 2003. Quant au deuxième volet, qui porte sur la création d’une Agence européenne de sécurité maritime ou celle d’un fonds d’indemnisation, il est prévu pour 2004. En attendant, les Etats sont censés être soumis à un certain nombre d’obligations comme celle de procéder à des vérifications sur 25 % des bateaux qui transitent dans leurs ports. Dans la pratique, les Etats ne se conforment pas à cette règle. En France, par exemple, on n’atteint pas encore les 10 % car le nombre d’inspecteurs disponibles pour mener à bien cette tâche n’est pas suffisant.

La France et l’Espagne espèrent que les Etats réunis à Copenhague mi-décembre décideront d’étendre les mesures annoncées à Malaga, à l’ensemble de l’espace européen. Si ce n’était pas le cas, les négociations autour de cette question deviendraient plus difficiles par la suite. A partir du mois de janvier, c’est la Grèce qui accédera à la présidence de l’Union européenne. Patrie par excellence des armateurs, ce pays n’a jamais été sensible aux préoccupations environnementales quand elles risquent de restreindre un juteux trafic maritime. Il pourrait donc se montrer moins motivé que le Danemark pour régler ce dossier.

Malgré l’ampleur des dégâts provoqués par les successives marées noires qui ont souillé les côtes en Europe et ailleurs, la mise en œuvre des mesures de contrôle du trafic maritime, tout comme les procédures d’indemnisation des victimes des bateaux poubelles, sont difficiles et lentes. Jacques Chirac a expliqué ce manque de réactivité par la difficulté que les Etats ont eu, jusqu’à présent, à «mettre en cause» le droit international de la mer, «une espèce de monument construit historiquement pour assurer une liberté totale de circulation sur toutes les mers du globe». A l’heure où la succession des catastrophes met en péril l’équilibre écologique de la planète, l’heure n’est décidément plus au laisser-faire, laisser-passer.



Article publié le 27/11/2002