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Sciences

Découverte, en Ethiopie, du plus vieux bébé du monde

Le paléontologiste éthiopien Zeresenay Alemseged montre les restes d'un squelette d'une fillette de trois ans remontant à 3,3 millions d'années, découvert dans la région de Dikika, au bord du fleuve Awash. 

		(Photo: AFP)
Le paléontologiste éthiopien Zeresenay Alemseged montre les restes d'un squelette d'une fillette de trois ans remontant à 3,3 millions d'années, découvert dans la région de Dikika, au bord du fleuve Awash.
(Photo: AFP)
La revue Nature révèle la découverte, au bord du fleuve éthiopien Awash, d’un squelette de bébé australopithèque, mort à l’âge de trois ans il y a 3,3 millions d’années. Les fouilles ont eu lieu en face du site où a été exhumée celle que l’on a longtemps appelée la doyenne de l’humanité, Lucy. Les premières analyses apprennent que la jeune enfant était bipède et déjà bonne grimpeuse. D’autres études permettront aux chercheurs de définir les caractères génétiques de l’espèce et d’approfondir les connaissances sur le développement du cerveau. Mercredi, lors d’une conférence de presse à Addis Abeba, le squelette a été prénommé Selam ce qui, en amharique, signifie «paix».

En 1999, le paléontologue éthiopien Zeresenay Alemseged conduisait ses premières fouilles. Un an après, sur la rive droite du fleuve Awash -qui arrose le plateau éthiopien situé au nord-est du pays- il découvrait «son» bébé, vieux de plus de trois millions d’années. Selon ce paléontologue de l’Institut Max-Planck d’anthropologie évolutionnaire à Leipzig (Allemagne) et ses collègues américains et français, le bébé de 40 cm environ est probablement de sexe féminin. L’enfant de Dikika, ainsi désigné du nom du site où eut lieu la découverte dans les collines de l’Hadar (à 10 km de là où reposait Lucy) s’appelle depuis mercredi Selam. La revue Nature révèle, dans sa publication de septembre 2006, pourquoi la découverte réjouit autant les chercheurs: ce petit squelette, quasi complet, est considéré sans égal tant pour son état de conservation que pour les éléments anatomiques qui le caractérisent, inconnus jusque-là chez les australopithèques.

Improprement désignée dans la presse comme étant «la fille de Lucy» (qui est probablement un «Lucien» d’ailleurs!), Selam a deux cent mille ans de plus que celle qui fut longtemps désignée comme la doyenne de l’humanité. Mais ni Selam ni Lucy ne peuvent être considérées comme nos grands-mères. Elles seraient plutôt «nos lointaines cousines», d’après le paléontologue au Collège de France Yves Coppens, co-découvreur de Lucy en 1974 avec Don Johanson : Selam et Lucy appartiennent à l’espèce des australopithecus afarensis, bipèdes et «probablement bonnes grimpeuses». En ce qui concerne Selam, «le pied et d’autres éléments des membres inférieurs correspondent clairement à une locomotion bipède, alors que l’omoplate ressemblant à celle d’un gorille et les phalanges des mains, longues et courbées [typiques des grands singes grimpeurs] tendent à indiquer que l’enfant continuait peut-être de grimper aux arbres. Cette morphologie est étonnamment plus proche de celle des grands singes africains que de l’homme», notent les chercheurs.

Doté d’un rarissime hyoïde, un os de la gorge lié au langage

D’après les chercheurs, l’enfant a peut-être été emporté «lors d’une crue qui a permis le transport et l’ensevelissement rapide du squelette, évitant à ce dernier d’être dévoré par les charognards», commente Denis Geraads (CNRS) co-auteur de l’étude. Si l’on considère le paléo-environnement de la localité où eut lieu la découverte, cette «petite fille» vivait dans une savane boisée avec des deltas de petites rivières, où évoluaient crocodiles, girafes, rongeurs, antilopes et rhinocéros blancs. Un crâne, un os de pied, des phalanges, des fragments de tibias, des côtes, des dents de lait et l'hyoïde, ce petit os mobile de la gorge, lié au langage, situé entre la langue et le larynx : ces beaux restes, retrouvés au milieu des grès déposés dans la rivière, étaient pris dans une gangue de sédiments ce qui explique leur exceptionnelle conservation car «les restes d’hominidés, très fragiles, se fossilisent rarement», expliquent les chercheurs.

L’étude de la mâchoire, des dents de lait encore en place et des dents définitives visibles au scanner ont permis d’évaluer l’âge de l’enfant. Tous les ossements ne sont pas encore, à ce jour, complètement dégagés des sédiments. Il faudra attendre quelque cinq années encore pour savoir si cette petite australopithèque «pouvait se déplacer aussi habilement qu’un singe», note Bernard Wood, anthropologue de l’université de Washington. «Il va être passionnant d’étudier la croissance de ces australopithèques. Ce squelette est le premier à le permettre», souligne-t-il. L’étude du squelette de la jeune australopithèque «permettra (en outre) de connaître les véritables caractères génétiques de l’espèce, puisqu’il n’a pas eu le temps de se faire des caractères épigénétiques c’est-à-dire liés à l’environnement», explique dans Libération Yves Coppens.

par Dominique  Raizon

Article publié le 21/09/2006 Dernière mise à jour le 21/09/2006 à 17:37 TU