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Etats-Unis/Pakistan

Un allié martyrisé ?

Entretien Bush-Musharraf à la Maison Blanche : les Américains reprochent régulièrement au Pakistan de ne pas faire le maximum pour démanteler al-Qaïda. 

		(Photo : AFP)
Entretien Bush-Musharraf à la Maison Blanche : les Américains reprochent régulièrement au Pakistan de ne pas faire le maximum pour démanteler al-Qaïda.
(Photo : AFP)
Les présidents pakistanais et américain ont eu un entretien ce vendredi à la Maison Blanche. La veille de ce rendez-vous, Pervez Musharraf a raconté à une télévision américaine que les Etats-Unis avaient menacé de bombarder son pays après le 11-Septembre si Islamabad ne coopérait pas dans la lutte contre le terrorisme. Dans la situation instable que connaît cette région du monde, le Pakistan et les Etats-Unis sont pourtant condamnés à s’entendre.

La dernière fois que les présidents Bush et Musharraf se sont vus, c’était en mars dernier, à Islamabad. A la fin de sa visite officielle en Inde, le président américain avait fait une halte au Pakistan. Sans demander l’accord du Congrès et sans tenir compte de l’embargo américain en vigueur, George W. Bush venait de s’engager à fournir de la technologie nucléaire à l’Inde pour lui permettre de développer son programme nucléaire civil.  

Les relations entre I’Inde et le Pakistan sont toujours tendues, notamment sur le dossier du nucléaire. Alors, pour le président Musharraf, la concession faite par le président américain en personne au gouvernement indien relevait presque de la provocation.

A la veille de cette toute nouvelle rencontre avec le président Bush, le président pakistanais s’est vengé en faisant des révélations. Dans une interview donnée à une chaîne de télévision américaine, il a expliqué qu’au lendemain des attentats du 11 septembre 2001, les Etats-Unis avaient menacé de bombarder le Pakistan s’il ne coopérait pas dans la lutte contre le terrorisme. Pervez Musharraf a précisé que la menace était venue de l’ex-secrétaire d’Etat adjoint Richard Armitage et avait été transmise par l’intermédiaire du directeur du Renseignement pakistanais.

Des révélations démenties

«Le directeur du renseignement m’a rapporté que M. Armitage lui avait dit : soyez prêts à être bombardés. Soyez prêts à revenir à l’âge de pierre». Dans cette interview partiellement rendue publique par CBS avant sa diffusion, le président pakistanais a qualifié cette menace de «très brutale». La menace a-t-elle été réelle ? Toujours est-il que vendredi, avant l’entretien entre les deux chefs d’Etat, un porte-parole de la Maison Blanche a démenti, en expliquant que des menaces de bombardements ne faisaient pas partie de la stratégie américaine dans sa lutte contre le terrorisme après le 11-Septembre. «Il se peut qu’il y ait eu un problème classique de communication» entre les deux pays, a ajouté le porte-parole tout en expliquant : « Lors du déclenchement de la guerre en Afghanistan, les Etats-Unis ont effectivement dit au président Musharraf : vous devez choisir entre être avec les talibans et être avec nous ».

Peu de temps après les attentats du 11-Septembre, le Pakistan a effectivement retiré son soutien aux talibans encore au pouvoir à Kaboul. Ces derniers étaient accusés de protéger les terroristes d’al-Qaïda, l’organisation qui a revendiqué la paternité des attentats. Et par la suite, Islamabad est devenu l’allié des Américains dans la lutte contre le terrorisme en général et la traque de ben Laden en particulier.

Depuis cinq ans, le Pakistan a joué un rôle concret dans la chasse aux terroristes. La police et les services de renseignement pakistanais ont arrêté plusieurs membres importants de la mouvance islamiste, notamment le cerveau présumé des attentats contre le World Trade Center, Khaled Cheikh Mohammed. Les services pakistanais ont également aidé le Royaume-Uni à reconstituer le fil qui a conduit aux attentats de Londres en 2005. Cette coopération a été suivie par des arrestations. Dans les projets d’attentats mis au jour à Londres cet été, les services pakistanais ont une fois encore permis de reconstituer le parcours des activistes britanniques d’origine pakistanaise et leurs contacts dans leur pays d’origine.

Malgré cette lutte commune contre le terrorisme, le président Bush, à la veille de son entretien avec Pervez Musharraf, accentuait de son côté la pression sur son partenaire. Le président américain déclarait que les Etats-Unis étaient prêts à partir à la recherche d’Oussama ben Laden et d’autres terroristes sur le sol même du Pakistan. La Maison Blanche envisageait d’envoyer des militaires sur place pour mettre la main sur le chef d’al-Qaïda qui se cacherait dans la région montagneuse entre le Pakistan et l’Afghanistan.

Nouvelle déclaration de Pervez Musharraf : il fait part de sa réticence alors que des militaires américains, il y en a déjà et de manière tout à fait officielle dans des bases militaires pakistanaises. Ils sont probablement parmi les 80 000 soldats déployés à la frontière afghane. Tandis que le président Bush choisissait de menacer son allié, le porte-parole adjoint du département d’Etat, Tom Casey, tempérait les propos présidentiels en déclarant : «Nous apprécions beaucoup les efforts du gouvernement du Pakistan pour combattre le terrorisme. C’est un partenaire solide pour nous».

Les Américains reprochent régulièrement au Pakistan de ne pas faire le maximum pour démanteler al-Qaïda. Le président Musharraf doit cependant composer entre les exigences de Washington et le sentiment anti-américain de la population pakistanaise.

Escalade verbale, résultats concrets

Les Etats-Unis de leur côté n’ont pas encore donné au Pakistan le coup de main décisif qu’il attend à sa frontière pour un retour définitif de la paix en Afghanistan. Au contraire, malgré plusieurs années de présence américaine, les talibans sont toujours actifs.

Malgré les menaces verbales, les accusations invérifiables, les pressions, les appels au réalisme avant un tête-à-tête crucial pour les deux pays, il ne fait aucun doute que les liens se renforcent entre Islamabad et Washington. En mai dernier, le Pakistan, l’Afghanistan et les Etats-Unis ont, pour la première fois, participé à un exercice militaire commun. Il a eu lieu dans une base militaire du nord-ouest du Pakistan. Environ 1 000 soldats, pakistanais, américains et afghans, ont participé à ces manœuvres dont l’objectif, une fois encore, était la lutte contre les talibans et al-Qaïda. Si les présidents Bush et Musharraf ont sorti leurs muscles avant de se voir, la coopération s’accentue. D’ailleurs Musharraf, Bush et Karzaï vont se rencontrer dans quelques jours à Washington.



par Colette  Thomas

Article publié le 22/09/2006 Dernière mise à jour le 22/09/2006 à 17:16 TU